Patrick Mignola : "Je pense que les politiques doivent respecter une certaine dignité dans la parole et ne pas rentrer dans des tentations de nourrir la défiance vis-à-vis de la parole publique et des autorités"
Patrick Mignola était l'invité de Patrick Roger sur Sud Radio pour évoquer les propos de Jean-Luc Mélenchon, les élections régionales ainsi que divers sujets d'actualité.
Patrick Roger : Bonjour Patrick Mignola
Patrick Mignola : Bonjour Patrick Roger
Patrick Roger : Comment vous jugez les propos de Jean-Luc Mélenchon hier ? Il a prédit un « incident grave » avant la présidentielle comme cela a eu lieu avec Merah en 2012 ou Papy Voise en 2002.
Patrick Mignola : C’est, encore une fois, des propos qui sont choquants pour les victimes. Qui sont cyniques car on voit bien qu’il y a des arrière-pensées et puis, surtout, qui sont faux. Il faut dire que c’est faux. Évidemment qu’il y a toujours des événements d’actualité tragiques. Jean-Luc Mélenchon n’ignore rien du tragique de l’Histoire et quand on est à l’approche des élections, forcément, les événements tragiques ont des effets. Mais, il ne faut pas confondre les causes et les conséquences. C’est dommage qu’encore une fois il se positionne entre Nostradamus et Jean-Marie Bigard.
Patrick Roger : Il dénonce un système qui a mis en place Emmanuel Macron. Un système qu’il invente a-t-il dit. C’est une accusation grave.
Patrick Mignola : Moi, je pense que nous vivons dans un pays fragile qui est divisé, segmenté, dans lequel on cherche tous des communs, du collectif et il n’est pas normal qu’une personnalité parle ainsi. C’est une personnalité importante Jean-Luc Mélenchon dans la vie politique. Moi je pense très peu de choses en commun avec lui mais je pense que les politiques doivent respecter une certaine dignité dans la parole et ne pas rentrer dans ce qui seraient des tentations, alors, on dit « complotistes », ou on dit en tout cas des tentations de nourrir la défiance vis-à-vis de la parole publique, vis-à-vis des autorités …
Patrick Roger : … Jean-Luc Mélenchon est un complotiste ? C’est ce que vous venez de dire.
Patrick Mignola : Non, il est rentré dans cette tactique. Quel est le calcul ? C’est de se dire qu’il faut rassembler le plus largement possible et plutôt que de rassembler en convainquant et en entraînant, il essaye de suivre. On est chef quand on guide ses troupes ou on est chef quand on suit ses troupes. Je préfère ceux qui guident que ceux qui suivent.
Patrick Roger : Quatre élections législatives partielles ont eu lieu hier. Faible participation d’une manière générale. Vous redoutez justement l’abstention pour les départementales et les régionales ?
Patrick Mignola : Oui, avec les députés Démocrates à l’Assemblée nationale, on avait d’ailleurs souhaité que les élections se déroulent en octobre plutôt qu’en juin. Parce que la vaccination, qui est en train de réussir aujourd’hui, serait passée, on aurait certainement rassuré tout le monde. Je pense qu’aujourd’hui, les Français ont la tête ailleurs. Mais, je commence à entendre sur le terrain un intérêt pour ces élections. Ça a mis du temps. C’est normal dans des élections partielles avec les résultats qu’on sait, le très beau résultat de Brigitte Bourguignon dans le Pas-de-Calais …
Patrick Roger : … Alors c’est la première victoire de La République En Marche dans une élection locale, si je puis dire, depuis le début du quinquennat.
Patrick Mignola : Ce qui montre que l’ancrage est important. Vous savez, Brigitte Bourguignon, c’est un énorme travail sur le terrain depuis des années et on lui reconnaît, c’est toujours très difficile quand on est ministre dans un gouvernement de se faire élire dans une élection locale, qu’elle est sur le terrain, à portée d’engueulades et à portée d’action.
Patrick Roger : C’est de bon augure pour vous notamment. Au MoDem, vous avez Marc Fesneau, Geneviève Darrieussecq aussi, qui sont têtes de liste pour les régionales. Il y a des possibilités de victoire ?
