Intervention de Richard Ferrand, président de l'Assemblée nationale
Retrouvez l'intervention de Richard Ferrand, président de l'Assemblée nationale.
Seul le prononcé fait foi.
Merci, chers amis du MoDem, de m'accueillir ce matin parmi vous, ici, en Bretagne, dans cette magnifique banlieue morbihannaise du Finistère qu'Erwan Balanant et moi affectionnons particulièrement.
Je voudrais d'abord vous remercier véritablement de votre invitation et aussi féliciter toutes celles et tous ceux qui, à quelque titre que ce soit, ont participé à l'organisation de ces trois jours de travail et de retrouvailles, car je sais bien que, dans ces événements politiques, il y a ceux qui s'expriment, qui sont un peu dans la lumière, mais il y a aussi tous ceux qui ont rendu possible ces rencontres et possible que les choses se fassent. Donc merci à eux.
Je voudrais évidemment saluer l'ensemble des parlementaires - je commence par eux - de l'Assemblée nationale qui sont ici, mais aussi les parlementaires européens et les parlementaires bretons qui siègent dans les deux assemblées, Marie-Pierre, Jimmy et Erwan et sans doute d'autres que je n’ai pas salués.
Je salue bien sûr les ministres ici présents avec lesquels nous avons toujours grand plaisir à travailler.
Je voudrais aussi vous saluer toutes et tous en vous disant que je mesure l'effort que représente, dès le matin, d'être rassemblés ici, alors même que les soirées de retrouvailles post-confinement ont évidemment donné lieu à des discussions longues, tardives, tout en étant riches, mais qui rendent parfois les réveils plus incertains !
Alors, tout cela est aussi, en vérité, le signe que la majorité est traversée par des courants de bonne humeur, de bonne humeur de se retrouver, mais aussi de bonne humeur d'être ensemble et, pour ma part, faisant écho à ce que vient de dire François, j'ai envie de vous dire quelques mots sur la vision d'avenir partagée que je suis extrêmement heureux de porter avec François Bayrou, en effet, en amitié et en confiance.
Si on fait un zoom arrière, comme disent les photographes, que voyons-nous à l'œuvre ? Nous voyons évidemment un monde globalement très morcelé, avec des doutes qui se font jour sur la sincérité d'un certain nombre d'alliances. Nous voyons, y compris sur notre continent européen, et Stéphane Séjourné ne me contredirait pas, des démocraties qui reculent et nous voyons, dans d'autres grands pays/continents, des démocraties qui sont totalement mises à l'arrêt ou qui, en tout cas, n'émergent plus.
Dans ce contexte, et cela rejoint notre engagement partagé de toujours, nous avons besoin de voir l'Europe se renforcer, nous avons besoin de voir la souveraineté européenne, un concept cher au cœur du Président de la République et pas qu'à son cœur, à son action, nous avons besoin de la voir se construire, cette souveraineté européenne, puisque nous voyons bien que, pour peser sur le cours du monde et sur le cours des choses, il faut que l'Europe arrive à se rassembler et apporter une voix forte vis-à-vis des autres.
Je puis vous dire que, pour rencontrer fréquemment un certain nombre de Présidents d'Assemblées des pays qui font partie de l'Union, je me dis que l'affaire est loin d'être gagnée. Chacun considère que c'est finalement un club sympathique, où il est possible d'aller faire son marché.
Ils considèrent que le désir de construction européenne, c'est une affaire d'idéologie et, pour eux, c'est un gros mot, mais ils considèrent aussi qu'il faut finalement être très pragmatiques et cela veut dire ne s'engager sur rien, mais faire ce qu'il est possible de faire "à la petite semaine".
Lorsque l'on commence à parler de souveraineté européenne, d'engagement commun, on sent tout de suite se rétracter les différentes expressions politiques.
C'est dire qu'il nous faudra collectivement une énergie sans faille pour porter cette espérance d'une souveraineté européenne qui sera à l'ordre du jour de la prochaine présidence de l'Union européenne, placée précisément sous la responsabilité d'Emmanuel Macron.
Puis, lorsque nous regardons la France, nous voyons bien qu'il y a beaucoup de forces qui veulent diviser la France. Nous voyons bien que l'extrême-droite est prête à hystériser - c'est même sa vocation - tous les questionnements et les doutes, dans une forme de surenchère haineuse et d'autant plus haineuse qu'elle est elle-même fracturée.
À l'extrême-gauche, nous voyons que tout n'est que combats éternels, nostalgiques, frontaux, faits d'oppositions définitives et d'expressions sectaires un peu comme si, au fond, la majorité, quoi qu'elle fasse, aurait toujours tort, tandis qu'eux qui ne font rien auraient toujours raison dans le discours.
