Élodie Jacquier-Laforge : "Pas d'intégration sans maîtrise de la langue et accès au travail."

Elodie Jacquier-Laforge, Vice-Présidente de l'Assemblée nationale, est intervenue au nom du Groupe Démocrate lors du débat sur la politique d'immigration à l'Assemblée nationale.

Il y a un an, à quelques jours près, la France ouvrait les portes du Panthéon à Joséphine Baker.

Sixième femme à y prendre place après Simone Veil, elle est l'incarnation d'une intégration voulue et réussie. Grande artiste de Music Hall, humaniste et femme de coeur, elle fût avant tout une grande patriote, sous-lieutenante engagée au sein des forces françaises libres. Lorsqu'elle était félicitée pour son action, elle répondait "La France m'a ouvert les bras, je ne fais que lui rendre ce qu'elle m'a donné".

Par cette introduction, je souhaitais rappeler que nombre d'autres Joséphine existent même si l'Histoire ne leur a pas rendu les mêmes honneurs.

Chers collègues, nous vivons actuellement une époque troublée. Une guerre a lieu à nos portes, après qu'une pandémie ait déstabilisé durablement l'économie mondiale. La crise énergétique est doublée d'une crise climatique majeure. Une montée de l'inflation inquiète nos concitoyens, et l'incertitude, la tentation du repli sur soi et la peur saisissent les populations.


Ce débat que nous avons aujourd'hui, et je remercie le Gouvernement de l'avoir organisé, nous obligé à prendre en considération la situation actuelle. Mais en réalité la question est toujours la même : comment conjuguer le principe universel de la libre-circulation, avec de l'autre côté, le libre choix des peuples et de leurs gouvernants à disposer librement de leurs frontières ?

Cet équilibre est difficile à trouver, je le concède, certains souhaitant la fin irréaliste des frontières, d’autres voulant construire des murs tout aussi illusoires entre les pays.

Nous devons à nos compatriotes de métropole et des outre-mers de chercher ce chemin d’équilibre. Les Français attendent des réponses, nous les savons exigeants.

La dernière loi que nous avons votée en 2018 a produit des résultats et a entraîné une forte progression des éloignements jusqu’en 2019, avant la crise du Covid. C’est mieux que ce que font nos voisins européens, mais évidemment ce n’est pas suffisant. C’est la raison pour laquelle notre groupe aborde le prochain projet de loi sur l’immigration avec beaucoup de pragmatisme mais aussi beaucoup d’humanité.

Pour le Groupe Démocrate (MoDem et Indépendants), comme je l’avais dit en 2018, nous devons avoir une politique d’immigration à la fois humaine et opérante, parce que l’un ne va pas sans l’autre. C’est pour nous la clé d’une législation réussie.

Sans ces deux bras pour accueillir chez nous ceux qui ont besoin de notre protection, ceux qui sont une chance ou un soutien pour notre activité économique, ceux qui viennent s’enrichir de notre savoir et faire rayonner notre pays à l’international, sans cette action exigeante, nous risquons de renforcer la défiance de certains de nos concitoyens, de réveiller des sentiments de rejet, et d’accentuer des fractures dans notre société.

La première réponse est européenne, vous l’avez indiqué Madame la Première Ministre. En effet, une organisation régionale telle que l’Union européenne, et a fortiori un État, ne peuvent pas espérer maîtriser seuls les mouvements migratoires les concernant, ce qui n’enlève rien à la nécessité de politiques nationales pertinentes.

L’exemple récent de l'Océan Viking en est une parfaite illustration. Les trois semaines d’errance du navire, qui a fini par trouver refuge en France, nous rappellent qu’il faut impérativement harmoniser les conditions d’entrée d’une part, mais aussi renforcer notre capacité à mettre en œuvre les droits humains d’autre part.

