La gratuité de la contraception : un impératif
Otilia Ferreira, gynécologue, membre du Copil de CovidUrgenceOutremer et ancienne conseillère régionale, explique les nouvelles mesures instaurant la gratuité de la contraception pour toutes les jeunes adultes jusqu'à l'âge de 25 ans. Interview.
La gratuité de la contraception sera accessible à toutes les jeunes adultes jusqu’à l’âge de 25 ans. Qu’est-ce qui sera remboursé exactement ?
La loi de financement de la Sécurité Sociale votée le 23/12/2021 instaure la gratuité de la contraception jusqu’à l’âge de 25 ans (déjà acquise depuis 2013 pour les mineures). L’Assurance Maladie appliquera le principe de la prise en charge à 100% via le tiers payant. Sont ainsi couverts :
- Une consultation annuelle avec un médecin ou une sage-femme
- Les examens biologiques
- Certains contraceptifs : pilules de 1° et 2° génération, implant, stérilet et contraception hormonale d’urgence.
Elle est applicable depuis le 1er janvier 2022 et peut concerner 3 millions de femmes.
En quoi cette mesure va-t-elle permettre de réduire les inégalités d’accès à la contraception ?
Différentes enquêtes publiques ont montré que les difficultés financières sont la première cause d’absence de protection contraceptive.
La précarité frappe de manière plus forte les jeunes et la crise covid avec ses conséquences sur l’emploi contractuel et saisonnier l’a considérablement aggravée. Nous avons tous en mémoire la détresse d’un très grand nombre d’étudiants privés de ressources.
Le lourd tribut qui en découle est le nombre d’IVG annuelles (222 000 en 2020) qui va crescendo depuis 1990 alors que le nombre de naissances diminue. En 1990 une grossesse sur cinq se soldait par une IVG et en 2020 c’est presque une sur quatre.
Pourquoi certaines pilules ne sont pas concernées par cette gratuité ?
En 2013 Marisol Touraine, alors ministre de la Santé, prit la décision du déremboursement des pilules de 3° et 4° génération. Elle a ainsi quasiment supprimé l’accès à ces médicaments qui pouvaient régler des problèmes spécifiques sans solution avec les 1° et 2° génération.
La réduction drastique de l’offre, l’absence de pédagogie, la poursuite d’un objectif comptable ont éloigné de très nombreuses femmes de la contraception orale avec pour conséquence une augmentation de 5% du nombre d’IVG en 2013 après quatre années consécutives de baisse.
C’est une première étape importante mais ne peut-on pas aller plus loin en remboursant d’autres moyens de contraception ?
Le débat mal conduit en 2013 autour de la contraception orale lui a porté un premier et cinglant coup d’arrêt. Puis est venue s’ajouter l’absence d’information sur la juste revendication de lutte contre les perturbateurs endocriniens qui a permis l’installation d’une fausse assimilation des contraceptifs oraux à ces dérégulateurs.
L’évolution de la contraception s’est tournée vers l’absence de contraception, le recours à des méthodes naturelles inefficaces (Ogino, coït interrompu) ou éprouvées. Des produits de ce dernier groupe mériteraient d’être éligibles à la gratuité : préservatifs, capes et diaphragmes, spermicides.
Rembourser la pilule masculine n’encouragerait-il pas davantage les hommes à l’utiliser davantage alors que son utilisation à l’heure actuelle reste encore très faible ?
La contraception masculine peut s’inscrire dans quatre domaines : mécanique (préservatif), hormonale (injections), thermique (slips chauffants ou anneaux) et chirurgicale (vasectomie).
La pilule pour hommes n’existe nulle part dans le monde. La recherche sur la pilule masculine reste sans succès depuis des décennies, entravée par une très faible demande.
La prise en charge de la responsabilité contraceptive dans le couple est pour les hommes français un véritable tabou.
Pourquoi le sujet de la contraception est-il encore si tabou en France ?
La politique d’accès à la contraception est un marqueur du niveau de démocratie d’un pays.
En la matière, durant des décennies la France était avant-gardiste mais depuis plus de vingt ans elle recule. La société française est gagnée par un courant puritaniste sous l’influence des conservatismes religieux.
La contraception est le fer de lance d’une sexualité affranchie et détachée de la reproduction. Elle inscrit la sexualité dans le champ du plaisir, ce qui est condamné par les esprits moralistes.
Pour sortir du climat rétrograde actuel qui enferme la sexualité, la gratuité de certains contraceptifs est insuffisante. Elle doit s’accompagner d’une campagne nationale d’information sur la contraception et d’une véritable éducation à la sexualité. Ce triptyque relève d’une politique plus volontariste.
Gageons que la campagne de 2022 sera une belle opportunité pour remettre ce sujet au cœur des débats.