Jean-Noël Barrot : « L'enrichissement de notre relation avec le Maroc ne vient en aucun cas appauvrir celle avec l'Algérie »

Jean-Noël Barrot - JNB

Notre ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, s'est entretenu avec La Tribune pour évoquer la visite au Maroc du chef de l'État après des années de tensions ainsi que la situation en Proche-Orient et l'appel au cessez-le-feu de la France.

LA TRIBUNE DIMANCHE - Cette visite d'État d'Emmanuel Macron au Maroc est-elle celle de la réconciliation ?

JEAN NOËL BARROT - Ce sera l'occasion d'écrire un nouveau chapitre de notre relation.

Nous entendons la refonder mais aussi nous projeter dans les décennies qui viennent. Nous plaçons la barre très haut dans de nombreux domaines : l'énergie, l'industrie, les mobilités et les migrations, la culture.

Ces dernières années ont été celles de la brouille... La France a-t-elle commis des erreurs, notamment lorsqu'elle a réduit l'attribution de visas en 2021 ?

Sur le volet des mobilités et des migrations, il faut tirer les leçons des erreurs du passé.

Il faut aborder cette question dans le cadre d'un partenariat durable et d'un dialogue global. C'est la seule manière d'obtenir des résultats.

Donc pas question, contrairement à ce que dit Bruno Retailleau, de mettre la pression sur le Maroc concernant les OQTF ?

Pour obtenir des résultats, nous devons nous abstenir d'aborder cette discussion sous l'angle de la transaction. Quand nous l'avons fait par le passé, cela n'a pas produit les effets escomptés.

(...)

Entre le Maroc et l'Algérie, la France a donc choisi le Maroc ?

L'enrichissement de notre relation avec le Maroc ne vient en aucun cas appauvrir celle que nous cultivons avec l'Algérie.

En 2022, le président de la République et le président Tebboune ont d'ailleurs établi une feuille de route ambitieuse et que nous entendons mettre en œuvre. Nous devons redoubler d'efforts pour en tirer le maximum de bénéfices mutuels. J'y prendrai moi-même toute ma part.

Vous ne craignez donc pas de rétorsions de la part d'Alger pour avoir changé de position sur le Sahara Occidental ?

Nous avons avec chacun des pays du Maghreb une relation spécifique. Et lorsque nous enrichissons - comme nous allons le faire à l'occasion de cette visite d'État - notre relation avec l'un d'entre eux, cela n'enlève rien à notre ambition de cultiver une relation privilégiée avec chacun.

Au Moyen-Orient, comment jugez-vous les frappes israéliennes hier sur l'Iran ?

Il s'agit d'une réplique à l'attaque massive de l'Iran sur Israël le 1er octobre, attaque que nous avions contribué à parer.

Ces frappes ont ciblé des objectifs militaires exclusivement. C'est ce à quoi nous avions appelé. Cibler des objectifs énergétiques aurait eu un caractère escalatoire. Il est urgent d'enrayer l'engrenage de la violence dans la région.

Pendant ce temps, la guerre se poursuit au Liban. Comment l'arrête-t-on ?

Notre première responsabilité, qui est aussi celle de la communauté internationale, c'est de répondre à l'urgence humanitaire absolue dans laquelle se trouve aujourd'hui le pays.

Ce jeudi, à Paris, à l'initiative de la France, la communauté internationale s'est hissée à la hauteur de l'enjeu en réunissant 1 milliard de dollars pour le Liban. Cela permettra d'apporter au peuple libanais l'aide dont il a besoin. Cela permettra aussi de renforcer les forces armées libanaises qui joueront un rôle décisif dans la stabilisation du pays dès la cessation des hostilités.

Notre deuxième responsabilité, c'est de poursuivre le travail engagé il y a un mois par la France et les États-Unis pour obtenir un cessez-le-feu immédiat, suivi de l'application de la résolution 1701 garantissant la souveraineté du Liban et la sécurité d'Israël. Nous échangeons avec nos partenaires sur les paramètres d'un accord.