Pourtant en 2018, des lignes avaient été tracées. Sur ce point je tiens à saluer le travail riche et fourni de notre groupe, en particulier celui de Marielle de Sarnez, alors Présidente de la Commission des Affaires étrangères, qui rappelait alors à juste titre que la stratégie que nous devons mener est européenne, diplomatique, de développement, par le biais d’une vision à long terme.

À cet égard, elle encourageait un objectif premier : harmoniser nos pratiques.

Aujourd’hui cette convergence européenne tant attendue de l’asile doit enfin être mise en œuvre sous forme de coopération renforcée si nécessaire entre États-membres d’accord pour avancer ensemble.

En matière de droit d’asile, nous savons tous que si le régime d’asile européen fixe des normes minimales communes applicables au traitement des demandes d’asiles, ces derniers ne font pas l’objet d’un traitement uniforme, et les taux de reconnaissance varient d’un État-membre à l’autre. Cela entraîne une course au droit d’asile qui montre combien l’harmonisation est nécessaire.

En matière de partenariat global et équilibré avec les pays d’origine et de transit, c’est une évidence, notre gestion des flux migratoires qui doit se faire à l’échelle européenne nous impose de regarder au-delà de nos frontières afin de permettre à ces femmes, ces enfants, ces hommes qui fuient leur pays d’avoir le choix : celui de rester là où ils sont nés, là où leurs familles sont installées, là où est leur culture, leur identité.

À l’échelle nationale, il est entre autres indispensable que nous poursuivions nos efforts pour réduire les délais de traitement de la demande d’asile. C’est ainsi que nous permettrons aux bénéficiaires de la protection internationale de s'inscrire plus rapidement dans un parcours d’intégration sans perdre du temps, et c'est ainsi également que nous pourrons dans le cas d’un rejet de la demande, opérer à un retour effectif des déboutés vers le pays d’origine.

C’était l’objectif de la loi de 2018, dont il faut interroger et évaluer les résultats à l’aune également de sa courte période d’application. En effet promulguée en 2018, cette loi n’a pu voir ses effets qu’en 2019, 2020 et 2021 étant impactés par la crise sanitaire comme vous le savez.

Ensuite il est essentiel d’avoir une politique d’intégration renforcée. Cela passe par l’acquisition de la langue et par le travail. François Bayrou disait à juste titre il y a quelques jours qu’on devrait exiger deux choses, la maîtrise de la langue qui est la garantie de la volonté de s’intégrer à un pays avec son mode de vie, et deuxièmement la volonté de s’engager dans le travail pour gagner sa vie.

Aujourd’hui 75% des étrangers signataires du contrat d’intégration républicaine, le CIR, atteignent le niveau requis de la formation obligatoire donnée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Ce chiffre est bon même s’il est encore insuffisant.

Malgré tout l’atteinte d’un niveau de langue n’est pas exigé pour obtenir un titre de séjour, la seule obligation étant de suivre, avec assiduité certes, les formations civiques et linguistiques organisées par l’OFII dans le cadre du CIR.

Nous devons donc passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultats. Il nous semble nécessaire que le futur projet de loi sur l’immigration comporte des mesures volontaristes en la matière.

Par ailleurs, le travail doit redevenir le premier lieu de l’intégration des étrangers. Quelle est la situation aujourd'hui ? Le taux de chômage des immigrés est de 14,6% contre 8,3% pour les personnes nées en France, et le taux d’emploi des immigrés est seulement de 58,8% contre 66,4% pour les personnes nées dans le pays, en particulier pour les femmes avec un différentiel qui va jusqu’à 15 points entre femmes immigrées et femmes nées en France.

Plusieurs dispositifs existent pour favoriser l’intégration des réfugiés, en particulier le dispositif d’accompagnement global et individualisé des réfugiés, mais aujourd’hui trop de travailleurs étrangers qui contribuent à l’économie de notre pays sont installés et maintenus dans le non-droit ou dans l’illégalité. Ils ne peuvent pas dès lors rejoindre un parcours d’intégration.

