Sarah El Haïry : « Une des priorités, en matière d’aide sociale à l’enfance, c’est de reconstituer le vivier d’assistants familiaux »

Un mois après sa nomination, Sarah El Haïry, Haute-commissaire à l'enfance et vice-présidente du MoDem, répond aux questions du journal Ouest-France et livre ses pistes de réflexion pour sauver la protection de l'enfance.
Des députés livrent un rapport accablant sur la protection de l’enfance. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Ce rapport est important et particulièrement attendu. Avec Catherine Vautrin (ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles), nous allons expertiser les différentes préconisations qui ont été formulées. On travaille d’ores et déjà sur le sujet, notamment en lien avec Isabelle Santiago (députée socialiste du Val-de-Marne, rapporteuse de la commission d’enquête parlementaire) que j’ai reçue dès ma nomination au Haut-commissariat à l’Enfance. Il y a un certain nombre de propositions auxquelles on donnera suite.
Quelles pistes sont privilégiées ?
Une des priorités, en matière d’aide sociale à l’enfance (ASE), c’est de reconstituer le vivier d’assistants familiaux, parce que plus que jamais on a besoin de pouvoir accueillir les tout-petits, les bébés, dans des lieux qui sont des lieux « familiaux ».
Les pouponnières, lieux d’accueil collectifs pour les 0-3 ans, ne doivent être qu’une étape temporaire. Car les tout-petits ne sont parfois pas assez stimulés dans ces lieux et développent le syndrome de l’hospitalisme qui est un état dépressif avec des régressions physiques et psychiques. Pour parvenir à une meilleure offre, il faut se pencher sur la profession d’assistants familiaux, qui a enregistré un net recul.
Quelle est l’ampleur de ce recul ?
Aujourd’hui, on a à peine plus d’un tiers des placements qui est réalisé chez des assistants familiaux, le reste est assuré par les institutions.
L’enjeu qui se pose, c’est de ’’désinstitutionnaliser’’ la prise en charge de l’enfant quand cela est possible.
De faire le maximum pour qu’un enfant, qui a besoin d’être protégé, soit placé chez des assistants familiaux ou chez un tiers digne de confiance, dans sa famille au sens large, pour être accompagné et entouré dans un environnement serein, avec le soutien de professionnels.
Avec des dispositifs de contrôle ?
Oui. On souhaite renforcer les évaluations pour favoriser les placements dans le cadre de la famille élargie. Nous testons, dans six départements, des dispositifs pour contrôler les conditions d’honorabilité dans lesquelles on accueille les enfants. Au cours de cette expérimentation, la direction générale de la cohésion sociale a recensé 93 000 demandes d’attestation d’honorabilité, 435 ont été refusées, dont 20 pour des inscriptions au Fijais (Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes). Le dispositif sera généralisé à l’automne.
Le rapport pointe du doigt le désengagement de l’État, aux dépens des Départements…
L’aide sociale à l’enfance est une compétence des Départements. On est conscient qu’il y a de plus en plus de besoins, c’est pourquoi la ministre Catherine Vautrin organise une conférence des financeurs, à la fin de ce mois d’avril, avec les Départements.
Mais sans attendre, il faut répondre aux questions suivantes : comment agir pour mieux accompagner les enfants au quotidien ? Comment accueillir les signalements ? Comment lutter contre les mesures non exécutées ?
Une des réponses essentielles, je le répète, c’est la reconstitution d’un vivier d’assistants familiaux, et la capacité à accueillir après les contrôles nécessaires.
(...)
D’autres pistes pour résorber la crise de l’ASE ?
Il y a des sujets qui touchent la question de la santé, le meilleur repérage des enfants en danger. Je me suis rendue la semaine dernière au 119, centre qui reçoit les appels et les signalements relatifs aux enfants en danger.
Il faut continuer à accompagner plus fortement l’accueil de la parole des enfants victimes de maltraitance ou de violences sexuelles et le développement des unités d’accueil pédiatrique pour l’enfance en danger comme nous avons à Nantes.
Reste la question du financement…
Elle ne sera pas éludée par la ministre. Moi, mon urgence, c’est de faire en sorte qu’il n’y ait plus autant de mesures de placement non mises en œuvre, faute de réponses et de moyens.
Quand un juge estime qu’il y a un danger, nous avons le devoir de protéger les enfants.
Quid du plan Marshall promis à l’automne 2023 ?
Le plan Marshall pour la protection de l’enfance a été présenté, un certain nombre de propositions suivies. Des prêts bonifiés sont accordés pour bâtir de nouvelles structures, soit pour les fratries, soit pour des foyers d’accueil comme c’est le cas dans le Maine-et-Loire. Des solutions existent. Des maisons d’accueil familial sont expérimentées en Moselle. Le Loiret a adopté des rémunérations plus incitatives pour le métier d’assistant familial. On va également ouvrir une réflexion sur l’adoption. La ministre m’a chargé d’une mission sur le sujet.
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