Philippe Berta : "On n'a jamais eu autant besoin d'Europe"

Frédéric Prades pour le Réveil du Midi
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Seul député gardois de la majorité relative, Philippe Berta est un Européen convaincu. Il redoute que le scrutin de juin soit un défouloir mais admet que la pédagogie sur le rôle que joue l’Europe dans la vie quotidienne n’est pas suffisamment faite et s'en explique pour le Réveil du Midi.

Quel bilan faites-vous de votre activité parlementaire ?

Ce deuxième mandat est très compliqué parce que les extrémistes, de gauche comme de droite, jouent parfois ensemble et ont décidé de mettre à bas la République. C’est une ambiance délétère dans laquelle il n’est pas simple d’avoir une action parlementaire classique. Ça ne donne vraiment pas envie. J’ai fait le choix de renforcer mes activités dans les secteurs dont j’estime qu’ils sont de ma compétence. 

(...)

Quel constat faites-vous ? 

Il y a un effondrement intellectuel très fort qui a été très bien mesuré lors de la crise Covid où des gens étaient prêts à écouter n’importe quoi, le moindre prédicateur. Et nous avons une jeunesse qui ne va plus du tout vers les métiers scientifiques, technologiques et industriels dans un pays qui n’a qu’une seule priorité, et c’est légitime, qui est la réindustrialisation. Le niveau de culture scientifique est attesté par des inducteurs terribles. A l’entrée en sixième, les jeunes Français sont avant-derniers des pays de l’OCDE (Organisation de coordination et de développement économiques).

19 % des 18-24 ans pensent que la terre est plate. 48 % sont capables de remettre en cause les théories d’évolution. Quand on en est là intellectuellement, il y a une urgence.

Je n’ai de cesse d’alerter sur cette urgence au plus haut sommet de l’Etat, à Matignon, auprès des ministres. Je n’ai pas la sensation que cette urgence soit comprise.  

J’ai aussi produit un gros rapport pour une refonte complète de la recherche biologie-santé, jusqu’à l’industrie. J’ai fait des propositions qui n’ont pas été suivies. Il était important de montrer que les indicateurs ne sont pas très bons alors que c’est le troisième pilier économique du pays. C’est la santé des habitants dont il s’agit.

Et on ne peut pas continuer à ne pas faire travailler ensemble les vrais chercheurs fondamentalistes dont je suis issu, les chercheurs cliniciens, les associations de patients, l’industrie. Il serait temps de construire une co-réflexion dans ce pays.

Vous êtes un des rares députés professionnels de la recherche. C’est un sujet qui vous préoccupe. Pensez-vous toutefois que le grand public est préoccupé ?

Par la santé, manifestement oui. C’est le deuxième item qui a été retenu dans les principales préoccupations en prévision des élections européennes.

Il y a des combats à mener, celui sur les maladies rares, celui sur la fertilité dans ce pays et dans le monde plus généralement parce que l’effondrement est rapide.

Un couple sur quatre en France a des difficultés à la procréation. Il faut se poser les questions du pourquoi. Les causes proviennent d’un effondrement du nombre de spermatozoïdes. On en a perdu 50 % en deux générations. C’est probablement lié à des causes environnementales. Il y a aussi le souhait chez les femmes d’une procréation de plus en plus tardive alors qu’on sait qu’au-delà de 30 ans, ça devient compliqué et très compliqué au-delà de 35 ans. Il y a des messages de prévention à donner. Il y a aussi un autre problème sur la façon dont on met en place la procréation médicalement assistée dans ce pays qui est un peu archaïque.

Pour en revenir à la politique, l’accueil sur le terrain n’est-il pas difficile pour un élu de la majorité d’autant que vous êtes le seul sur le Gard ?

Je n’ai pas ce sentiment. L’étiquette MoDem est un peu protectrice. On s’inscrit dans la majorité mais on est aussi des députés très libres, de paroles, de votes. J’ai une façon de travailler simple : je reçois ceux qui veulent me voir, je consulte les dossiers et soutiens ceux qui sont légitimes.

