Droits voisins dans la presse : assurer une meilleure équité et une transparence accrue des plateformes numériques
Laurent Garcia, député de Meurthe-et-Moselle, est rapporteur sur les droits voisins dans la presse. Il nous explique les enjeux et les étapes nécessaires à franchir pour mettre fin à l'opacité qui régit actuellement le secteur.
Qu’est-ce que le droit voisin dans le domaine de la presse ? Comment s’applique-t-il ?
Sous ce mot peut-être mal choisi car peu compris du grand public, il faut comprendre « droit voisin du droit d’auteur dans le domaine de la musique ». En clair, aujourd’hui, vous consultez un article de presse sur internet à l’aide d’un moteur de recherche et vous lisez l’article. Vous n’avez ni acheté le journal où est l’article, ni payé le journaliste, vous avez uniquement vu des écrans de publicité dont la recette est captée par le moteur de recherche… qui ne reverse aucune somme !
À ce jour, 75% de la publicité sur internet est captée par Twitter et Facebook-Meta : on sait bien qu’il y a eu un transfert de la publicité papier vers internet.
Plus grave ! Les plateformes captent vos données personnelles pour vous démarcher, sans aucun contrôle (mis à part les quelques alertes RGPD).
Quelle était la situation jusqu’alors en France ?
Malheureusement comme partout en Europe où les plateformes refusent de négocier et « baladent » les justes bénéficiaires de ce droit !
Rappelons quand même qu’il s’agit d’une directive européenne transcrite et votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale en juillet 2019 grâce au dynamisme du président du Groupe MoDem et Démocrates Apparentés, Patrick Mignola, qui a permis à la France d’être le premier pays européen à transcrire la Directive européenne « Droit Voisin ».
Vous avez récemment remis un rapport sur ce sujet à l’Assemblée nationale. Comment mettre fin à “l'asymétrie de négociation” qui profite aux géants du numérique ?
Justement !
Suite au vote de 2019 évoqué à l’instant, on ne peut que faire le constat navrant que les plateformes n’ont pas joué le jeu et à ce jour. Pas un centime n’a été versé aux éditeurs de presse, qui eux-mêmes devront verser leur juste dû aux journalistes.
Ce rapport a été voté à l’unanimité des députés membres de la mission parlementaire.
Comment cette loi va-t-elle aider des acteurs de la presse, à l’image des éditeurs de journaux et de magazines ?
La loi est claire et elle doit être appliquée !
Le rapport préconise également des pistes d’amélioration, notamment en termes d’obligation de fournir des données de la part des plateformes mais aussi de sanctions vis-à-vis de ces plateformes.
Notons aussi que la profession n’est pas forcément d’accord dans son ensemble et certains ont émis quelques réserves en particulier en matière de transparence des accords passés puisque quelques accords « secrets » ont été signés entre Google, Facebook, et certains éditeurs de presse qui font « cavalier seul ».
La mission parlementaire dans laquelle vous étiez rapporteur propose de contraindre les plateformes numériques à communiquer leurs données. Comment cela permettra-t-il de favoriser la lutte contre la désinformation et une véritable transparence des données ?
La mission préconise d’être aidé par un organisme neutre et indépendant qui possède ce savoir-faire.
Entendons-nous bien : il ne s’agit pas de refuser que les plateformes obtiennent ces données, il est question que l’argent gagné par les plateformes grâce à l’exploitation de ces données soit reversé pour une part à ceux grâce à qui ces données ont pu être collectées.
Ces recettes doivent donc être reversées, pour une part, aux éditeurs de presse et aux journalistes.
Comment le droit voisin est-il appliqué en dehors de nos frontières ?
Toute l’Europe a la même difficulté d’opacité : une des préconisations du rapport est notamment de profiter de la Présidence Française de l’Union Européenne depuis janvier 2021 pour accélérer la transcription de la directive dans tous les pays.