Ces paramètres signifient que le Liban doit se doter d'un gouvernement, d'un président et d'une armée dignes de ce nom ?

Oui, plus que jamais, le Liban a besoin d'un président pour incarner son unité.

Et oui, les forces armées libanaises doivent être renforcées massivement pour permettre à l'État libanais d'être souverain et de disposer du monopole de la force légitime.

Craignez-vous une guerre civile au Liban ?

Avant le début des opérations terrestres d'Israël au Liban, la situation du pays était dramatique. Elle est aujourd'hui catastrophique.

Un million de personnes a quitté le sud du pays pour chercher refuge dans le Nord. Elles sont en majorité chiites et arrivent dans des villages chrétiens, druzes ou sunnites. Ce sont des éléments susceptibles de conduire à des tensions fortes interconfessionnelles qui font ressurgir le spectre d'une nouvelle guerre civile.

Le gouvernement israélien et son Premier ministre visent-ils à créer les conditions de cette guerre civile ?

Personne n'a intérêt à un effondrement du Liban et surtout pas Israël.

Un Liban failli dans lequel prospéreraient les trafics et le terrorisme créerait dans le nord d'Israël une situation durablement dangereuse.

Le président de la République a utilisé le mot « barbarie » pour désigner les frappes israéliennes qui menaçaient la population civile au Liban. Vous approuvez ?

C'est une expression du Premier ministre israélien, qui a parlé de guerre de la civilisation contre la barbarie.

Lorsque l'on se revendique de la civilisation, on se doit de respecter à la lettre le droit international et les institutions qui en sont les garants. Ce n'est absolument pas le cas aujourd'hui.

Le peuple d'Israël a été frappé dans sa chair par le terrorisme au cours du pire massacre antisémite de notre histoire depuis la Shoah. Mais ce n'est pas faire offense au peuple d'Israël que de rappeler constamment le gouvernement israélien au respect strict du droit : qu'il permette l'acheminement sans entrave de l'aide humanitaire, qu'il s'abstienne de cibler les casques bleus de la Finul, qu'il cesse la politique agressive de colonisation en Cisjordanie.

Comment réagissez-vous au déploiement des soldats nord-coréens en Russie ?

Si cela est avéré, ce ne serait pas une surprise, nous savons déjà que la Corée du Nord soutient la guerre d'agression russe en Ukraine. Mais ce serait extrêmement grave, une étape escalatoire ainsi qu'une exportation dangereuse de ce conflit vers l'Asie.

Ce serait enfin la preuve de la très grande fragilité de Vladimir Poutine, contraint d'aller solliciter l'aide de la Corée du Nord pour poursuivre son agression illégale et injustifiable en Ukraine.

Si Donald Trump est élu le 5 novembre, l'aide américaine pour l'Ukraine risque d'être interrompue. L'Europe peut-elle prendre seule le relais ?

Abandonner les Ukrainiens serait, pour les États-Unis, une erreur historique.

Quelle que soit l'issue des élections américaines, les Européens devront continuer de défendre l'Ukraine, car c'est notre sécurité qui est en jeu.

À condition bien sûr de nous en donner les moyens. C'est l'objet de l'agenda de la Sorbonne, que la France pousse en Europe. C'est aussi ce que nous faisons en mobilisant les revenus d'aubaine tirés des actifs russes gelés pour consentir à l'Ukraine un prêt de plusieurs dizaines de milliards d'euros. Ce prêt européen doit être complété par les contributions des autres pays du G7.

(...)

L'Europe doit-elle craindre un retour de Trump, qui affirme que l'Europe, tout comme la Chine, est un adversaire ?

C'est ensemble que nous pourrons relever les grands défis du siècle : celui de la paix, du climat, de la démocratie, des droits de l'homme...

Les États-Unis, quel que soit le président élu, auront tout intérêt à une Europe forte, souveraine et autonome, en matière d'approvisionnements militaires ou de politiques commerciale et industrielle. Avec nos partenaires européens, nous adresserons des messages en ce sens à la nouvelle administration américaine.

Lire l'entretien complet dans La Tribune

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