Jean-Noël Barrot : "Tout ramène le RN à sa fascination pour les tyrans"

Jean-Noel Barrot

Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l'Europe, s'est entretenu avec La Tribune à la veille de la période de réserve avant l'échéance du 9 juin prochain.

LA TRIBUNE. Le président Zelensky ne cesse de supplier les alliés de l'Ukraine de fournir des batteries de défense aérienne pour protéger ses villes et ses infrastructures critiques. Pourquoi l'Europe ne peut pas faire plus et mieux ?

JEAN-NOËL BARROT. Si l'Ukraine a fait échec au projet de Vladimir Poutine d'annexer son territoire en quelques semaines, cela tient d'abord au courage des Ukrainiens mais aussi au soutien sans failles de ses alliés, et notamment la France, que ce soit sur le plan civil ou militaire et sur son chemin vers l'Union européenne.

La France soutiendra l'Ukraine dans la durée, au titre d'un accord bilatéral de sécurité signé avec l'Ukraine en février dernier, qui permettra d'apporter jusqu'à 3 milliards d'euros d'aide militaire supplémentaire à Kiev pour 2024.

La France travaille activement en lien avec l'Ukraine et nos partenaires européens et du G7 à lui apporter tout le soutien dont elle a besoin pour résister et contrecarrer ainsi les desseins impérialistes de Vladimir Poutine, y compris dans le domaine de la défense antiaérienne.

En provocant il y a déjà plusieurs mois un sursaut international pour que l'Ukraine soit soutenue aussi intensément que nécessaire et qu'elle reprenne le dessus, le Président de la République a été aux avant-postes. La question de la défense aérienne est aussi au coeur de nos préoccupations, la Président de la République a évoqué l'idée d'un bouclier antimissile dans son discours de la Sorbonne. La situation sur le front est particulièrement préoccupante et la Russie poursuit sa fuite en avant, y compris par des provocations aux frontières de l'Europe.

Je redis ici notre pleine solidarité avec la Finlande, la Lituanie et l'Estonie face à ces actions agressives inacceptables.

Les Vingt-Sept ont décidé cette semaine d'utiliser les intérêts des avoirs russes gelés en Europe. Est-ce que ces trois milliards d'euros par an peuvent changer la donne ?

La saisine des revenus tirés des actifs russes gelés est une décision historique qui permettra de mobiliser, dès le mois de juillet, un milliard d'euros supplémentaires pour le soutien militaire à l'Ukraine. Elle intervient après un accord de l'UE le 1er février sur une aide à l'Ukraine de 50 milliards d'euros jusqu'en 2027, ainsi qu'un accord sur 5 milliards d'euros de soutien militaire via la facilité européenne de paix (FEP).

Cet instrument permet à la fois d'apporter rapidement à l'Ukraine l'aide militaire dont elle a besoin pour résister sur le front tout en instaurant une préférence européenne visant à développer notre propre capacité industrielle de défense. A ce soutien européen s'ajoute l'aide qu'apportent directement les pays à l'Ukraine, comme l'a fait la France en s'engageant jusqu'à 3 milliards d'euros pour 2024.

En Géorgie, la présidente Salomé Zourabichvili souhaite que l'UE attende les élections parlementaires d'octobre dans son pays avant de tenir compte du vote récent de la loi sur les « agents de l'étranger » qui la disqualifie d'avance dans ses futures négociations d'adhésion. Qu'en pensez-vous ?

Je salue le courage du peuple géorgien qui défend sa liberté et la démocratie en brandissant le drapeau européen et en chantant l'Ode à la Joie, notre hymne européen. Dans une période où l'Europe est tant décriée, ce chant qui a retenti dans la nuit de Tbilissi nous rappelle que l'Europe est synonyme de liberté et de démocratie pour de nombreux peuples dans le monde, et qu'il est essentiel que cette espérance ne soit pas déçue.

La France se tient aux côtés de la Géorgie dans son chemin vers l'Union européenne. Mais la Commission européenne a été très claire : il appartient au gouvernement géorgien de faire les efforts et les réformes nécessaires pour que ce chemin se poursuive.

Emmanuel Macron est pour deux jours en visite d'État en Allemagne. Il veut « inventer un nouveau modèle » pour le couple franco-allemand. De quoi s'agit-il ?

Cette visite d'Etat du président de la République est la première depuis celle de Jacques Chirac en 2000. Elle marque la permanence et la profondeur du lien franco-allemand.