Patrick Mignola : Pour l’ensemble de la majorité présidentielle, je crois que ce qui est important surtout c’est ce qu’on va faire pour les Français et les Françaises dans ces élections. Est-ce qu’on va être capable de regarder ce que les régions font ? C’est quoi la responsabilité des régions ? C’est d’abord l’économie. D’abord et avant tout l’économie. Aujourd’hui on est dans le plan de relance. Il faut relancer la machine. Il faut qu’on défende les emplois, il faut que les régions prolongent le plan de relance du gouvernement. Non seulement pour développer l’économie, faire de la relocalisation industrielle mais en plus pour redonner confiance aux Français. Alors, les présidents de Régions ont assez largement échoué de ce point de vue. Qu’est-ce qu’on a constaté depuis un an ? C’est qu’il y a eu des délocalisations industrielles, qu’on n’avait pas réimplanté des industries, pas investi dans les nouvelles énergies. Vous parliez tout à l’heure des éoliennes. Pourquoi on n’a pas développé l’hydrogène, la biomasse ?
Patrick Roger : Pourquoi on abandonne le nucléaire se disent certains ?
Patrick Mignola : La loi qu’on vient de voter, Climat et Résilience, confie aux Régions la capacité de faire des mix énergétiques : c’est donc de décider quelles sont les énergies locales, moi en Savoie c’est l’hydroélectricité mais vous en avez aussi énormément en région Occitanie ou en région PACA. Cette responsabilité c’est celle des présidents de régions. Comme ils ont échoué sur l’économie, ils ne parlent que de sécurité, la sécurité, c’est très important mais ça relève assez largement de l’État. Il faut que dans ces élections, on puisse travailler enfin comment on va faire renaître l’économie. On a tous peur de payer des impôts à partir de l’année prochaine car on a mis beaucoup d’argent : on a mis le plan de soutien, le plan de relance covid et on se dit qu’on va payer beaucoup d’impôts. La meilleure façon de pas payer des impôts c’est de retrouver la croissance. C’est ça le sale boulot des présidents de régions.
Patrick Roger : À propos des élections, au MoDem, on insiste beaucoup pour qu’il y ait la proportionnelle. Seulement, il y a un refus d’Emmanuel Macron à François Bayrou. Est-ce que vous allez continuer à défendre cette idée ? Pourquoi pas un référendum à la rentrée ?
Patrick Mignola : Vous savez, ce n’est pas un refus, c’est une réflexion de calendrier. Le programme du Président de la République incluait une dose de proportionnelle. C’est un combat qui est très important pour la démocratie. On parlait de l’abstention à l’instant, il n’est pas possible, je dis ça alors que ce n’est pas à mon avantage qu’on ait des majorités aussi larges à l’Assemblée nationale. Il n’est pas possible que les français ne se sentent pas représentés parce que sinon le débat ne se fait pas au Parlement mais dans la rue et le gouvernement en ressort plus faible.
Patrick Roger : C’est ce qui explique le climat …
Patrick Mignola : Il n’y a pas de gouvernement fort sans Parlement fort.
Patrick Roger : C’est ce qui explique le climat de défiance aujourd’hui, s’il y avait une meilleure représentativité à l’Assemblée, il n’y aurait peut-être pas …
Patrick Mignola : Ce n’est pas ça le débat. C’est parce que depuis 25 ans, on n’est pas assez efficace dans la politique, pas assez à l’écoute des différences qui existent entre les français. Il faudrait qu’on respecte les singularités. Donc ce n’est pas le mode de scrutin qui est en jeu. Mais le mode de scrutin en fait partie : c’est-à-dire que si je me sens représenté à l’Assemblée, je vais m’intéresser un peu plus au débat politique.
Patrick Roger : Aujourd’hui il un projet de loi autour de la PMA. Vous voterez cette loi ?
Patrick Mignola : Oui, on votera la loi. On avait trouvé un très bon équilibre en deuxième lecture à l’Assemblée, parce que vous dites PMA, c’est une avancée importante, un engagement du Président de la République et c’est bien d’appliquer les programmes pour lesquels on a été élu. Mais, il n’y a pas que ça. Il y a la conservation des gamètes, anonymats des donneurs, la question de la filiation, de la médecine génomique. Une loi bioéthique c’est comment on prend en compte les nouvelles technologies scientifiques et qu’on les applique. Médicalement et dans la loi avec les garde-fous éthiques qui sont nécessaires à une société. C’est ça le débat. Évidemment, toute la mousse se fait, toute la polémique se fait sur ceux qui sont pour et ceux qui sont contre.
