Frédéric Petit : "La guerre en Ukraine concerne tous ceux qui croient au projet européen."

Frédéric_Petit-FP (Ukraine)
(© Frédéric Petit)

De retour d’Ukraine, Frédéric Petit, vice-président de la Commission des affaires européennes, souligne que la résistance ukrainienne non seulement se fonde sur l’amour de la nation mais s’articule également « autour des institutions démocratiques ». Tribune par Frédéric Petit publiée dans La Croix.

Arrêtons de regarder ailleurs, de tourner autour du pot. Nous savons à quel désastre cette attitude nous a menés. Parce que cette question séculaire des nationalités et des divergences culturelles hante encore l’Europe, il nous faut aujourd’hui regarder l’agression russe en Ukraine pour ce qu’elle est vraiment.

Non pas la guerre d’un homme, Vladimir Poutine, aussi déterminé et cynique soit-il, mais bien la confrontation ancienne et tenace entre deux modèles de société : d’un côté, celui (« unis dans la diversité ») conçu par les pères fondateurs de l’Europe et mis en œuvre patiemment, depuis, par les États membres de l’Union européenne ; de l’autre celui, totalitaire, de l’empire auquel la Russie de Vladimir Poutine n’a vraisemblablement pas renoncé.

Impérialisme russe

Oui, il y a de l’impérialisme dans l’aventure russe en Ukraine avec sa rhétorique du « grand frère » et son corollaire, celui du « grand vainqueur ». Il y aurait même une troisième Rome, paraît-il.

Oui, cet impérialisme est totalitaire car tous les domaines de la vie servent le combat qui est mené puis le contrôle : la culture, la langue, la religion, l’économie…

Invité aux célébrations de l’anniversaire de l’indépendance, le 24 août, je viens de passer une semaine en Ukraine, notamment à Tchernihiv, ville du Nord, assiégée en mars 2022. Les besoins en reconstruction sont énormes et vitaux et ce que j’ai vu sur place me conforte dans l’idée que cette guerre concerne directement tous ceux qui croient au projet européen.

Tout oppose les deux modèles de société, dans leur essence comme dans leur existence. En voici quatre exemples concrets.

Russification

Dans le modèle russe, la langue est un prétexte, parfois manipulé, pour légitimer le pouvoir ; dans l’autre, celui de l’Europe, non seulement une même langue ne contraint pas à la même citoyenneté, mais la diversité des langues est considérée comme une richesse commune. Dans la préparation de son agression, le Kremlin a d’ailleurs repris les expressions de « minorités russes hors de la Fédération de Russie », justifiant ainsi leur « protection » par Moscou.

La question de la « russification » des peuples est une constante depuis l’origine : du développement du slavon au XVe siècle et de l’interdiction des écoles en polonais au XIXe à la reprise en main des curricula scolaires russifiés aujourd’hui à Kherson (les nouveaux manuels d’histoire, Le Donbass, cœur de la Russie, viennent d’arriver), en passant par les tensions entre russe, géorgien, arménien et autres langues caucasiennes dans l’URSS du XXe siècle. Ce premier exemple est loin d’être anecdotique.

Résistance

Dans le modèle russe, le soldat n’est qu’un coût, un outil de l’impérialisme ; on n’a besoin ni de sa compréhension des enjeux, ni même de son adhésion aux objectifs ; il est là dans un itinéraire individuel, souvent financièrement intéressé, et difficilement contrôlable. Dans le modèle européen, le soldat, qu’il soit conscrit ou professionnel, demeure un citoyen.

Les développements de la guerre en Ukraine ont soudain éclairé cette différence de façon très directe et très concrète pour qui en suit les développements au quotidien. Quelles qu’en soient encore les difficultés d’analyse à chaud, il semble bien que la résistance de l’armée ukrainienne soit basée sur des citoyennes et citoyens mobilisés pour un idéal qui leur semble commun et supérieur à leur intérêt personnel. La résistance de Kharkiv, ville russophone, est de ce point de vue symbolique.

Sursaut démocratique

Il me semble également que le sursaut ukrainien qui a surpris l’Europe et le monde entier ne s’est pas fait uniquement autour de l’idée de « nation », mais également autour des institutions démocratiques, pourtant encore fragiles dans ce pays : présidence, Parlement, exécutifs et représentants locaux, organisations de la société civile, toutes ces institutions sont à pied d’œuvre et travaillent mieux qu’avant même. Pour qui s’en souvient, de telles initiatives citoyennes, certes très embryonnaires, avaient accompagné les événements du Maïdan dès 2014.

Autre exemple. Dans le modèle russe, les déplacements des populations sont toujours soumis aux intérêts de l’État, souvent réalisés dans la contrainte, voire la violence. Dans l’européen, la liberté de mouvement est le garant du dynamisme de l’ensemble. Aujourd’hui, des milliers d’enfants sont déportés en Russie et adoptés par des familles russes ; c’est l’une des caractéristiques d’un génocide. Par ailleurs, trois millions et demi d’Ukrainiens arrivés en Russie depuis le début de la guerre vont être pris en charge par l’Agence fédérale des affaires ethniques (sic) dans des « camps d’adaptation », tandis que des Russes sont envoyés s’installer dans les territoires occupés.

Une paix durable

Dans le modèle impérialiste russe, enfin, l’économie est avant tout une arme de guerre ; dans l’UE, elle a été et reste un moyen de construire la paix durable. Depuis vingt ans, l’État russe a repris en main et contrôle toute la création de richesse, en particulier la rente des hydrocarbures (le nombre de PME a chuté de manière significative). Rien à voir avec la mise en commun du charbon et de l’acier, enjeux économiques nationaux pourtant sensibles dans le contexte encore conflictuel de l’après-guerre (la Sarre était française).

Prendre la défense de l’Ukraine aujourd’hui et demain, malgré ses fragilités, ses difficultés, et même malgré ses défauts et ses côtés sombres, ce n’est pas un choix moral ou aveugle, voire affectif entre d’un côté des « bons » et de l’autre des « méchants ». C’est tout simplement une question de survie.

Car le modèle moscovite, centralisé, totalitaire, menace clairement le nôtre, celui partagé par des centaines de millions d’Européens et auquel aspirent nos voisins ukrainiens et tant d’autres peuples du Vieux Continent et d’ailleurs.

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