Conférence : En soutien au peuple Iranien, avec Femme Azadi
Depuis la mort de la jeune Mahsa Amini le 16 septembre 2022, l'Iran est entré dans un mouvement de révolution, porteur d'une immense espérance. Samedi 4 février, le Mouvement Démocrate a accueilli une exposition de photographes iraniens réalisée en collaboration avec l'association Femme Azadi, et qui restera accessible au siège jusqu'au 14 février.
À l'initiative d'Aurélie Trotin, élue de l'opposition à Levallois-Perret, de notre secrétaire générale Maud Gatel, de notre porte-parole Isabelle Florennes et du collectif Femme Azadi, s'est tenue samedi après-midi une conférence pour dresser un état des lieux et saluer le courage de ces femmes et hommes héroïques.
Parler de l'Iran, relayer ce qui s'y passe est d'une réelle importance. Si les images, les témoignages nous parviennent avec parcimonie, c'est que la répression s'exerce avec une cruauté inimaginable.
Le collectif Femme Azadi, qui s'est constitué grâce aux réseaux sociaux, regroupe neuf femmes franco-iraniennes, de milieux différents (avocate, influenceuse, institutrice, consultante, par exemple), qui s'efforcent depuis cinq mois d'alerter l'opinion publique et la classe politique. Leur vidéo "Allo le monde" a généré 10 millions de vues et a été partagée par de nombreuses célébrités.
Au Mouvement Démocrate, l'humanisme se comprend par-delà les frontières. L'engagement pour la démocratie, c'est un engagement pour une valeur universelle, ou que l'on espère universalisable. Depuis 1924, notre famille politique contient le mot "démocratie", rappelle Maud Gatel, si proche de celui de "liberté". Nous ne pouvons pas ne pas penser à l'engagement indéfectible de Marielle de Sarnez pour le destin des femmes opprimées.
L'un des photographes souligne que la révolution iranienne est une révolution pour les Iraniens mais, plus largement, pour la communauté internationale. Vital pour l'Iran, le soutien de la France s'inscrit dans son histoire révolutionnaire. "Sauvons la liberté, la liberté sauve le reste" a écrit Victor Hugo.
Mona, membre du collectif, émeut fortement l'assistance en nous confiant qu'elle ne peut se rendre aux obsèques de son père, mort il y a deux jours, sous peine d'être pendue.
Exemplaire, le courage des femmes iraniennes force l'admiration. Et, pour la première fois, des hommes se font tuer pour les droits des femmes.
L'après-midi, Aurélie Trotin a animé la conférence, avec des intervenants de grande qualité : le journaliste, correspondant du Point, Armin Arefi, l'avocate spécialiste du droit international Shaparak Saleh, la philosophe Azadeh Thiriez-Aranji, vice-présidente du conseil scientifique du Fonds Ricœur, l'activiste iranien Illia Hashemi, et la co-fondatrice du collectif Femme Azadi, Maneli Mirkhan.
Au diapason, ils nous ont dressé un tableau de la situation, tragique et presque inextricable, pour tracer ensuite des pistes d'espoir.
Sobrement, mais avec des évocations très fortes, le journaliste Armin Arefi revient sur le temps long de l'Iran, pour nous expliquer comment on en est arrivé là. Installé comme correspondant en 2005, il a d'abord ressenti de la peur. L'Iran, c'était Khomeiny, un régime terroriste, qu'il percevait à travers ses représentations (comme le film Jamais sans ma fille).
Le premier printemps perse a abouti à la chute d'un dictateur soutenu par l'Occident. Armin Arefi a découvert que le peuple iranien était totalement différent des religieux qui le gouvernaient et de ce qui était montré dans les médias. Il s'attendait à une vulgaire dictature, comme en Corée, mais dans les rues, dans les taxis, ça débattait, ça vibrait. Le voile était porté de manière assez large, et l'on peut dire qu'il faisait encore bon vivre dans un Iran où les jeunes étaient mûrs, pleins de vie.
Minutieusement, Armin Arefi nous expose alors les raisons qui ont conduit le peuple iranien à voter, aux échéances successives, par frustration ou par désenchantement, choisissant même massivement l'abstention en 2005.
Conduits à penser que réformateurs et conservateurs étaient les deux faces d'une même médaille, les Iraniens n'avaient plus foi dans le politique. C'est le sens du slogan "Where is my vote ?", quatre ans plus tard, slogan pour la réforme.
