Jean-Louis Bourlanges : "L'Ukraine nous apprend que l'Europe doit se donner les moyens de défendre ses valeurs"
Jean-Louis Bourlanges, Président de la commission des Affaires européennes à l'Assemblée nationale, est intervenu en séance de Questions au Gouvernement pour revenir sur la promesse d'adhésion de l'Ukraine à l'Union européenne. Revoir son intervention.
Madame la Présidente, Madame la Première Ministre, Messieurs et Mesdames les ministres, mes chers collègues.
Au-delà de la guerre et du devoir de solidarité collective, durable et sans faille, jusqu'à la libération de ce peuple et le rétablissement de sa souveraineté dans son territoire internationalement reconnu.
Au-delà de cela, je voudrais poser ce qui constitue pour nous un impératif catégorique.
Je voudrais poser ici la question du sens profond que revêt à nos yeux, la promesse d'adhésion de l'Ukraine à l'Union européenne. Porte-parole d'un groupe passionnément attaché à la construction de l'Europe, je vous invite, Madame la Première ministre, à tordre le cou à l'idée perverse selon laquelle cette adhésion sonnerait le glas de l'aventure communautaire tel qu'à l'appel des Français et des Allemands, nous l'avons conçue et menée à partir du 9 mai 1950.
Nous faisons au MoDem le pari inverse car nous attendons ce grand rendez vous, un double enrichissement de notre projet commun.
L'Ukraine nous apprend, par son courage et par son héroïsme, que le droit n'est rien quand la force n'est pas, que l'exemplarité est vaine quand l'esprit de résistance est absent, et que l'union ne sera qu'une apparence si elle ne se donne pas les moyens d'armer ses valeurs.
Grâce à vous, chers amis d'Ukraine, nous faisons enfin nôtre les paroles que Thucydide prête à Périclès : "Il n'y a pas de bonheur sans liberté, ni de liberté sans vaillance".
L'Ukraine nous rappelle au devoir de vaillance, mais nous lui proposons de rejoindre le monde qui lui a toujours été refusé. Un monde où la force n'exclut pas le droit, où l'on sait qu'on ne défend vraiment ses intérêts légitimes qu'à la condition de prendre en compte les intérêts légitimes des autres.
Un monde où les gens s'envisagent au lieu de se dévisager.
Un monde qui n'ignore pas qu'il n'est pas d'élargissement qui vaille sans un solide renforcement des institutions communes.
C'est la rencontre de ces deux exigences qui fera de l'Europe un acteur à part entière.
En 1051, Anne de Kiev, fille de Iaroslav le Sage, épousait Henri Iᵉʳ, le troisième capétien, et devient ainsi Reine de France. 1000 ans ont passé depuis lors et la princesse d'Ukraine naguère lointaine est désormais toute proche de nous, est de retour parmi nous.
Puissions-nous, madame la Première ministre, mes chers collègues, l'accueillir pour ce qu'elle est aujourd'hui vraiment devenue : une immense figure de résistance qui s'est donnée pour mission d'arracher nos peuples désorientés à leurs somnolences historiques et qui, pour parler comme Malraux, porte aux yeux du monde l'honneur de toute l'Europe comme un invincible songe.