Anne Bergantz : "Le départ de la victime ou l'éviction de l'agresseur du domicile est fondamental"
Anne Bergantz, Députée des Yvelines, est intervenue ce lundi 16 octobre à l'Assemblée nationale sur le projet d'aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales. Retrouvez son intervention.
Je souhaiterais d’abord commencer mon propos par des remerciements, des remerciements à Madame Valérie Létard, Sénatrice à l’origine de cette proposition de loi pour son expertise et son engagement que je crois dire sincère et total dans la lutte contre les violences faites aux femmes.
La lutte contre les violences conjugales est une nécessité, personne ici n’en doute.
La volonté du gouvernement à se mobiliser en faveur des droits des femmes et à lutter contre les violences faites aux femmes ne fait également aucun doute.
Lors des rencontres sur le terrain avec les gendarmes et les policiers, nous voyons bien que la prise en compte de la parole des femmes a radicalement changé ces dernières années : aujourd’hui le personnel est formé, les lieux d’accueil sont repensés pour favoriser la discrétion, permettre les conditions indispensables à la relation de confiance pour permettre la libération de la parole et des intervenantes sociales sont également présentes dans ces lieux.
Si nous pouvons saluer les résultats des politiques impulsées ces dernières années, nous sommes néanmoins tous d'accord sur un point : il y a encore beaucoup à faire.
Que sait-on concernant ces violences ?
La violence conjugale touche tout le monde, quel que soit l'âge, le sexe, la profession, le milieu social, la religion, la culture ou l'orientation sexuelle.
Dans tous les couples engagés dans une relation violente, il y a un risque élevé que les agressions deviennent récurrentes et que leur fréquence s'accélère. Lorsque le cycle de la violence est engagé, il ne s'arrête pas.
Les enfants sont covictimes de la violence conjugale qui les affecte tant sur le plan physique, émotionnel que social.
L'enjeu du départ de la victime est donc primordial.
Quelques chiffres rapides. En 2020, on a recensé 159 400 victimes de violences conjugales, 125 féminicides. Ces femmes sont mortes dans leur propre foyer.
L'enjeu du départ de la victime ou l'éviction de l'agresseur du domicile quand il est possible, est absolument fondamental. Et cette étape est difficile.
Oui, le chemin peut être long. Il s'effectue par étapes, par des allers-retours. Plus qu'un chemin, c'est un processus pour lequel nous devons accompagner, informer la victime en respectant ses choix et aider.
Il y a, nous le savons, de nombreux freins amenant la victime à rester au sein du foyer. Des sentiments contradictoires, amour, peur, crainte de perdre les enfants, crainte des représailles. Savoir que toute sa vie est à reconstruire. Et bien sûr, des freins financiers en raison de l'absence de revenus ou de revenus insuffisants, mais aussi de non-accès à ses propres revenus par la mainmise du conjoint sur les comptes bancaires. On parle ici de violences économiques.
Il faut dès lors penser à une aide permettant de se libérer du joug financier du conjoint. C'est ce que propose cette proposition de loi via la création d'une aide financière disponible rapidement. Elle doit rendre la séparation possible au moment où les victimes sont prêtes à quitter le domicile.
En commission, le groupe MoDem et indépendants a souligné l'importance de soutenir une telle aide en émettant quelques réserves uniquement motivées par le souci de l'effectivité de cette proposition et de sa mise en œuvre sur l'ensemble du territoire.
Des amendements du gouvernement ont été déposés en ce sens. Ils concourent au même objectif de sécurisation et d'autonomie des victimes et ne dénaturent pas le projet porté en commission. Je ne peux donc que vous inciter, chers collègues, à les voter.
Cependant, ne croyons pas que les seules aides financières solderont définitivement les problèmes auxquels les victimes font face.
Dans le processus dont je parlais précédemment, quitter le domicile est une étape. Ce n'est pas la fin du parcours. Les sortir de ce cycle de violence et de dépendance psychologique et affective implique davantage qu'une seule réponse financière.
Cela appelle une réponse coordonnée, rapide et continue des pouvoirs publics.
L'enjeu est donc de répondre rapidement à la pluralité des besoins, qu'ils soient, je le répète, financiers, psychologiques, juridiques et bien sûr d'hébergement qui reste une véritable préoccupation pour les personnes qui quittent leur foyer.
C'est tout l'enjeu, il me semble, du Pacte nouveau départ annoncé en septembre dernier par la Première ministre et rappelé aujourd'hui même par vous, Madame la ministre, qui sera déployé de manière progressive dès le premier trimestre 2023.
Il permettra notamment une meilleure détection des victimes de violences conjugales grâce à un réseau d'acteurs sur tout le territoire, un renforcement de l'aller vers la victime aux étapes-clés de son parcours, une priorisation de l'accès aux aides et dispositifs au bénéfice des victimes de violences.
Vous l'aurez compris, le Groupe Démocrate votera favorablement ce texte.