La répression a été féroce, suivie de 4 années très dures, avec un retour des sanctions, notamment sur le nucléaire. Si l'élection de Hassan Rohani en 2017 semble satisfaire l'opinion et le monde occidental, dans les faits, ce n'est pas le président qui a le pouvoir. En 2015, après le retrait de Trump de l'accord sur le nucléaire iranien, Armin Arefi a eu la surprise de voir que les Iraniens blâmaient essentiellement les mollahs et pas les Etats-Unis. En 2021, il n'y a plus de pare-feux pour faire miroiter des libertés, le guide suprême a réussi à concentrer tous les pouvoirs autour de sa personne.
Aussi, le 16 septembre 2022, l'étincelle a jailli. A la mort de Mahsa Amini, ce sont bien les slogans "Mort à la République islamique" que l'on entend. Nous assistons à une tragique fuite en avant d'un régime qui ne sait agir que par la répression et qui s'est séparé de sa propre population, notamment de sa jeunesse.
La philosophe Azadeh Thiriez-Aranji nous confie que son appartenance l'oblige, au sens fort. Par les armes de la philosophie, elle s'attache à démontrer les incohérences de ce réseau, qui tisse une forme d'incohérence continue. Commentant l'une des photographies, qui convoque Eugène Delacroix et des symboles révolutionnaires, elle explique comment une photo s'imprime en nous à partir de notre mémoire collective.
Ces photos représentent l'alliance entre l'individu iranien et son destin. Ces photos suscitent l'espérance et exigent la réalisation de la liberté comme point d'aboutissement.
La philosophe cite notamment les travaux de Corine Pelluchon, et observe quelques écueils possibles : l'espoir peut parfois entraver la pensée critique ; le vide laissé par l'idéologie doit être traversé avec beaucoup de conviction ; l'Iran ne connaît pas les partis, le pluralisme, il va falloir les expérimenter ; les traumatismes du passé peuvent générer d'anciens réflexes. Malgré ces mises en garde, le mot d'ordre demeure l'espérance.
L'avocate Shaparak Saleh nous parle du statut de la femme en Iran, avec des récits révoltants. Dès 6 ans, le voile est obligatoire, car c'est l'âge où le régime islamique estime une petite fille capable d'exciter le désir des hommes. Pour établir un viol, pas moins de 4 témoins sont requis, sachant qu'un témoignage de femme vaut la moitié de celui d'un homme. Pour quitter le pays ou pour dormir à l'hôtel, une autorisation du père ou du mari est exigée. Les brigades des mœurs arrêtent et fouettent les couples non mariés surpris en voiture.
Maneli Mirkhan souligne que la République islamique a bien mis en place un apartheid de genre. Le pouvoir ne tient que par l'argent. L'idéologie n'est plus. La terreur des Iraniens, c'est le "Et quoi, après ?", après 43 ans d'un régime qui s'est nourri de leurs peurs. Le système économique est très fragile, mais il tient encore debout. D'un jour à l'autre, on le voit avec les mollahs qui sortent le cash du pays, cela peut s'effondrer. Mais l'espoir vient de l'inventivité de la révolution : face à la pénurie de gaz, les citoyens ont exprès doublé leur consommation pour que les usines ne puissent plus fonctionner. L'Iran ne se bat pas que pour lui-même, mais pour la région, et les aspects géopolitiques sont essentiels.
L'activiste et exilé politique Illia Hashemi nous glace les sangs en nous dépeignant les crimes contre l'humanité commis chaque jour dans les rues. D'une ville à l'autre, les tortures diffèrent : politique de génocide, tirs à bout portant, armes lourdes et semi-lourdes conçues pour attaquer les tanks, dirigées ici contre des humains, femmes violées dont on vise ensuite au fusil les yeux et le vagin. Illia Hashemi se sent un combattant et nous exhorte à choisir notre camp. Les pays ont tendance à se regarder les uns les autres en hésitant, il faut qu'un pays fasse le premier pas.
Où en sommes-nous ? On sait que les relations entre la France et l'Iran ont été tumultueuses. Placer les gardiens de la révolution sur la liste européenne des organisations terroristes serait une avancée. Faut-il rappeler ou convoquer les ambassadeurs ? L'ambassadeur de France a été convoqué. Une enquête au sein de l'ONU a été lancée. Une résolution, adoptée par tous les pays, constitue une base juridique.
Entre Noël et le jour de l'an, le collectif Femme Azadi a mobilisé des députés, de divers partis, pour des parrainages de condamnés. Maud Gatel fait partie de l'initiative, tout comme de nombreux députés de notre groupe à l'Assemblée Nationale.
À une autre échelle, les symboles ont également toute leur force, Shaparak Saleh nous parle de son combat contre l'administration et le préfet pour faire retirer du village de Neauphle-le-Château un panneau rendant hommage à Khomeiny - qui s'y était réfugié.
Pour tous les citoyens engagés, rendez-vous chaque dimanche sur la place du Trocadéro pour manifester. Plus que jamais, l'Iran a besoin de nous.