Philippe Vigier : "Six mois d'action, six mois de passion"
Frédéric Levent pour l'Echo RépublicainPhilippe Vigier, ancien ministre des Outre-mer et député d'Eure-et-Loir, s'est confié dans les colonnes de l'Echo Républicain sur le bilan de sa première expérience ministérielle et évoqué ses projets.
L'Echo Républicain : Quel est votre état d'esprit après l'annonce de la seconde partie du gouvernement Attal ?
Philippe Vigier : De la passion, de l'émotion et de la frustration, mais c'est la vie. J'avance. J'ai un sentiment d'injustice, mais je ne suis ni le premier ni le dernier. Le plus important, ce n'est pas le regard que je peux avoir, c'est le regard de bienveillance que je reçois. Ce qui m'a vraiment conforté, ce sont les dizaines d'appels et de messages des anciens Premiers ministres Élisabeth Borne et Jean Castex, des collègues et anciens collègues du gouvernement, des parlementaires, d'élus et d'acteurs du territoire qui m'ont dit "Merci pour le boulot". On ne comprend pas. Mais la vie politique exige qu'il y ait des jours heureux et des jours plus difficiles.
Quand avez-vous appris que vous n'étiez pas reconduit ?
Jeudi, à 19 h 12. Le Premier ministre m'a appelé pour me dire que j'avais fait « un super boulot. Je t'aime bien, t'es dynamique, mais là, vu le format, il n'y a pas assez de places, donc ce sera une femme qui sera à ta place ».
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L'enquête de Mediapart , qui vous accusait d'être devenu « un squatteur aux frais de la République », a-t-elle fini de sceller votre destin ?
Je ne pense pas que ce soit entré en considération. Ça ne fait jamais du bien d'être attaqué mais c'était une attaque injustifiée et elle est retombée le lendemain. Ça m'a fait mal mais j'ai répondu tout de suite. J'ai toujours payé tous mes repas privés organisés au ministère. L'usage du logement, de la voiture et de l'officier de sécurité, quant à lui, avait été autorisé par le cabinet du ministère de l'Intérieur dans l'attente de la composition définitive du nouveau gouvernement.
Vous n'avez donc pas été « exfiltré » du gouvernement comme l'ont assuré certains ?
Je n'ai pas tout réussi. J'ai probablement fait des bêtises. Mais je n'ai pas été dégagé pour une faute professionnelle. C'est important. Ma crédibilité n'est pas entamée. Les nombreux messages que j'ai reçus me le prouvent. J'ai eu beaucoup de succès dans ma vie mais aussi des défaites lors des élections législatives (en 2002, NDLR) ou régionales (il était notamment tête de liste en 2015, NDLR). On connaît le vieil adage : « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort. » Et comme disait Mandela : « Je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j'apprends. »
Quel bilan tirez-vous de vos six mois à la tête des Outre-mer ?
Six mois, c'est tellement court. Ça a été six mois d'action, six mois de passion. On a eu une entente absolument parfaite avec le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. Il m'a beaucoup soutenu et sa confiance m'a permis de donner le meilleur de moi-même. J'ai mis en place une méthode avec les parlementaires ultramarins. Je les ai vus à plusieurs reprises et associés au budget pour l'Outre-mer. J'ai fait attention qu'il n'y ait pas une vision clanique et j'ai porté, avec ambition, ce très beau budget de 70 millions d'euros en négociant une hausse de 7 %. 25 millions pour la mobilité, de grands programmes pour lutter contre les cancers et l'illettrisme ont également été prévus.
Le Comité interministériel des Outre-mer, que vous aviez brandi lors de votre prise de fonction, a-t-il été votre feuille de route ?
J'ai mis en place une méthode. Tous les mois, il y avait un rendez-vous. Les premiers bilans sont là et sont sortis. On verra si le rythme sera maintenu.
Quelle est l'une de vos plus grandes fiertés ?
La gestion de la crise de l'eau à Mayotte. L'eau coule au robinet et une usine de dessalement devrait voir le jour cet été avec pour objectif de produire 10.000 m 3 par jour. J'ai également porté le grand projet de hub portuaire aux Antilles, porte d'un nouveau corridor maritime vert qui était bloqué depuis quatre ans et va être lancé pour 380 millions d'euros. La méthode Vigier, c'est on accélère !
Quels sont les autres dossiers sur lesquels vous avez travaillé ?
L'entrée de La Réunion dans la communauté French Tech'', la tour des juges aux Jeux olympiques et le développement des activités de pêche en Polynésie, la lutte contre les algues sargasses à l'échelle internationale, le projet de construction d'un nouveau centre pénitentiaire à Nouméa ou encore le futur Mémorial national des victimes de l'esclavage, qui devrait être inauguré en mai 2026, au Trocadéro, à Paris. Ces six mois ont été une expérience exceptionnelle.
Qu'en retenez-vous ?
Cette expérience va me permettre d'avoir un oeil différent sur plein de choses. Je connaissais un peu les territoires ultramarins. Là, en dehors de Wallis-et-Futuna, je suis allé partout et à la rencontre de tous les acteurs, pas seulement les élus, comme l'avait demandé le président de la République. J'ai désormais une belle connaissance de ces territoires d'exception et donc une sensibilité, une bienveillance et la volonté d'être là chaque fois qu'il le faudra si on me le demande.
Espérez-vous revenir un jour au gouvernement ?
À chaque heure suffit sa peine. Je reprends mon flambeau de député - j'ai d'ailleurs de la peine pour mon suppléant Laurent Leclercq qui est resté à peine six mois à l'Assemblée nationale - et je reprends ma liberté avec une voix exigeante, singulière et forte. J'ai encore trois ans et demi de mandat et je serai combatif, exigeant, engagé comme toujours. Je souhaite bonne chance au gouvernement de Gabriel Attal. J'espère qu'il va être à l'écoute des attentes extrêmement fortes dans l'opinion publique qui est crispée. Quand ce sera bien, je le dirai et quand ce sera moins bien, je le dirai aussi.
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