Puis, par ailleurs, nous le voyons aussi, nous le voyons à droite, nous le voyons à gauche, il y a un désir commun, c'est de réinstaller une France bipolaire qui aurait des humeurs ou des souffrances, pourrait changer d'élite, qui serait un coup de droite, officiellement, un coup de gauche, officiellement, dont les protagonistes auraient en commun de sortir toutes et tous des mêmes écoles.
Au fond, on voudrait réinstaller une mécanique qui permettrait à des systèmes de se succéder, sans jamais être en phase avec ce que le peuple français attend, mais être en phase avec ceux qui ont pris les habitudes de gouverner pour toujours : attendre dans la durée.
Alors, nous voyons bien, au moment où nous nous rassemblons, que certains sont aux prises avec des sujets complexes : faut-il faire une primaire ou un congrès pour désigner notre chef ? C'est dire si ce chef ne s'impose pas d'évidence !
Ensuite, en matière écologique, nous sommes tous convaincus que l'écologie ne se discute pas, c'est une nécessité que d'agir sur ce terrain-là, c'est une question de survie, mais ce n'est pas un dogme, c'est un enjeu que nous devons, chacune et chacun, avoir à l'esprit.
Cela doit intégrer chaque jour un peu plus les différents choix politiques que nous faisons, mais ce n'est pas un dogme qui serait, au fond, symbole de pureté qu'il faudrait opposer à tout autre choix politique que celui d'une doxa qui viendrait tout à la fois nier le réel, refuser la croissance et penser qu'au fond, tout, dans notre société, devrait être modifié brutalement au nom des angoisses liées au changement climatique ou à d'autres évolutions inquiétantes.
Alors intégrons l'écologie mais ne subissons jamais, jamais de dogme.
Alors, au fond, dans ce contexte, morcellement ici, de divisions un peu partout, regardons-nous en face, nous qui, depuis 4 ans, travaillons ensemble, avons découvert que nos valeurs étaient communes, que nos combats étaient communs et que, surtout, nos votes ont été communs pour soutenir l'action du Président de la République.
Nous pouvons faire ce constat et nous dire qu'au fond ce que pendant des décennies, et François l'a rappelé, le combat que vous avez mené était la lutte contre la bipolarisation de la vie politique française, et avec Emmanuel Macron on l'a baptisé un peu différemment, mais cela veut dire la même chose, c'est le dépassement.
Que signifie le dépassement ? Cela veut dire que, lorsque l'on est d'accord sur des valeurs, lorsque l'on est d'accord sur un projet, sur une vision d'avenir, alors on doit être capable de se rassembler et capable de se rassembler quelle que soit l'origine politique, culturelle, philosophique même, il n'y a pas d'appellation d’origine contrôlée pour ceux qui veulent venir servir la France autour du même projet.
Et donc humanisme, cela a été dit avant moi, justice sociale, développement économique, prise en compte totale des enjeux contemporains liés à l'écologie et évidemment impérieuse nécessité de construire l'Europe, eh bien c'est cela qui fait que nous sommes ensemble depuis 4 années et que nous avons envie de le rester.
J'ajoute que nous sommes, nous, par contraste, et c'est saisissant, dans le refus des divisions, mais évidemment nous sommes aussi dans la passion du débat car il faut tout de même faire un distinguo entre ce que sont les divisions et la capacité à débattre.
Être unifié, être rassemblé, cela ne veut pas dire être dans une caserne où personne n'aurait le droit de s'exprimer. Mais, la division, c'est autre chose, c'est lorsque l'on mêle le désir du pouvoir que l'on habille dans des considérants idéologiques qui, en vérité, ne sont qu'une manière de créer des courants qui s'opposent pour gagner la tête du parti. Et, croyez-moi, après 40 ans de parti socialiste, j'aurais à vous en raconter jusqu'à demain matin si vous y tenez vraiment !
Mais, que voulez-vous, avant de découvrir une démarche originale, il faut avoir une solide expérience de ce qui a existé ailleurs et donc y compris ce qu’il est convenu d’appeler le Centre n’a jamais été épargné.
Donc faisons de nos états de service des expériences pour construire précisément un avenir dans la clarté où l'on sait distinguer ce qui relève des enjeux de pouvoir et de ce qui relève des débats politiques, évitons de mélanger les deux, cela permettra aux Français de s'y retrouver un peu plus clairement.
Alors, depuis 4 ans, nous avons eu l'occasion les uns et les autres, et je pense aussi à l'ensemble des militants de la République en Marche, de nous connaître, de nous apprivoiser d'une certaine manière, de croiser nos cultures, de voir nos points communs et de développer au fond ce sentiment de confiance qui fait qu'il est temps de faire des pas en avant vers une plus forte unification, une plus grande capacité à construire ce que nous avons les uns et les autres tour à tour appelé la Maison commune.
