Jean-Louis Bourlanges : "Il y a péril en la demeure après le vote des motions de censure"

Nathalie Segaunes pour l'Opinion
Jean-Louis_Bourlanges-JLB
(© ©️ Assemblée nationale)

Jean-Louis Bourlanges, Député des Hauts-de-Seine et Président de la commission des affaires étrangères, a été interrogé par l'Opinion suite aux votes de deux motions de censure à l'Assemblée nationale. Entretien dans l'Opinion.

Le gouvernement a dû en passer par le 49.3 pour faire adopter la réforme des retraites et sa capacité à faire adopter des projets de loi par l’Assemblée nationale à l’avenir paraît entravée. Peut-on parler pour autant de crise institutionnelle ?

Oui. On connaît de longue date le talon d’Achille de la Ve République : elle ne fonctionne harmonieusement que s’il y a accord entre ses deux organes issus du suffrage universel direct, la présidence de la République et l’Assemblée nationale.

 En cas de désaccord, la cohabitation, c’est-à-dire la mise en veilleuse de l’Elysée au profit de Matignon, permettait toutefois à l’Etat de fonctionner « cahin-caha », comme aurait dit le général De Gaulle. Le Président gardait cependant la main, car il pouvait à tout moment dissoudre l’Assemblée et précipiter l’arbitrage du peuple entre les deux têtes de l’exécutif et entre leurs deux majorités potentielles.

Aujourd’hui, cet équilibre est doublement rompu. La division en trois ensembles incompatibles, deux pôles extrémisés encadrant un centre composite dominé par les macroniens, rend d’abord beaucoup plus difficile l’émergence d’une majorité parlementaire claire et cohérente, ce qui fragilise l’action du gouvernement. Ensuite, depuis 2008, la limitation à deux, aussi populaire que funeste, du nombre de mandats présidentiels consécutifs (limitation, voulue par Nicolas Sarkozy, contre l’avis du comité Balladur) fragilise, quant à elle, le Président pendant son deuxième mandat car elle sape l’autorité du général en chef vis-à-vis de troupes parlementaires sur lesquelles il n’a plus la main.

Cela peut-il marcher malgré tout ?

Non. Une Présidence institutionnellement précarisée et une Assemblée politiquement éclatée, ça ne marche pas. Le 49.3 est un instrument commode et légitime, mais qui ne peut pas pallier durablement les effets d’un dissensus politique majeur.

C’est une clé mais, pour reprendre une image de Tocqueville appliquée à Louis-Philippe, que faire d’une clé si la maison brûle? L’histoire des deux derniers siècles montre que le gouvernement ne peut, en cas de crise, passer outre à l’hostilité de l’opinion et des masses populaires que s’il a derrière lui la chambre élue au suffrage universel. Même De Gaulle n’a pu se dégager de mai 68 qu’en demandant, à regret, au peuple de lui donner une vraie majorité au Palais Bourbon.

Le 49.3 n’est certes pas une procédure illégitime. Elle a été portée sur les fonts baptismaux en 1958 par tous les partis démocratiques, et en particulier par la SFIO de Guy Mollet. Elle a été également utilisée par la droite et par la gauche, et pour une raison simple : rien n’est plus normal pour un gouvernement de subordonner son existence à l’adoption d’un texte qui lui paraît essentiel. Il reste qu’en l'état présent d’un débat intellectuel aussi profondément dégradé, le 49.3 est aujourd’hui perçu comme le moyen de faire adopter les lois sans l’accord de l’Assemblée. Le recours à une telle disposition est donc moins créateur de légitimité que la procédure législative ordinaire, alors que l’ampleur du mouvement de contestation exigerait à l’inverse un soutien résolu et sans équivoque de la Représentation nationale.

N’est-ce pas utopique de vouloir bâtir une majorité plus élargie ? L’anti-macronisme des députés LR est patent.

C’est assurément difficile. On voit bien que c’est la défection finale d’un groupe de députés LR qui a conduit le gouvernement à s’engager dangereusement sur la voie du 49.3. Les députés LR – à commencer par Eric Ciotti – peuvent considérer qu’ils n’ont pas été élus pour ça.

De plus, les candidats potentiels à la succession de Macron, Xavier Bertrand et Laurent Wauquiez, soufflent en permanence sur les braises de la discorde. Mais quelle est pour eux l’alternative ? Devenir les supplétifs du RN, comme le leur propose habilement Jordan Bardella, ou disparaître purement et simplement. Il est clair en effet que si un tel pacte devait être proposé et refusé, il n’y aurait d’autre perspective pour Emmanuel Macron que de dissoudre et de tenter de reconquérir une majorité absolue. LR aurait alors bien du mal à justifier sa stratégie de l’Aventin .

📰 Retrouvez l'interview complète sur le site de l'Opinion

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