📰 Grand entretien de Jean-Louis Bourlanges au Figaro
Jean-Louis Bourlanges, député des Hauts-de-Seine, a accordé au journal Le Figaro, un grand entretien ce week-end, dans lequel il a répondu aux questions d'Eugénie Bastié.
«Refuser la tentation du cloître éternel»
Propos recueillis par Eugénie Bastié
LE FIGARO. - Cette épidémie sonne-t-elle le requiem d’une mondialisation libérale déjà mal en point?
Jean-Louis BOURLANGES. - Je ne suis pas sûr que la mondialisation, qui incidemment n’a rien à voir avec la pandémie, soit si mal en point. Le ralentissement du commerce mondial au cours des dix dernières années n’est certes pas contestable. La pandémie en cours ne peut que renforcer cette tendance à la viscosité des échanges, mais celle-ci n’est pas de nature à briser l’unité structurelle de notre économie-monde. Deux mouvements de fond confortent l’existence d’un marché universel des biens et des services. Côté demande, l’unification technique, culturelle et numérique du monde ainsi que l’essor d’une classe moyenne solvable créent à l’échelle de la planète un potentiel de consommation considérable que nos grandes entreprises ne peuvent pas bouder: pour survivre il faut aller là où sont les clients.
Côté offre, aucune grande entreprise ne peut mépriser sans risque les avantages comparatifs en termes de coûts de production que recèlent les économies émergentes, ce qui rend inévitable de la part de nos champions nationaux ou européens la poursuite de stratégies de multilocalisation. De plus, la sophistication croissante des processus de production exige la mobilisation de ressources, de compétences et de services venus de partout et entraîne la mise en place de chaînes de valeurs ajoutées complexes et fragmentées. Ce sont là des tendances lourdes qui font que l’espace-monde est et restera le terrain de jeu, direct ou indirect, de nos entreprises.
Vous craignez donc la «démondialisation»?
Un retour irréaliste à des stratégies nationales autocentrées conduirait inévitablement à retirer aux entreprises le pouvoir de prendre les décisions microéconomiques les plus décisives du pays et à les transférer à la haute fonction publique. Je ne vois pas que les princes de l’intérêt général, si compétents soient-ils, soient en situation de jouer les chefs d’orchestre de l’économie réelle et de régler comme dans les années 1950 le bal des investissements au sein de l’entreprise France. La symphonie du nouveau monde ne doit surtout pas être un concerto montebourgeois!
On est aussi très sévère à l’égard de l’Union européenne. A-t-elle su se montrer à la hauteur de la crise?
On pouvait craindre le pire. On n’a pas eu le meilleur, mais presque. Alors que les opinions publiques étaient ces derniers mois hargneusement divisées entre fourmis du Nord et cigales du Midi, les États et les institutions de l’Union européenne se sont mis d’accord dans des délais inhabituellement convenables pour flexibiliser leurs règles budgétaires, adapter leurs politiques circulatoires et faciliter l’exercice de la solidarité financière.