Frédéric Petit : « En Géorgie, soutenir la société civile est la seule vraie réponse à la guerre hybride que mène la Russie »

Frédéric Petit
(© MoDem)

Alors que le pays s’enfonce dans la crise après les élections législatives controversées, le député Frédéric Petit appelle, dans un entretien au « Monde », à soutenir la société civile géorgienne après sa visite à Tbilissi avec des parlementaires de huit pays européens.

Quel est l’état d’esprit des Géorgiens, près de trois semaines après les élections controversées ?

J’ai vu plus d’espoir que de désespoir.

Il faut continuer à soutenir la société civile, c’est notre seule vraie réponse à la guerre hybride que mène la Russie dans le pays. C’est un combat, et l’on est mené à la mi-temps.

On a du mal à le comprendre, en France, mais la guerre hybride est théorisée et organisée méthodiquement. Il faut aider la Géorgie à faire sa route vers l’Union européenne [UE]. Sinon elle sera écrasée politiquement et culturellement par le « monde russe », et aura, un jour, un gouverneur nommé à Moscou au lieu d’un Parlement.

Vous avez été accusé d’ingérence avec cette visite, y compris en France. Que répondez-vous ?

Je suis très gêné par ces accusations qui ont circulé sur les réseaux sociaux, et pas seulement de la part de trolls, mais aussi de collègues de partis extrêmes, d’un côté ou de l’autre. C’est une erreur fondamentale sur ce qu’est un parlementaire.

C’est notre rôle de discuter avec des collègues étrangers, et nous n’avons pas fait pression ! On m’a accusé de me rendre en Géorgie parce que le résultat ne me plaisait pas. C’est faux ! Il y a eu des fraudes.

Les députés de Rêve géorgien ont refusé de vous rencontrer. Comment réagissez-vous ?

Je le regrette. Ils ont refusé de nous voir de façon pas très élégante, en lançant des attaques quasiment ad hominem. Je ne vois pas comment on peut à la fois dire « on va continuer le chemin vers l’Europe » et refuser de discuter avec d’autres pays.

Rêve géorgien a gagné les élections en jouant sur la peur, en accusant l’Europe d’être va-t-en-guerre, ce qui est mensonger, et en commettant des fraudes. Même les observateurs les moins sévères, comme l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe [OSCE], ont déclaré que ce scrutin n’était pas à la hauteur.

Reconnaissez-vous le résultat de ce scrutin ?

Je pense que ces élections n’étaient ni libres ni démocratiques, mais je ne suis pas un membre de l’exécutif… Cela étant dit, s’il faut voter la non-reconnaissance du vote au Parlement français pour faire avancer les choses, je le ferai, mais il ne faut pas se contenter de ce geste symbolique.

L’opposition géorgienne est trop divisée, avec des ego à gérer. Elle doit s’organiser sur le long terme, et ne pas se contenter de slogans.

Il manque aussi un leader visible. Mon collègue polonais faisait la remarque : « En Pologne, on a connu la même situation, mais on avait Lech Walesa [leader du syndicat Solidarnosc devenu président en 1990] ».

Vendredi 8 novembre, le président du Conseil européen, Charles Michel, a assuré : « Il y a de sérieux soupçons de fraude qui nécessitent une enquête sérieuse ». L’UE devrait-elle rejeter la légitimité du scrutin, comme l’espère l’opposition ?

Stratégiquement, cela ne sert à rien d’être frontal et de fermer la porte. On peut ne pas reconnaître le scrutin et rester dans un entre-deux en affirmant que cette élection n’a pas été à la hauteur, et que l’on attend la suite.

Je plaide pour ne pas donner d’ordres, et que l’on ne s’impose pas. Il ne faut pas de geste de rupture, d’agression ou de mépris, mais rester présents au côté des Géorgiens.

(...)

La présidente, Salomé Zourabichvili, en rupture avec le gouvernement et dont les pouvoirs sont limités, a appelé, lundi, à un nouveau scrutin. Qu’en pensez-vous ?

Revoter ne servira à rien. La présidente l’a reconnu elle-même lors de notre échange avec elle : si le scrutin se déroule dans les mêmes conditions, des gens revoteront pour Rêve géorgien, et peut-être qu’il gagnera à nouveau. C’est tout le système qu’il faut critiquer, pas seulement cette élection-là.

Des élections municipales auront lieu dans un an.

La manière la plus efficace d’œuvrer est d’anticiper et de travailler, notamment, pour que la commission électorale, qui prend ses ordres du parti au pouvoir, soit plus neutre. Aujourd’hui, les Russes ont marqué un but, mais il n’est pas trop tard.

Lire l'entretien complet sur Le Monde

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