Rapport sur les violences dans le monde de la culture : un système à démanteler

Le député du Finistère MoDem Erwan Balanant a livré cette semaine, comme rapporteur d'une commission d'enquête présidée par la députée de Paris EELV Sandrine Rousseau, un rapport de 330 pages absolument accablant sur les violences dans le monde culturel. Le cinéma, l'audiovisuel, le spectacle vivant, la mode et la publicité apparaissent comme le théâtre d'un véritable système de prédation.
118 heures d'auditions, plus de 7 mois d'enquête : les victimes mesurent le risque qu'elles courent à parler dans un milieu très hiérarchisé, où tout le monde se connaît et où certains se protègent mutuellement. Erwan Balanant nous invite à la prise de conscience collective car, dit-il :
Le monde du spectacle est le reflet de notre société : profondément sexiste et patriarcale.
Les exactions commises, innombrables, montrent à quel point, pendant si longtemps, l'impunité, l'opacité et l'omerta ont constitué la règle.
Au fil des pages, on découvre qu'une actrice césarisée, forte et indépendante comme Sarah Forestier a été broyée dès ses premiers castings et agressée sans cesse depuis. Que, comme le raconte le dramaturge Wajdi Mouawad, pour certains, faire retravailler Bertrand Cantat sur des musiques de spectacle semble ne poser aucun problème moral. Que les castings et les tournages, insuffisamment encadrés, peuvent être le lieu de toutes sortes d'abus, sexuels et moraux.
Si le rapport fait froid dans le dos, 86 propositions étayées et précisées proposent un cadre juridique pour enfin faire bouger les choses. Que la parole se libère grâce à l’écoute attentive amenée par la vague #Metoo aux États-Unis et #Balancetonporc en France, est salvateur. C'est à présent au législateur d'accompagner de la meilleure façon cette révolution, pour que ces témoignages ne soient pas lettre morte.
Notre député Erwan Balanant, très engagé sur le terrain des luttes féministes et contre tous les types de violences et de harcèlements, croit dans les vertus de la loi. Ce qui est stipulé obligera désormais un monde de la culture qui, "souvent dans l'entre soi", selon les mots d'Erwan Balanant, ne pourra plus dire qu'il ne savait pas.
Une prise de conscience est en train de s'opérer au sein de la société.
Les artistes doivent pouvoir exercer leur art sans contrepartie indigne, sans peur. Les former au droit du travail s'impose. Sur les tournages, sur les spectacles vivants, des référents spécialisés sur ce type de violences sont nécessaires. Sur les gros tournages, un binôme paritaire serait la meilleure option. Progressivement, créer un réseau de référents serait bénéfique, pour que l'écoute et les bons réflexes se généralisent. Pour ces responsables, il faut créer un statut certifié et professionnalisant, qui garantirait l'honorabilité des encadrants. Dans le monde du cinéma, il faut renforcer le rôle de l'État et de la formation, avec par exemple un inspecteur du travail dédié. La rédaction d'un rapport de fin de tournage serait une bonne chose, pour garder une trace.
Le rapport accorde une place importante à la place des enfants. Particulièrement vulnérables, les enfants manquent d’accompagnement, de référents et de cadre sécurisant. Erwan Balanant observe dans le rapport que certains enfants sont exploités et peuvent jouer 8 à 9h par jour, quand d’autres sont agressés physiquement, psychologiquement et sexuellement.
Protéger les enfants dans le milieu artistique, c’est une urgence. Leur art mérite un cadre. Leur talent, du respect. Leur parole, notre attention.
- Perrine Goulet
Faire jouer une victime d'agression ou un orphelin par un mineur n'est pas sans conséquence. Un accompagnement psychologique, y compris, après le tournage, s'impose, en particulier pour les enfants de moins de 7 ans. On pense, par exemple, à la polémique sur le film Ponette, où Jacques Doillon faisait jouer à une fillette de trois ans, la terrible représentation du deuil. Dans l'univers de la mode et de la publicité, cesser de sexualiser les mineurs est impératif.
Systémiques, endémiques, persistantes : trois qualificatifs caractérisant ces violences. L'écoute, la solidarité, l'encadrement juridique doivent permettre de briser le silence et d'abattre ce système. Avec force, le député Erwan Balanant rappelle que la création artistique ne saurait en rien être une excuse :
L'exception culturelle française ne doit pas être gâchée par l'excuse des "génies", des personnes qui abusent de leur pouvoir.
Pour lire le rapport, cliquez ici.
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