Alors, c'est vrai que cela fait longtemps que l'on dit : « il faudrait finir par le faire ». Maintenant je lis ici ou là : « tiens, ils nous reparlent de leur serpent de mer ». Là on se moque un peu, des âmes charitables qui aiment bien ironiser sur la lenteur des choses, mais on ne fait pas des choses aussi importantes, on ne relève pas des défis de cette importance par un claquement de doigts. Il faut d'abord y réfléchir, en débattre et ensuite il faut en convaincre largement autour de soi.
Je me dis : donnons-nous un objectif.
C'est comme quand on a un mandat, on commence quelque chose, on le finit et, après, on l'inaugure.
Eh bien, moi, je trouverais bien que l'on puisse inaugurer notre Maison commune avant la fin de cette année.
Alors évidemment, notre Maison commune, ce doit être une maison - vous savez, je suis un fils de maçon - aux fondations solides. Les fondations, c'est évidemment ce que vous représentez et c'est ce que Stanislas Guerini qui sera demain parmi vous représente, c'est-à-dire au fond deux organisations qui seront les piliers sur lesquels il va être possible de bâtir, bâtir ensemble une maison.
Une maison, ce n'est pas un bunker, j'anticipe ce que les uns ou les autres pourraient imaginer, c'est une belle maison avec des grandes baies vitrées, très transparente. C'est comme cela que je l'imagine, avec des grandes pièces où l'on peut débattre longtemps, jusqu'au bout de la nuit si on le veut et qui soit évidemment prête pour accueillir et pour agir.
Et au fond, qui veut-on voir venir dans notre maison ? D'abord tous ceux qui, à quelque responsabilité que ce soit, ont fait le quinquennat qui s'achève et qui ont vocation à être dans cette maison puisque, ce quinquennat, nous l'avons conduit ensemble.
Et évidemment ces fondations et cette maison, cela doit préparer le quinquennat que nous espérons.
Donc, au-delà évidemment de notre courant politique qui doit être en capacité d'élargir la majorité, car la majorité que nous représentons n'a pas vocation à se restructurer, elle a vocation à se renforcer et à s'élargir, ce que nous voulons, c'est cela, c'est créer une maison ouverte dont nous serons garants des fondations et qui ne sera fermée à personne dès l'instant qu'évidemment nous aurons en partage les valeurs et les projets que nous portons.
Puis, François l'a écrit dans l'éditorial du programme, je vous invite à le relire, je sais très bien que ce n'est pas les choses qu’on lit le plus, mais on a tort, car, moi, je voulais savoir exactement où je venais donc j'ai lu l'éditorial et les choses sont très clairement dites, c'est-à-dire que cela doit dépasser les échéances électorales qui sont devant nous.
On ne fait pas un parti, un mouvement commun, une Maison commune, appelons cela comme l'on veut, simplement pour se dire : nous sommes en 2021 et il y a 2022, la belle affaire, nous pourrions y aller comme nous y sommes en 2022, puisque nous y sommes parvenus comme cela il y a quelques années et nous avons vécu ensemble ces 4 années.
Non, c'est parce qu'il est urgent, il est nécessaire dans le contexte historique européen et français d'ancrer un mouvement qui, dans le plein accomplissement, dépassera ceux qui l'auront créé et ceux qui l'auront organisé, mais qui offre à la société française, et au-delà à la société européenne, un espace où l'on peut être dans cette logique de dépassement, cette logique de rassemblements, dans ce refus de la bipolarisation et qui donne une continuité, une suite, une ligne d'horizon, celle que l'on n'atteint véritablement jamais à tout ce que nous avons en commun.
Alors, oui, il faut le faire maintenant car nous avons de bonnes raisons de le faire après avoir muri ensemble, travaillé ensemble et parce que nous avons des obstacles extraordinairement difficiles à franchir ensemble en 2022, mais la vraie préoccupation c'est, qu'après 2022, eh bien nous soyons en capacité d'attirer toujours plus de Françaises et de Français pour porter bien plus loin et encore plus haut ce qui nous tient à cœur.
C'est cela me semble-t-il ce qui est devant nous et c'est cela l'intérêt de cette Maison commune, car nous avons un défi civique, citoyen à relever, c'est tout de même de redonner envie aux Françaises et aux Français de s'engager et à tout le moins de voter.
Et donc, notre devoir, c'est de recréer cette appétence parmi notre peuple, car il y a toujours quelque chose d'un peu angoissant à voir une démocratie affaiblie par une moindre participation.
Au fond, nous devons donc travailler à définir des lignes claires, à redonner cette impression et que la politique, oui, peut redonner espoir.
Pour ma part, j’ai la conviction que là est notre devoir, et que là est le chemin que nous avons envie de marcher ensemble, en tout cas je l'espère.
Bonne journée.