Patrick Roger : Ça va être houleux à l’Assemblée nationale ?
Patrick Mignola : Écoutez, en Commission spéciale, la semaine dernière, ça s’est plutôt bien passé, il y avait plutôt du respect. Comme il y a désormais une majorité qui se dégage par-delà les clivages politiques, dans le groupe que je préside, il n’y aura pas de consigne de vote. Chacun vote en fonction de son intime conviction. Moi, je la voterai. Mais, je m’interdirai de donner une quelconque consigne de vote. Ce n’est pas comme ça que ça fonctionne. Il faut que chacun soit libre de décider. Mais, il se dégage, à travers l’ensemble des groupes politiques, des partis, un courant de pensée, une majorité. Ceux qui sont farouchement contre font un peu d’obstruction. Ce sera donc l’occasion de rediscuter encore. Il ne faut jamais avoir peur du débat.
Patrick Roger : Et sur la réforme des retraites, Emmanuel Macron a dit que la réforme va revenir mais peut-être pas dans les termes d’il y a deux ans. Vous, vous êtes favorable à quoi ?
Patrick Mignola : Moi je suis favorable à ce que l’on règle le problème des retraites aujourd’hui. Il est injuste pour les artisans, les commerçants, les agriculteurs. Il est injuste pour les femmes. Et surtout, il est déséquilibré. Au départ on avait pensé faire une réforme pour rétablir l’équilibre dans 15 ans. Après l’année covid qui vient de se passer, c’est comment on règle le problème pour dans 2 ans, 3 ans. Ce ne sont pas nos retraites, c’est celles de nos parents. Est-ce qu’on sera toujours capables de leur servir leur retraite ?
On va dire un truc très simple : en 1980 on partait à la retraite à 65 ans. Aujourd’hui on part à la retraite à 62 ans mais on vit 15 ans de plus. Y’a pas besoin d’être médaille Fields comme Cédric Vilani pour comprendre ça. Il faut réformer, c’est très simple. Il faut qu’on travaille tous un peu plus longtemps.
Patrick Roger : Mais, est-ce qu’il faut la faire avant la fin du quinquennat cette réforme, de nouveau ? C’est une priorité ? Une urgence ?
Patrick Mignola : En tout cas, il faut ouvrir le débat et ouvrir le débat de façon cohérente avec : 1) des mesures qu’on pourrait prendre pour la jeunesse et 2) je crois vraiment que c’est une condition pour que ce soit compris, sur la dépendance et l’autonomie parce que ce n’est pas seulement un sujet de personnes âgées. On parlait de Brigitte Bourguignon tout à l’heure. C’est pour toutes les familles. Nous sommes la première génération qui paye pour l’EHPAD de ses parents en même temps que les études de ses enfants. Donc, non seulement, c’est comment on vieilli dignement en France mais c’est surtout comment on ne pèse pas aussi lourd sur les familles parce que quand vous avez fini de payer tout ça, vous arrivez à la retraite en vous demandant si vous en aurez une.
Patrick Roger : Vous dites que ça doit être un débat pas forcément tranché d’ici la fin du quinquennat si je vous suis.
Patrick Mignola : le Président de la République décidera si on doit le faire ou non. S’il veut le faire avant la fin du quinquennat, nous serons derrière lui parce qu’un président c’est élu pour 5 ans, un député aussi. On fait le boulot.
Patrick Roger : À propos du Président de la République, il sera demain en Ardèche et dans la Drôme. C’est une campagne déguisée ce tour de France pour l’opposition.
Patrick Mignola : Vous savez, l’opposition fait son travail. La majorité fait le sien.
Patrick Roger : Tout de même, est-ce que ça ne perturbe pas la campagne des régionales et des départementales ?
Patrick Mignola : S’il restait à l’Élysée, on dirait qu’il est dans sa tour d’ivoire. Là dans ma région, on dit qu’il est en campagne. Un président n’a pas le calendrier électoral dans la tête. Il veille d’ailleurs à ne pas survaloriser les candidats de la majorité présidentielle. Chaque chose en son temps mais après la crise que l’on vient de vivre, il serait incompréhensible de ne pas voir le président de la République sur le terrain.
Patrick Roger : Merci Patrick Mignola.