Elle sera l'occasion d'ouvrir un nouveau chapitre de la relation entre nos deux pays, articulé autour d'un agenda commun de souveraineté européenne, de compétitivité et de défense de la démocratie. Cela passera notamment par une ambition partagée de maitrise des technologies stratégiques ou de lutte contre les ingérences étrangères et la manipulation de l'information. Cette visite nous permettra aussi de préparer ensemble l'agenda stratégique de l'Union européenne pour les cinq ans à venir.

Alors que les menaces qui pèsent sur l'UE n'ont jamais été aussi grandes, le sursaut européen que le Président a évoqué dans son discours de la Sorbonne impose également un sursaut franco-allemand.

En avançant main dans la main, la France et l'Allemagne entraîneront le reste de l'Europe dans cette voie ambitieuse.

(...)

En 2017, après le premier G7 de Donald Trump, la chancelière Merkel avait dit qu'il fallait désormais pour les Européens apprendre à se passer des Etats-Unis. Avez-vous l'impression que l'UE a progressé dans ce sens ces sept dernières années ?

L'Europe a pris le virage de la souveraineté. Le président de la République avait le premier porté cette idée dès son discours sur l'Europe, à la Sorbonne en 2017, ce qui avait été accueilli avec tiédeur chez certains de nos partenaires européens. Depuis, tous se la sont appropriée. Nos voisins allemands l'ont inscrit dans leur contrat de coalition et l'UE s'est dotée d'outils de politique industrielle et commerciale pour conquérir cette indépendance qui lui faisait défaut auparavant. Produire des vaccins en commun, emprunter en commun pour un plan de relance à l'échelle européenne, geler les avoir russes en Europe et en utiliser les revenus pour soutenir collectivement l'Ukraine : rien de tout cela n'aurait été imaginable avant 2017.

Aux Pays-Bas, nous voyons se mettre en place une nouvelle « alliance des droites » comme en Italie ou en Finlande. Etes-vous révoltés de voir que le VVD, parti frère de Renaissance, va participer à une coalition de gouvernement conçue par le chef de l'extrême droite Geert Wilders ?

Nous ne nous sommes jamais compromis avec l'extrême droite et nous ne le ferons jamais.

L'extrême droite européenne est isolée au Parlement européen derrière un cordon sanitaire qui est inviolable et qui doit le rester.

Le parti de Giorgia Meloni serait intéressé de rejoindre le groupe de la droite conservatrice (PPE) au Parlement européen. Jordan Bardella a indiqué cette semaine que le Rassemblement national n'y siégerait pas aux côtés de l'AfD qui a été exclue jeudi du groupe Identité et démocratie. Que pensez-vous de ces recompositions ?

Il y a autant de détestations et de divisions entre partis d'extrême droite sur la scène européenne qu'au niveau national, ce qui me parait compromettre toute grande alliance entre elles après les élections au Parlement européen. L'annonce du RN à propos de l'AfD témoigne de la grande fébrilité d'un parti prêt à tout pour se dédiaboliser et se rendre fréquentable mais que tout ramène à son dégoût de la démocratie, de l'Europe et à sa fascination pour les régimes autoritaires et les tyrans.

Que retenez-vous du débat de jeudi soir entre le Premier ministre et Jordan Bardella ?

Ce que l'on a vu, c'est un Premier ministre en pleine maîtrise des dossiers européens face à un candidat d'extrême-droite qui assume ne pas savoir ce qu'il vote au Parlement européen sans assumer son passé de « Frexiter » ou les compromissions de son parti.

La liste de Raphaël Glucksmann fait presque jeu égal avec celle de Renaissance et pourrait même la devancer d'ici le 9 juin. Est-ce un échec pour votre famille politique ?

Les sondages ne font pas l'élection. Raphaël Glucksmann est le candidat de la NUPES. Ses amis à Strasbourg sont les partisans du Mercosur et les opposants de l'énergie nucléaire.

En soutenant Nicolas Sarkozy en 2007, en se défilant sur le plan de relance européen puis sur le Green Deal et sur le Pacte migratoire, il a trahi la gauche social-démocrate et la mémoire de Michel Rocard et Jacques Delors.

(...)

Après les élections, l'UE sera pilotée pour un semestre par la Hongrie de Viktor Orban. Que craignez-vous à ce sujet ?

Le rôle d'une présidence du Conseil de l'Union européenne n'est pas d'imposer ses idées mais d'être un courtier honnête du collectif européen.

Nous souhaitons que cette présidence, comme toutes les suivantes, soit l'occasion de faire avancer les priorités françaises portées par le Président de la République au niveau européen, pour faire renforcer collectivement notre Europe, sur le plan géopolitique et de la sécurité, sur le plan économique ainsi que sur le plan culturel et intellectuel, face aux défis majeurs qui sont devant nous.

 

🗞 Retrouvez l'entretien complet dans La Tribune

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