Jean-Louis Bourlanges : "Sans perspective politique, la solution militaire est une chimère meurtrière"

Eugénie Bastié pour Le Figaro
Jean-Louis_Bourlanges-JLB

Jean-Louis Bourlanges, député des Hauts-de-Seine et président de la commission des affaires étrangères, s'est entretenu avec Le Figaro afin de livrer son analyse deux mois après l'attaque du 7 octobre et le début de la riposte israélienne.

LE FIGARO. - Vous vous êtes montré critique à l'égard de la politique israélienne. Ne considérez-vous pas qu'à travers sa contre-offensive, Israël ne fait qu'exercer son droit à la légitime défense ?

Jean-Louis BOURLANGES. - La légitime défense ne saurait être contestée à Israël après l'agression d'une insoutenable cruauté qui l'a frappé mais la question véritable est d'une autre nature : que faut-il faire pour contrer durablement les ambitions du Hamas ? Même si le Shin Bet et Tsahal se sont laissés surprendre, le coup du 7 octobre ne relève pas d'une offensive territoriale classique qu'il s'agirait de repousser. Ça s'apparente davantage au 11 Septembre qu'à Pearl Harbor. C'est un acte terroriste d'une violence inouïe, une sorte de Bataclan géant doublé d'une prise d'otages à grande échelle, commise par un groupe politique, dont la capacité de nuisance politique n'est que très marginalement indexée sur ses capacités militaires même si celles-ci, grâce au soutien de l'Iran, ne sont pas nulles.

Pour mener sa vie, il suffit au Hamas de quelques hôtels de luxe pour ses dirigeants, d'une réserve de militants excités pour les violences programmées, d'un trésor de guerre pour préparer ses coups et d'une bonne maîtrise des réseaux. Plus, et c'est là l'essentiel, un terreau politique à exploiter : la désespérance palestinienne. Rien de tout cela n'est soluble dans la guerre. Ce n'est pas un hasard si le Hamas est toujours là après six guerres menées par Israël pour le détruire.

Selon vous, le Hamas a-t-il gagné ?

Le Hamas a remporté une victoire politique mais elle est paradoxale. Opposé à l'existence même d'Israël, donc à la solution à deux États que personne ne défendait plus sérieusement avant le 7 octobre, le Hamas l'a replacée au centre de la problématique et a provoqué par là même un appel d'air en faveur d'une Autorité palestinienne qu'il méprise.

Quelle alternative pouvait avoir Israël ?

À court terme, il y avait sans doute lieu de privilégier la question des otages, donc la négociation. Sur le fond, une prétendue solution militaire est une chimère meurtrière si elle n'est pas adossée à une perspective politique. Israël pourrait s'attacher à exploiter la contradiction entre le Hamas et l'Autorité palestinienne pour proposer une sortie politique de la crise, c'est-à-dire la relance d'un processus de paix passant par le gel de la colonisation en Cisjordanie, la réunification des territoires de Palestine sous une autorité palestinienne remusclée, et l'acceptation d'une solution négociée à deux États sous l'égide de la communauté internationale. De cela, Benyamin Netanyahou ne veut à aucun prix.

La solution à deux États, que tout le monde réclame, n'est-elle pas utopique ou à tout le moins dépassée ?

Disons, pour paraphraser Churchill, que c'est la pire des solutions à l'exception de toutes les autres. Toutes les autres, c'est-à-dire l'État démocratique unique, parfaitement utopique, la domination coloniale des deux communautés par Israël, totalement inéquitable et dont Israël se refuse d'ailleurs à assumer la charge, ou enfin l'évacuation simultanée du problème et du territoire par un départ massif en Égypte des Gazaouis et en Jordanie des Cisjordaniens. Cette dernière hypothèse qui conduit au maintien durable d'un haut degré de violence tant à Gaza que, sous des formes différentes, en Cisjordanie, semble être la préférée du premier ministre israélien. Elle n'en est pas moins à la fois totalement inhumaine et parfaitement irréaliste puisque ni l'Égypte ni la Jordanie ne peuvent s'y prêter.

La communauté internationale est-elle en mesure de faire bouger Israël sur la question des deux États ?

Le premier ministre israélien paraît résolu à n'écouter personne sauf les États-Unis. L'Administration Biden agit auprès d'Israël dans le sens de la modération mais, empêtrée dans ses enjeux électoraux, répugne pour le moment - jusqu'à quand ? - à exercer sur son protégé une pression décisive, au point même d'opposer son droit de veto à une résolution appelant au cessez-le-feu. Benyamin Netanyahou, conforté par la faiblesse de l'Autorité palestinienne, semble vouloir prolonger la guerre jusqu'au retour souhaité de Trump à la Maison-Blanche, quitte à abandonner à un sort tragique - au mépris de ses devoirs d'occupant - les millions d'hommes et de femmes qui souffrent et meurent aujourd'hui à Gaza.

Le président de la République semble osciller entre soutien à Israël et critique de la répression mise en oeuvre par l'État hébreu. Est-il encore possible de tenir la position gaullienne de non-alignement à l'heure où les terroristes islamistes nous frappent également ?

Je ne pense pas que la politique française ait jamais été fondée sur le non-alignement. Elle procède en revanche d'un clair refus de la solution partagée par le Hamas et l'extrême droite israélienne, celle de l'État unique « de la mer au fleuve ». L'hostilité manifeste de la majorité actuellement au pouvoir en Israël à la solution des deux États nous contraint à un équilibre difficile entre le soutien au droit d'Israël à la souveraineté et à la sécurité et la critique des options effectives de son gouvernement. Cette difficulté ne doit pas nous empêcher de défendre une solution prenant en compte les aspirations légitimes des uns et des autres à vivre libres et en paix. L'État israélien actuel n'a pas été créé par la Bible mais par une communauté internationale soucieuse d'offrir aux Israéliens comme aux Palestiniens souveraineté, sécurité et liberté. Ce choix fondateur nous oblige.

Les actes antisémites ont explosé sur notre sol. Les clivages introduits en France par le conflit au Proche-Orient vous inquiètent-ils ?

Comment ne nous inquiéteraient-ils pas ? La violence en Palestine charrie avec elle le retour du pire. Le wokisme joue son rôle dans ce réveil brutal de l'antisémitisme dans la mesure où il privilégie l'appartenance identitaire sur le débat d'idées et introduit entre les groupes une hiérarchie morale dominants/dominés parfaitement abusive. Les Juifs de France se souviennent qu'ils ont été seuls et sans recours face à l'horreur entre 1940 et 1945. Leur angoisse est fondée sur ce passé qui nous fait honte. Elle impose à la République, et à chacun d'entre nous, un devoir aigu de vigilance et de solidarité. Nous ne devons faire preuve d'aucune complaisance intellectuelle, morale et politique pour cette absolue négation de nos valeurs humaines qui reparaît aujourd'hui à ciel ouvert.

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