C’est pourquoi, je le dis avec force au nom de mon groupe, nous voulons que l’hypocrisie cesse, que ces trappes à illégalité disparaissent. Il faut des mesures pour que les travailleurs étrangers eux-mêmes, afin de faciliter leur accès au travail dans des situations bien définies et déterminées ; et des mesures envers les employeurs afin qu’ils participent mieux à l’intégration sociale de leurs salariés. 

Cela passe entre autres par des mesures de régulation, je pense notamment aux secteurs des transports et de livraison, par des réponses adaptées aux métiers en tension, aux besoins des entreprises en matière de profils très qualifiés, et si nécessaires, par des sanctions dissuasives et appliquées en cas d’emploi d’un étranger clandestin.

Né en 2005, le , le CESEDA, Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, peut être le code le plus épais de notre Droit, a connu de nombreux toilettages  Depuis la fin des années 80, l’immigration a connu 21 lois. 21 lois en 32 ans, c'est certainement trop, reconnaissons le. Il existe très peu de domaines dans lesquels on légifère autant.

Cela doit nous conduire à l’humilité, je crois, quelque soit notre place dans l’hémicycle. 

Monsieur le Ministre, vous entendez aujourd'hui ouvrir une nouvelle page, vous avez choisi de mener plusieurs chantiers : renforcer notre efficacité pour lutter contre les menaces à l’ordre public et à l’immigration irrégulière. Nous nous réjouissons que la lutte contre les passeurs qui exploitent la détresse humaine en fasse partie.

Engager une réforme structurelle de notre système d’asile. En effet, le traitement des demandes d’asile est encore beaucoup trop long, et source d’un trop grand contentieux. Sur ce point il est important que les collectivités locales soient des partenaires actifs et de relais, sur lesquels les représentants de l’Etat devront s’appuyer, car sans l’échelle locale, rien ne se fera.

Cependant il faudra être attentifs sur les OQTF à ne pas déséquilibrer le système en voulant aller trop vite sans respecter le droit du recours en appel d’une décision. 

Vous entendez également renforcer les exigences d'intégration par la langue et le travail.Nous en sommes satisfaits. Je le disais tout à l'heure, il ne peut y avoir d'intégration sans maîtrise de la langue et un accès au travail.

Sur tous ces sujets, nous aurons le temps de travailler ensemble pour arriver à l'équilibre et à l'efficacité, car nous croyons à un juste équilibre. Celui-ci est possible et nécessaire : un humanisme lucide, adapté et exigeant.

C'est pourquoi nous serons force de propositions. Nous veillerons à ce que nos valeurs soient préservées. L'accueil et l'intégration ne pourront se faire qu'en étant exigeants sur les modalités de mise en œuvre.

Ce sont les seules clés d'une acceptation par tous de notre devoir d'accueil et ainsi d'un climat apaisé dans notre pays où chacun pourra trouver sa place. 

La migration n'est pas un phénomène dont nous devons avoir peur. Elle existe depuis la nuit des temps, vous l'avez rappelé, Monsieur le Ministre de l'Intérieur.

Qui d'entre nous n'a d'ailleurs pas un parent, un ami ou un collègue qui n'est pas d'origine française ?
Qui d'entre nous ne voit pas aussi combien la France a pu s'enrichir de cette diversité ?

Alors trouvons ensemble le courage de donner les moyens à ceux qui ont toute légitimité à rester dans notre pays de le faire dans les meilleures conditions.

Je reçois la lettre d'information du Mouvement Démocrate

Engagez-vous, soyez volontaires

A nos côtés, vous serez un acteur de nos combats pour les Français, pour la France et pour l'Europe.

Chaque engagement compte !

Votre adhésion / votre don

Valeur :

Coût réel :

20 €

6,80 €

50 €

17 €

100 €

34 €

Autres montants

Qu'est ce que la déclaration fiscale sur les dons ?
Filtrer par