Erwan Balanant : « Ce monde de la culture est le reflet de notre société encore sexiste et encore bâtie sur cet héritage patriarcal »

Violences dans la culture : « Le monde du spectacle a oublié qu’il existe un code du travail et un code pénal »

Après que la commission d’enquête parlementaire sur les violences dans les secteurs du cinéma, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité rendait ses conclusions, son rapporteur Erwan Balanant était l’invité de LCP pour en détailler les principales observations.

« Ce qu’on dit dans le rapport, c’est aussi que ce monde de la culture est le reflet de notre société, de notre société encore sexiste et encore bâtie sur cet héritage patriarcal », a-t-il expliqué. Si certaines violences sont communes à d’autres milieux professionnels, des « facteurs aggravants » rendent les abus plus fréquents dans les métiers artistiques. Dans cette exception culturelle française, il pointe notamment « l’excuse du génie » qui s’est imposée avec le temps :

Parce que vous avez du pouvoir, parce que vous êtes un grand comédien, parce que vous avez un pouvoir d’argent, mais aussi un pouvoir parfois de charisme artistique, on vous pardonne tout.

Résultat : certaines productions « oublient tout simplement qu’il y a un code du travail dans notre pays et aussi qu’il y a un code pénal ».

Notre député du Finistère affirme pourtant sa conviction que « l’on peut parfaitement créer de belles œuvres dans un cadre où chacun trouve sa place, et où surtout chacun a le respect de sa personnalité, de sa personne, de son intimité ». Il déplore que des jeunes femmes – et plus rarement des jeunes hommes – aient vu leur intimité bafouée par des pratiques de castings ou de tournages mal encadrées :

C’est ça qu’il faut stopper aujourd’hui, parce que le monde de la culture doit être exemplaire pour justement être prescripteur d’une société plus inclusive.

Certaines auditions ont été particulièrement marquantes : « C’était terrible parce que pour les victimes, de porter la responsabilité des violences qu’elles ont subies, cette sorte de renversement de la responsabilité, c’est terrible. Le responsable, c’est la personne qui a commis les violences. » Si le système résiste, Erwan Balanant veut croire qu’un changement est en cours.

Le CNC (Centre national du cinéma et de l'image animée) a mis des choses en place qui vont dans le bon sens. Il faudra amplifier, il faudra encore faire mieux.

Le rapport formule plusieurs propositions concrètes, comme la contractualisation des scènes d’intimité. Le député propose que ces scènes soient détaillées, scénarisées, et tournées avec l’accompagnement obligatoire d’un coordinateur ou d’une coordinatrice d’intimité, à la demande de l’un des acteurs.

L'acteur a un droit de regard et peut dire non sur cette image. […] La liberté de la création ne peut pas s’affranchir du consentement des partenaires de cette scène.

Enfin, Erwan Balanant propose de mieux encadrer le métier d’agent artistique, aujourd’hui très peu réglementé alors qu'il est extrêmement puissant dans le milieu : « Je pense qu’il faut des formations obligatoires pour exercer le métier d’agent. […] C’est aussi pour ça qu’on a saisi l’Autorité de la concurrence. » Pour lui, un agent bien formé pourrait jouer un rôle décisif :

Être en capacité parfois d’écouter, de ressentir, et de dire au producteur ou au talent : “là, il faut que tu ailles devant la justice, que tu portes plainte.” Et aujourd’hui, ce n’est pas suffisamment le cas.