Liban, douleurs et espérance… par Nadia Essayan
Dans notre billet d'humeur du jour, Nadia Essayan, conseillère régionale Centre-Val de Loire, ancienne députée du Cher, nous parle avec ses mots de la situation d'un de ses pays d'adoption, le Liban.
D’origine palestinienne, j’ai été « adoptée » par le Liban avant de l’être par la France. Autant dire que la situation dramatique au Proche-Orient m’attriste profondément. Et dans les derniers développements de la guerre, l’atteinte à l’intégrité libanaise est une grande source d’inquiétude pour moi, mais aussi, comme je le constate, pour de très nombreux amis du Liban.
La violence des attaques, le nombre élevé de morts, la destruction d’infrastructures, de quartiers et de villages, et le mépris de l’appel des nations à un cessez-le-feu choque une bonne part de l’opinion publique.
Israël, en venant sur le territoire libanais, en ne respectant pas la souveraineté libanaise, et en poussant 1,2 million de personnes vers le nord, en faisant souffrir tout le monde, affaiblit durablement un pays qui n’a pas encore pansé les plaies anciennes et récentes : la longue guerre fratricide, l’énorme explosion du port, l’incroyable crise financière.
Même si l’influence française a diminué au Proche-Orient, le lien quasi-affectif entre la France et le Liban perdure, et tous les présidents français ont souligné à leur tour la particularité de ce pays-message pour le monde, ce pays multiconfessionnel, ouvert et riche de toutes ses influences.
Le Liban est un miracle, dans la région et pour nous tous… un endroit où des femmes et des hommes, avec des religions différentes et des origines différentes, ont un projet commun. - Ce pays a tout, et il a en particulier des femmes et des hommes de talent, qui rêvent grand, et qui ont beaucoup d’intelligence.
Cette déclaration d’Emmanuel Macron, le 25 octobre 2024, exprime ce qui est en danger aujourd’hui au Liban et que la France prétend défendre avec l’aide de l’Europe.
Ce pays s’est toujours relevé grâce à l’incroyable énergie des Libanaises et des Libanais, mais leurs ressources vitales s’épuisent. Même s’ils espèrent que l’attaque israélienne ne se prolongera pas trop, le désespoir les guette et l’envie d’émigrer se fait plus forte que jamais.
Le soutien des pays amis est essentiel pour la survie du Liban à court terme : il s’est concrétisé par la visite à Beyrouth de Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, peu après sa nomination, et lors de la Conférence de soutien initiée par la France, permettant de lever des fonds importants et de l’aide humanitaire pour aider les Libanais à faire face à la catastrophe qui touche l’ensemble du pays.
Mais le soutien devra être durable, car la crise est très grave. Il est évident que les responsables Libanais ont à régler en urgence de nombreux problèmes à commencer par le désarmement du Hezbollah, la lutte contre la corruption et l’élection d’un président de la République sur la base d’un projet d’union nationale.
De même, un renforcement de l’armée s’impose pour défendre la souveraineté du territoire et contrer l’appétit israélien concernant le sud Liban.
De fait, il est étonnant que les analyses politiques n’évoquent que rarement la possibilité d’une volonté israélienne de coloniser le sud Liban afin de s’accaparer l’eau du fleuve Litani, les terres fertiles du sud et les gisements de gaz découverts en mer ces dernières années. Ce sont là des ressources vitales qu’il faut défendre et sur lesquelles le Liban aura besoin de s’appuyer pour se relever.
Enfin, sur le moyen terme, la stabilité du pays pourrait passer par une révision de la Constitution donnant de la place à une représentation laïque qui consoliderait la coexistence des communautés et la défense des droits civiques, et préserverait de ce fait la particularité de ce petit pays si attachant.
Nadia Essayan