Ce qui est difficile, ce n’est pas d’être député de la majorité mais d’être le seul député démocrate du Gard. Moi qui observe depuis quelques années le paysage politique et notamment l’extrême droite, je n’ai aucune illusion sur qui sont ces gens-là. Je suis assez effrayé par une bonne frange de la population qui ne comprend pas qui ils sont réellement. Il n’y pas d’évolution sur le fond. 

C’est la plus sérieuse menace à vos yeux ? 

Oui. C’est une menace qu’on sait comprendre.

Quand vos crédos sont toutes les misères, l’insécurité, c’est du populisme de bas étage qui n’apporte jamais la moindre solution et qui ne prend part à aucune solution.

On voit bien les votes de ce parti au parlement européen qui sont dramatiques. Au niveau national, quand vous augmentez le budget de la justice, de la police, ils ne participent à rien. Ils sont là pour cultiver ce ressentiment et ont mis en place une machine plus qu'inquiétante pour notre démocratie. 

Ils sont les seuls ? 

Non. Pour supporter une séance de questions au gouvernement, c’est difficile à vivre quand vous n’avez pas cette culture. Et ça fait mal aussi. L’image qui est renvoyée à l’extérieur me revient. Il en faut du courage. A l’assemblée, l’extrême droite et l’extrême gauche sont des machines de destruction. Mais je ne veux pas globaliser la Nupes. J’ai de bonnes relations avec les députés communistes et socialistes. LFI et son chef historique n’ont qu’un souhait aujourd’hui, et c’est un sentiment qui semble de plus en plus partagé, qui consiste à faire réussir le RN avec le rêve, la folie de leur Che, de jouer la guerre civile en 2027. LFI sait très bien qu’elle n’accèdera jamais au pouvoir. Sa seule solution, c’est d’espérer une révolution post 2027. C’est une perspective effrayante.

(...)

Les Européennes approchent. Que vous inspirent ces élections et cette campagne ? 

Elles vont se jouer sur les derniers jours. Je l’ai vécu de l’intérieur en 2004 lorsque j’étais engagé avec Jean-Marie Cavada. C’est malheureusement un scrutin qui ne mobilise pas et c’est une élection intermédiaire qui peut être un défouloir. On en prend le chemin. Ça veut dire qu’on n’a pas progressé vis-à-vis de la population sur notre capacité à faire de la pédagogie.

Que serait la France sans l’Europe ? 

Sans l’Europe, je ne vois pas comment on aurait eu nos vaccins lors de la crise Covid et comment on aurait eu des aides pour le quoi qu’il en coûte. Sans la vaccination, nous aurions eu plus de 150 000 morts supplémentaires. L’Europe de la santé doit se construire. Je ne peux pas ne pas évoquer l’Europe de la recherche. Les Anglais ont obtenu le Brexit et ont du mal à s’en remettre. Or, ils sont déjà à la table des négociations pour intégrer différentes composantes de l’Europe parce qu’ils ont compris que ce serait compliqué. Il y a quelques mois, ils ont réintégré l’Europe de la recherche.

Des choses restent à faire. Si on en avait une avec un commandement intégré, je ne suis pas sûr que la Russie prendrait les risques qu’elle prend actuellement. Voir aujourd’hui une partie des gens en France remettre en cause l’Europe sur un vote, c’est incompréhensible. Imaginez les Etats-Unis avec Trump et la Russie avec Poutine : leur objectif commun sera de nous écraser.

Il faut donc qu’on existe, qu’on soit fort. Ce n’est pas la France, pas plus que l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne qui vont résister seules. On n'a jamais eu autant besoin d’Europe. C’est un espace dont on a besoin pour assurer notre paix et notre liberté.

Mais je suis d’accord pour dire que si c’est une Europe uniquement de normes débiles et de contraintes, on n’a effectivement pas besoin de cette Europe-là. 

(...)

Les prochaines élections législatives seront en 2027. Vous y pensez déjà ?

Il y en aura peut-être même avant. Mais je n’y pense pas. Je me concentre sur des causes que j’ai embrassées et que j’estime légitimes. 

🗞 Retrouvez l'entretien complet dans Le Réveil du Midi

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