Frédéric Petit : « Depuis 2014, ce pays de l’Ukraine a été agressé, amputé, dépecé »
Ce mardi 18 février, Frédéric Petit, député des Français établis hors de France, a interrogé Jean-Noël Barrot, député de l'Europe et des Affaires étrangères, sur la guerre en Ukraine.
Seul le prononcé fait foi.
Question de Frédéric Petit, député des Français établis hors de France :
Monsieur le Ministre,
Lundi prochain, cela fera trois ans jour pour jour que la Fédération de Russie a envahi l’Ukraine, avec une violence aveugle et totalement irresponsable. Depuis 2014, ce pays a été agressé, amputé, dépecé. Plus d’un million de blessés et de morts, sans doute 20 000 enfants déportés et « russifiés » de force.
Le 24 février 2022, ici, à cette tribune, j’avais immédiatement partagé avec vous ma conviction que cette confrontation militaire avait un caractère existentiel pour notre Europe. Je n’en démords pas aujourd’hui encore. Entre la Fédération de Russie et nous, deux modèles de relations entre les peuples s’affrontent. L’un, basé sur la force, la relativité mouvante des espaces et des ethnies, le fameux « Ruski Mir », le monde russe qui permet tous les abus de l’impérialisme. L’autre, européen, basé sur la construction patiente du droit.
Aujourd’hui, de l’autre côté de l’Atlantique, un modèle transactionnel porté par le président Trump, emprunte la même violence, pour l’instant verbale : extraterritorialité, négation du droit international, deals permanents, mépris des institutions internationales et j’en passe.
Le discours de JD Vance à Munich confirme cette dérive des Américains, que nous considérons toujours comme alliés. Il rentre en écho avec le discours de Vladimir Poutine à Munich en 2007 et dessine le parallèle.
Comme en 1938, toujours à Munich, les démocrates doivent dire NON !
Je serai lundi à Kyiv avec des élus de différents pays européens en ce triste anniversaire. Je passerai également à Zhytomyr, à Semenivka, et à Tchernihiv, pour voir notre coopération civile sur le terrain.
La France et l’Union européenne sont en retard en Ukraine monsieur le ministre. Les États-Unis, s’ils venaient à nous lâcher, en la livrant à un deal injuste et court-termiste, nous ne serions pas prêts alors que nous devons être à la hauteur du moment.
M. le Ministre, le sommet d’hier a-t-il posé les premières pierres d’un réveil français et européen ? Pour la sécurité des Ukrainiens, et pour la nôtre ?
Réponse de Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères :
Mesdames et Messieurs les députés, M. le député Frédéric Petit.
D'abord, permettez-moi de vous féliciter pour votre déplacement à venir à Kyiv, en Ukraine, pays que vous connaissez bien. D'autres parlementaires feront également le déplacement et au nom du gouvernement, je les en remercie. Parce que ces déplacements seront une marque de soutien au peuple ukrainien qui est soumis depuis trois ans maintenant à une guerre d'agression brutale, illégale, injustifiable, dont le coût humain est tout simplement incalculable.
Et je veux avec vous m'indigner sur le sort des enfants de l'Ukraine, arrachés à leur famille, déportés, rééduqués dans des centres ou dans des camps en Russie et en Biélorussie, ce qui vaut d'ailleurs à Vladimir Poutine un mandat d'arrêt pour crime de guerre de la Cour pénale internationale.
Ces déplacements seront également l'occasion de rappeler que le combat des Ukrainiens, c'est aussi le nôtre. Et que ce qui est en jeu aujourd’hui sur la ligne de front, ce n'est pas simplement l'intégrité territoriale de l'Ukraine, c'est également la perspective de la paix ou de la guerre sur le continent européen.
Alors oui, il est temps, vous l'avez dit, que l'Europe se réveille et qu'elle prenne la mesure des menaces qui sont devant elle. Est-ce que tous nos partenaires se sont réveillés à la même vitesse que nous ? La réponse est non, je crois que tout le monde peut le comprendre. Mais est-ce qu'il reste aujourd'hui un Européen en Europe pour ne pas considérer que nous devons prendre une part beaucoup plus importante qu'auparavant de notre propre défense ? Je crois que la réponse est non.
Et c'est pourquoi, dans ce moment que nous vivons, charnière pour notre continent, nous avons besoin que l'Europe fasse un grand bond en avant pour assurer sa propre sécurité et qu'elle se révèle pour ce qu'elle est, c'est-à-dire une grande puissance.
Et c'était tout l'objet de la rencontre d'hier à l'initiative du président de la République qui a permis d'affirmer de manière unitaire un certain nombre de principes, et en particulier un principe clair : pas de négociations sur l'avenir de l'Ukraine sans les Ukrainiens, pas de négociations sur l'avenir de l'Europe sans les Européens.