Carnet d'Ukraine : La vie quotidienne en Ukraine
Nataliia Pylypenko, réfugiée ukrainienne, a trouvé l'asile à Paris avec ses deux petits enfants grâce à une très généreuse famille française. Depuis leur arrivée en France, le 15 mars 2022, Nataliia, professeur de langues étrangères, écrit tous les jours sur les évènements tragiques qui se déroulent dans son pays où son mari est resté.
Le Monde se préparait pour le Noël,
et on râpait l`Ukraine.
Le Monde comme s`il n`y a pas de guerre,
Mais on crucifiait l`Ukraine…
Le Monde se préparait pour le Noël,
Le Monde qui ne voyait ni mort ni douleur ni larmes
Le Monde disait des bons mots,
Et les gels nous tuaient déjà.
Le Monde se préparait pour le Noël,
Et nous prions le Dieu si calmement
Mon pays est encore vivant
Et nous rêvons en Victoire !
Lina Kostenko (poète populaire Ukrainienne)
Pendant que le monde se préparait et fêtait Noël, l'Ukraine continuait ses combats pour la liberté partout et surtout dans les points les plus chauds et durs : Bahmout, Kherson, Kharkiv, Soledar. Mais même dans ces lieux, la vie des gens continue : ils prient et croient en les soldats Ukrainiens. Ceux qui restent et n'ont pas pu quitter leur ville et leur maison se préparaient pour Noël aussi.
Les gens de Kharkiv où il y a des bombardements n'avaient pas de possibilité d'organiser la place des fêtes au parc comme d`habitude, c`est pourquoi ils ont organisé la fête de Noël et de Nouvel An dans une des stations de métro ! Chaque enfant Ukrainien doit avoir l`espoir et la fête : on fait tout pour leur avenir, on fait tout pour les enfants !
Le chemin de fer Ukrainien « Ukrzaliznytsa » et UNICEF ont lancé le train de Saint-Nicolas avec des cadeaux pour les enfants des territoires de Donetsk, Kharkiv, Mykolaiv et Kherson. Une des voitures du train est consacrée à la résidence d e Saint-Nicolas avec la spectacle pour les petits. Ce train apporte la joie et l'espoir pour les enfants dans les régions qui ont souffert le plus de la guerre ! 70 000 enfants ont reçu des cartables avec tout le nécessaire pour l'école et ainsi la possibilité de continuer de faire des études.
Ayant la possibilité de prendre un petit congé, nous avons pris la décision de nous rendre à Kyïv avec ma famille, où nous ne sommes pas retournés depuis le 13 mars 2022. En sortant du train, j'ai vu la vie, les gens qui travaillent, les magasins ouverts… La première chose qu’on aperçoit et qu'entend, c'est le bruit des générateurs qui travaillent partout et on peut sentir l'odeur d'essence. Et pendant les soirées Kyïv est dans l'obscurité...
Mais les gens inventent des choses différentes pour ne pas stopper le travail, le petit business, et même je peux partager des phrases dites par les personnes ordinaires citées par Olena Tsysar et qui montrent la réalité de nos jours à Kyïv :
- "Ce n`est pas sombre. Kyïv est vivant, la ville respire, elle est illuminée. Ce n`est pas une location - c`est un esprit de fer, c`est une ambiance luxueuse et la force implacable de la vie."
- "C`est quand on se réveille pendant la nuit de Nouvel An du bruit d`explosions, on ferme des fenêtres pour ne pas entendre des mots méchants des voisins adressés aux missiles et à pouilo (Poutine), on boit de champagne, on ouvre des cadeaux et on imagine comme si ce sont des feux d`artifice."
- "C'est le générateur d`un petit kiosque (boutique) « Gâteaux », qui est enchainé à la grille « pour qu'on ne le vole pas ». Le bourdonnement des générateurs et l'odeur légère d`essence nous dérangent et en même temps nous excitent, car c`est la vie, le mouvement, le travail, la lumière."
- "C'est une chaise et une boîte avec une lampe de poche, des médicaments antistress, des Pampers, de l`eau, des biscuits et des sucreries pour ceux qui sont bloqués en ascenseur pendant la coupure d`électricité inattendue."
- Chacun a son propre secret pour venir à bout de l'ascenseur : une amie lit une prière pour le Dieu « Notre Père » en montant au 16ème étage, une autre copine vérifie strictement les horaires de coupures d`électricité, la troisième prend l'ascenseur seulement avec son voisin car « ensemble ce n'est pas effrayant et pas ennuyeux », la quatrième a été déjà bloquée dans l'ascenseur avant que cela soit devenu courant et n'a plus peur.
- "C'est si tu es au volant tu envoies des malédictions pour les piétons dans les vestes noires et tu cries en pensée « Putain, mets une veste blanche, c'est impossible de te voir !»"
- Et si tu es piéton, tu regardes autour de toi sur chaque passage clouté comme un lapin, tu allumes le téléphone et éclaire tout autour de toi, tu as des réflecteurs de lumière partout sur les jambes et sur les bras et sur ton sac, mais les voitures freinent juste devant ton nez.
- C'est quand les gens sont obligés de monter plus de dix étages à pieds, sur l'escalier les voisins pleins d'esprit ont écrit des blagues motivantes « Juste un petit peu mon ami/e », « Encore quelques efforts et tu seras chez toi / à la maison », « Nous croyons en toi ! », etc.
- C`est la fatigue de Décembre et des mémoires tristes « quand il n`y avait pas d`électricité pendant 3 jours », mais c'est déjà une page tournée - les Kyïviens s'habituent à n'importe quoi en près de 5 jours.
- C'est Noël qui n'est pas arrivé cette année, le Nouvel An qui n'était pas à l`heure (pas aussi important que d`habitude), et c'est la foi en les Forces Anti-Aériennes comme une nouvelle religion : pendant la nuit du Nouvel An, les Russes ont lancé plus de 20 missiles et plus de 45 shakhedes qui ont été abattus par les Forces Anti-Aériennes Ukrainiennes).
- Ce sont des points qui sont installés dans chaque arrondissement où les gens peuvent se réchauffer, charger des téléphones, boire du thé, et même une petite place pour jouer pour les enfants et pour les bébés.
On n`a pas peur de l`hiver sans lumière !
On a peur sans fils, sans père, sans frère.
Sans conversations émouvantes,
Sans diner ensemble.
Sans ceux que la guerre a pris
Et l`hiver on va survivre !