Jean-Louis Bourlanges : "La solution des deux États s’impose, mais il est à la fois trop tard et trop tôt"
Pour Libération, le député MoDem et président de la commission des affaires étrangères à l'Assemblée, Jean-Louis Bourlanges, revient notamment sur la proposition de mobiliser une "coalition internationale" contre le Hamas d'Emmanuel Macron et sur la tournée du président au Proche-Orient. Lire l'entretien.
Libération : Quel bilan faites-vous de la tournée d'Emmanuel Macron au Proche-Orient, mardi et mercredi ?
Jean-Louis Bourlanges : J'ai trouvé son message très équilibré. Il a dénoncé avec force le caractère odieux de l'action terroriste du Hamas, affirmé sa solidarité avec Israël et justifié la contre-offensive, à condition que celle-ci soit ciblée sur des objectifs politico-militaires et qu'elle s'attache à épargner la population civile, ce qui n'est certainement pas le cas avec les bombardements massifs des derniers jours.
Il a par ailleurs tenu à rencontrer, en plus du gouvernement israélien, les parties prenantes arabes du conflit, le président de l'Autorité palestinienne, le roi de Jordanie et le président égyptien, ce qui est essentiel.
Enfin, il a bien marqué que la question de l'arrêt de la colonisation en Cisjordanie, c'est-à-dire indirectement celle du droit des Palestiniens à vivre chez eux en sécurité dans un Etat potentiellement souverain, devait être posée, car il n'y aura pas de paix si les uns et les autres ne se voient pas reconnaître simultanément dans leurs droits respectifs.
Il a donc reconnu que les orientations de la politique israélienne de ces dernières années n'allaient pas dans la bonne direction.
Comment jugez-vous la proposition faite par le président de mobiliser une «coalition internationale» contre le Hamas, idée rapidement nuancée par l'Elysée ?
Je n'ai pas trouvé l'expression «coalition» très heureuse. Dans les pays arabes, elle renvoie au souvenir de l'intervention américaine contre l'Irak, qui n'a pas laissé un souvenir très brillant, et elle semble indiquer le principe d'une alliance militaire en bonne et due forme, qui ne paraît pas répondre à une vraie nécessité. Comme le président l'a d'ailleurs reconnu en rappelant qu'il n'était pas question pour nos forces de s'aventurer militairement dans cette zone.
Au-delà du mot, il y a toutefois l'idée, qui est juste, de la solidarité nécessaire d'un certain nombre d'Etats - les amis traditionnels d'Israël, mais aussi les Etats arabes modérés comme ceux qui se sont engagés dans le Pacte d'Abraham, et bien d'autres - en vue de lutter contre le terrorisme, en matière de renseignements par exemple et de travailler à une solution politique.
Lors de votre discours lundi à l'Assemblée, vous avez froissé des élus de votre propre camp...
Je comprends que dans l'atmosphère d'extrême émotion et de légitime indignation qui régnait lundi dans l'hémicycle, il ait pu être difficile pour certains d'accueillir un discours d'analyse, de mesure et de raison, comme doit l'être, selon moi, un discours parlementaire.
Ajoutons que la gauche de la gauche faisait semblant de croire que mon discours était le leur, alors qu'il reposait sur une condamnation explicite et sans équivoque du Hamas, que j'ai présenté comme terroriste, criminel de guerre et criminel contre l'humanité, ce qui ne semble pas être exactement leur ligne !
Je crois toutefois avoir été compris de la plupart de mes collègues de la majorité et j'ai eu la satisfaction de constater que dans cette affaire j'étais plus proche de la position du chef de l'Etat que ceux qui me critiquent et qui ne veulent pas prendre en compte le volet palestinien du problème.
Il est bon de rappeler que les Palestiniens sont, eux aussi, victimes du Hamas, de son terrorisme et de son nihilisme.