🏛 Intervention de Patrick Mignola lors du débat sur la proposition de résolution condamnant l’offensive militaire turque en Syrie
A l'initiative de la Présidente de la commission des affaires étrangères Marielle de Sarnez, l'Assemblée nationale examine une proposition de résolution visant à condamner l'offensive militaire turque en Syrie. Retrouvez ci-dessous l'explication de vote, en faveur de cette proposition de résolution, de Patrick Mignola, Président du groupe MoDem et apparentés :
« Nous avions vaincu militairement et territorialement Daech. Ses djihadistes étaient emprisonnés. Les communautés du Nord-Est syriens pouvaient commencer à construire un avenir, pour le territoire que l’Histoire leur a laissé en partage.
Près de cent ans après les traités de Sèvres puis de Lausanne, nous pouvions espérer que cette Région du monde au prix d’immenses efforts qui restaient à accomplir, s’éloigne enfin des tensions entre les communautés, et des conflits entre les territoires, qui avaient mis à mal ses populations et avaient régulièrement déstabilisé l’ordre international.
Un nouveau revirement unilatéral des États-Unis, dont les dirigeants turcs ont immédiatement profité pour lancer une agression militaire, a au contraire provoqué un nouveau hoquet de l’Histoire, annihilant une fois encore, l’espoir d’échapper à sa fatalité.
Il nous revient ici d’en faire une condamnation immédiate et sans réserve. Et aussi d’assumer les conséquences à en tirer pour que soient défendus la vision, les positions et les intérêts de la France :
- sur son territoire, où elle ne peut prendre le risque de voir arriver de nouveaux terroristes,
- dans cette région, où la loi du plus fort ne doit pas redevenir la règle cruelle et stérile
- dans un monde que les autres puissances ne veulent plus gérer qu’en fonction de leurs intérêts égoïstes ou régionaux
Tel est le message de la France, tel est le message que doit porter l’Europe. Ce drame terrible doit nous rendre la lucidité.
Il n’est pas tolérable que les valeurs fondamentales que notre continent porte, soient foulées au pied, que les droits humains soient bafoués, que nos alliés des Forces Démocratiques syriennes voient les armes se retourner contre eux, que les populations soient déplacées, provoquant une nouvelle catastrophe humanitaire qui s’apparente à un nettoyage ethnique.
Et il est insupportable que la France, qui porte une vision originale de cette région du monde, celle de la cohabitation pacifique des peuples, des cultures, des ethnies et des religions, ne puisse le faire avec la démultiplication continentale de son message.
Tous ceux qui par calcul ou par inconséquence, veulent sortir de l’Europe ou en construire une autre sans trop qu’on sache laquelle, doivent en ces moments se ressaisir. Quand nous voyons le monde à nouveau basculer, nous avons au contraire besoin d’une puissance politique européenne.
Majeure économiquement, elle peut sanctionner financièrement. Et elle le doit si les agressions et les risques perdurent. Mais mineure politiquement elle doit enfin reprendre en mains son destin.
Celui d’une puissance qui peut dire à la Turquie, pour toute l’amitié qu’elle porte au peuple turc mais toute la méfiance que peuvent inspirer les décisions cyniques de ses dirigeants, que l’Union Européenne ne peut se montrer ouverte à une adhésion de pays qui ne partagent pas ses principes.
Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ce n’est pas la force des peuples à disposer des autres !
Une puissance européenne qui sait aussi protéger ses frontières extérieures et se montrer pour cela solidaire de ses pays frontaliers – soyons aux côtés de la Bulgarie ou la Grèce, qui subissent et subiront aussi des exodes.
Une puissance qui doit devenir enfin militaire – faisons l’Europe de la Défense !
Si nous ne la faisons pas maintenant, quand tous les risques sont à nos portes, et que jamais le monde n’a été aussi dangereux, quand la ferons-nous ? Nous ne pouvons pas lutter contre la loi
des plus forts si nous ne sommes pas forts nous-mêmes.
Donnons-nous les moyens d’une puissance qui porte un message universel et pas seulement celui d’intérêts momentanés et localisés.
Puisque l’OTAN peut devenir en un tweet le bras désarmé d’un multilatéralisme abandonné par l’Amérique, qui ne se voit plus que comme une puissance régionale – ce n’est même plus America First, c’est America Selfish, ou Unconcerned - nous devons assumer une alternative européenne forte, diplomatique et militaire.
C’est en ce sens que l’initiative de la présidente de la commission des affaires étrangères, Marielle de Sarnez, de réunir ses homologues européens autour d’une condamnation commune, est salutaire.
Et c’est, M. le Ministre, ce que le groupe du Mouvement Démocrate – mais je crois, ce que tous les démocrates ici réunis – attendent du gouvernement. Condamnez ici, agissez là-bas, et préparez l’Europe à redevenir une puissance de stabilisation du monde. Vous nous trouverez à vos côtés. »