Jean-Louis Bourlanges : "Ne croyons pas que l’échec gouvernemental du RN le conduira à lâcher prise"

Jean-Louis Bourlanges

Le député du MoDem Jean-Louis Bourlanges, qui n’est pas candidat à sa réélection, regrette le choix de la dissolution et dresse le tableau du paysage politique de la campagne qui s’ouvre pour L'Opinion.

Eric Ciotti a annoncé une alliance avec le RN. Une partie des socialistes souhaite recomposer un « Front populaire » avec La France insoumise et le reste de la gauche. Assiste-t-on à l’explosion des partis traditionnels, telle que voulue par Emmanuel Macron ?

L’explosion des partis traditionnels est l’aboutissement d’une tendance de longue durée. Ce qui est nouveau, c’est l’explosion du bloc central macronien. Elle a été symbolisée par la confrontation contre-nature de Raphaël Glucksmann, qui a attiré les macroniens de gauche, et Valérie Hayer, qui n’a conservé que les macroniens de droite et du centre.

Paradoxalement, les résultats de dimanche ont apporté la preuve par l’absurde du bien-fondé de l’analyse stratégique d’Emmanuel Macron en 2017, à savoir que seule l’alliance ou la réunion de la droite modérée, du centre et de la gauche modérée permettait de résister victorieusement à la menace du Rassemblement national.

Seulement, nous assistons aujourd’hui à une décomposition générale des forces non-extrémistes.

Est-ce à dire que l’explosion ne sert pas le bloc central, mais permet plutôt au RN d’apparaître comme un pôle de stabilité ?

Compte tenu d’un rapport de force très largement favorable à l’extrême droite, l’explosion du bloc central et la reconstitution d’une bipolarisation LFI-RN ne peut profiter qu’au parti de Madame Le Pen et de Monsieur Bardella. Les Républicains le découvrent à leurs dépens puisque leur unité s’est brisée à la suite des choix pro-RN de leur président, Monsieur Ciotti.

La gauche humaniste, elle, se donne l’illusion d’opposer un prétendu « Front populaire » au « fascisme » alors qu’évidemment, seul un accord avec le centre et la droite modérée de type macronien, pourrait mettre en échec le RN. Ils sont donc des alliés objectifs de Bardella et Le Pen. Comme dirait Marx, les socialistes « font leur histoire mais ne savent pas l’histoire qu’ils font ».

Comment expliquer cette vague RN aux élections européennes ? Peut-elle se confirmer aux législatives ?

La vague populiste est très profonde. En France et en Europe, elle naît d’un sentiment très puissant de précarité, de vulnérabilité et d’instabilité de nos sociétés.

Nous sommes menacés par le déclin relatif de la France et de l’Europe dans le monde. Nous sommes déboussolés par des bouleversements techniques inassimilables par des gens normaux. Et nos sociétés ont perdu toutes leurs habitudes locales et sociales de solidarité.

Les populistes, qu’ils soient d’extrême droite ou d’extrême gauche, engrangent électoralement ces frustrations, mais n’ont évidemment aucune solution autre que magique à leur opposer.

Jamais l’écart n’a été aussi grand entre les besoins et les attentes du pays : besoins d’efforts dans tous les domaines, attentes de gratification imaginaire généralisée. Il faut donc opérer un retour au réel de l’opinion. Il a commencé avec la lecture du programme du RN, mais trois semaines, c’est très, très court pour mener l’exercice à son terme.

Le point de départ reste l’élection européenne, présentée par votre camp comme « la plus importante de l’histoire ». Les Français n’ont-ils pas pris la mesure de l’enjeu ?

Non, les Français n’ont pas pris la mesure des enjeux de cette élection et c’est tout le talent de Jordan Bardella que d’avoir su botter en touche et amuser le tapis avec les mécontentements des Français sans apporter le moindre commencement de début d’une réponse.

Même chose chez Mélenchon qui s’est contenté de mobiliser les jeunes en exploitant la détresse palestinienne, et la communauté musulmane en exploitant l’hostilité wokiste.

Je suis en revanche convaincu que nous risquons de remettre en cause les choix fondamentaux de caractère institutionnel, économique, social, et géopolitique qui ont été les nôtres depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Je pense notamment à l’économie sociale de marché, à l’Europe ou à l’alliance occidentale. Il y a là quelque chose d’essentiel si l’on songe que ces choix nous ont donné une liberté, une prospérité, une sécurité que l’on n’a jamais connues ni avant, ni ailleurs.

(...)

Qu’impliquerait l’arrivée du Rassemblement national à Matignon ?

Le programme du Rassemblement national est totalement inapplicable.

Il aurait donc le choix entre une dérive irresponsable ou l’abandon de ses promesses.

La première option ruinerait la France. La seconde ruinerait le crédit du RN. Mais ne croyons pas que l’échec gouvernemental du Rassemblement national le conduira à lâcher prise.

Derrière la cravate très sage des parlementaires de Madame Le Pen, il y a une culture de l’autorité et de la confrontation qui menace, en cas d’échec prévisible, de les conduire à un tour de vis autoritaire plus que préoccupant.

Et si ni les macronistes, ni le Rassemblement national, n’avaient la majorité ?

Vous avez raison, c’est l’angle mort de la décision du président de la République. Dans une Chambre organisée sur un mode tripolaire, le scénario normal est que personne n’ait la majorité absolue. C’est la raison pour laquelle je ne croyais pas à la dissolution. Car si nous retrouvons une Chambre plus ingouvernable que la sortante, le RN, qui n’aurait pas la majorité absolue, serait tenté d’exiger une élection présidentielle avant d’accéder au pouvoir.

Plaise au ciel, et aux citoyens français, que ce scénario nous soit épargné.

Dans un mois, ne serons-nous pas définitivement entrés dans l’après-Macron ?

En tout état de cause, Emmanuel Macron ne sera plus aux affaires d’ici trois ans. La formule qu’il a inventée, la conjonction des forces de droite, du centre et de gauche attachées à une vision sociale, libérale et européenne, lui survivra-t-elle ? Je ne sais pas.

Mais ce dont je suis sûr, c’est qu’il n’y en a aucune autre qui soit capable d’épargner à la France le cauchemar d’une bipolarisation effrayante entre l’extrême gauche et l’extrême droite unies, d’ailleurs, par ce qu’il y a de pire en nous.

🗞 Retrouvez l'entretien complet dans L'Opinion

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