Jean-Louis Bourlanges : « Liberté et vaillance sont les mots d’ordre des démocrates aujourd’hui. »

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Face à un débat public saturé par les questions sécuritaires et identitaires, face à la montée générale des populismes, Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des Affaires étrangères et député des Hauts-de-Seine, croit en l’unité collective pour porter la démocratie.

Constatez-vous une droitisation du débat public ?

Je crois qu’il y a une droitisation indiscutable du débat. La gauche s’est profondément identifiée à la défense de valeurs culturelles que l’on peut qualifier de libertaires, wokistes ou cancelistes. 

Le peuple français est lui plus préoccupé par des questions de sécurité, d’identité, de pouvoir d’achat. Des sujets que la gauche ne porte plus. Ces catégories sociales ont désormais tendance à chercher des réponses à la droite de la droite.

La culture autoritaire se développe-t-elle partout en France comme partout dans le monde ?

Oui et c’est inquiétant. On voit bien que le grand message de la victoire démocratique qui a coïncidé avec l’effondrement de l’URSS, il y a 30 ans, s’estompe profondément. 

Les pays qui se sont séparés du communisme renouent avec l’autoritarisme. Y compris au sein de l’UE avec les évolutions préoccupantes de pays comme la Hongrie ou la Pologne. Là, il y a quelque chose de nouveau et de grave.  Il est difficile de concevoir un système satisfaisant qui repose sur le fait que le système politique ne procède pas de la libre décision des citoyens dans le cadre d’un débat pluraliste et respectueux de l’État de droit. 

Que des candidats à la présidence de la République, comme Eric Zemmour ou Marine le Pen qui représentent beaucoup de voix, trouvent que c’est un facteur de légitimité d’aller chez Viktor Orban en Hongrie, partager un système véritablement autoritaire et confiscatoire des libertés, c’est préoccupant.

 On voit bien que le grand message de la victoire démocratique (...) s'estompe profondément

La montée du populisme est-elle le signe d’un échec de la démocratie ? 

C’est un constat d’échec pour les sociétés françaises et européennes. Il y a un recul des valeurs démocratiques et de l’esprit de fraternité. La devise de la République est « liberté, égalité, fraternité ».

Quand Zemmour se réclame d’Orban qui installe en Hongrie un régime, sinon dictatorial, du moins autoritaire, la liberté n’existe pas. De même pour l’égalité quand on proclame que les femmes et les hommes ne sont pas égaux, principe fondamental développé par Zemmour.  

Il a été contre la réforme du général de Gaulle qui voulait placer la mère de famille au même niveau que le père de famille. Quand vous récusez cela vous n’êtes pas pour l’égalité.

Quant à la fraternité, si vous êtes élu président, diriez-vous à cinq millions de gens « fichez le camp, changez de nom et de religion » ? Si vous dites cela, alors vous n’êtes pas dans la fraternité. Que Eric Zemmour ait un tel succès est préoccupant car c’est un recul de ces valeurs fondamentales. Valeurs qui sont le socle de la République. 

Le populisme est soluble dans la démocratie

Voyez-vous un espoir face aux populismes en recul dans certains pays de l’Est dont on parle moins (Slovaquie, République Tchèque) ?

On sent bien que toute l’Europe hésite. Mais elle fait souvent le bon choix. Regardez l’exemple allemand. Très profondément, les partis populistes, extrémistes, ont marqué le pas lors des dernières élections. Les partis vainqueurs et même, le grand parti vainqueur, tiennent solidement le pays.  Le populisme est soluble dans la démocratie.

Regardons également l’exemple d’un grand pays comme la Pologne. Il est profondément partagé. Je crois que l’avenir, quand vous regardez les classes d’âges, appartient plutôt aux démocrates en Pologne. Les gens de 30-40 ans sont démocrates. En ce qui concerne les jeunes, il faut être attentif. Les personnes âgées, elles, sont attachées à une Pologne traditionnelle.

En Hongrie, vous voyez que les villes ne sont pas favorables à Orban. En Turquie, tout ce qui est jeune, moderne, nouveau, est rebelle à la dictature erdoganienne (sic). Heureusement, le combat n’est pas perdu. Nous devons l’organiser et le gagner.  

Peut-on enrayer et gagner la lutte politique contre les populismes ? 

Il ne faut pas désespérer, nous devons nous battre pour la présidentielle. Le refus de cette réaction populiste est légitime mais nous sommes au bord de grandes difficultés si les Européens ne franchissent pas une étape supplémentaire sur la voix de l’unité. S’ils ne sont pas capables d’être actifs en défense, organisés, solidaires en immigration, vigilants sur la lutte contre la concurrence déloyale contre la Chine, ça se passera mal.

Pour reprendre une expression : « Nous ne serons jamais des tigres du Bengale mais cessons d’être des chats d’appartement ». Le monde est dur. Comme disait Thucydide : « Il n’y a pas de bonheur sans liberté mais il n’y a pas de liberté sans vaillance ».

Vigilance mais surtout vaillance. Liberté et vaillance sont les mots d’ordre des démocrates aujourd’hui.

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