Philippe Vigier : "Voulons-nous, oui ou non, conserver un système de retraite par répartition ?"
Philippe Vigier, Député d'Eure-et-Loir et Vice-Président du Mouvement Démocrate, est intervenu au nom du MoDem lors de la discussion générale sur la réforme des retraites. Retrouvez son intervention.
La question qui nous est posée est simple : voulons-nous, oui ou non, conserver un système de retraite par répartition ?
Chaque parti de gouvernement, pour y avoir été confronté en 1995, en 2003, en 2010 ou encore en 2015, connaît bien les défis qu’il faut relever pour cela. Le premier d’entre eux est le défi démographique. Chacun sait qu’il n’y a plus que 1,7 cotisant pour chaque retraité et que ce ratio tombera à 1,5 dans quelques années.
Nous pourrions parler de politique nataliste, mais les socialistes se souviennent de la fin de l’universalité des allocations familiales.
Le second défi est financier puisque, malheureusement, les cotisations sociales ne suffisent qu’à financer 80 % du coût des retraites, qui représente un peu plus de 340 milliards d’euros.
Cela signifie qu’il existe un déficit structurel de plus de 30 milliards d’euros, comme l’a bien montré le COR. Je vous rappelle que l’État intervient déjà pour compenser ce défaut de financement.
Il n’y a pas trente-six solutions, puisque nous nous refusons à baisser les retraites et à augmenter les impôts – à ce propos, je n’oublie pas que la réforme Touraine, souvent citée en exemple, a fait disparaître cette année 2,3 milliards d’euros de la poche des salariés français.
Le troisième défi relève de la justice sociale. En effet, on ne peut pas à la fois déplorer l’existence de petites retraites et refuser de résoudre le problème. On ne peut pas à la fois déplorer l’injustice terrible du système envers les travailleurs aux carrières hachées, qui ne peuvent partir à taux plein avant 67 ans, et vouloir la maintenir. Pourtant, les personnes concernées sont majoritairement des femmes. Je n’ai pas entendu sur les bancs de la gauche d’élus capables de les défendre.
Enfin, il faut avoir le courage de reconnaître que certaines tâches autrefois très pénibles le sont moins aujourd’hui et de réformer les régimes spéciaux.
Les députés du groupe démocrate, faisant preuve, comme dirait Jean-Paul Mattei, de sérénité active, jugent indispensable de défendre courageusement certaines mesures de justice sociale.
La première est la clause de revoyure. Comme l’a mentionné M. Dussopt, Mme la Première ministre s’y est dernièrement déclarée favorable. Une telle disposition éviterait d’accorder à l’exécutif un blanc-seing de dix ou quinze ans pour conduire cette réforme sans en mesurer les effets. Il serait malvenu de modifier un système à l’aveugle, sans évaluer ensuite l’efficacité des nouvelles mesures.
Placée sous l’égide de la Cour des comptes et du COR, la clause de revoyure sera impartiale. Elle donnera l’occasion au Parlement de se réunir à nouveau pour se saisir du sujet et permettra au Gouvernement de tirer les leçons de la réforme.
Introduire une telle clause, c’est poser un acte de transparence, donner un motif de confiance à nos concitoyens, notamment à la jeunesse, qui n’accorde aucun crédit à la réforme des retraites.
En ce qui concerne les carrières hachées – n’oublions pas que 70 % de ces parcours concernent des femmes –, vous avez, monsieur le ministre, réalisé une avancée majeure. Vous avez également progressé sur la question des aidants et sur celle des congés parentaux. Nous vous demandons d’entendre qu’il faut aller plus loin dans la prise en compte des trimestres de maternité, car dans l’état actuel du texte, les femmes sont encore pénalisées.
Chacun l’a compris, nous menons un débat à moitié tronqué. Nous avons échappé à la motion référendaire, qui revient à dire : circulez, il n’y a rien à voir !
Nous avons échappé à la motion de rejet préalable, qui revient à dire : ne vous inquiétez pas, nous légiférerons dans six mois ou dans un an ! Mais les urgences sont bien là ! On ne peut pas déplorer les petites retraites ou les carrières hachées sans vouloir régler le problème dès maintenant ! On ne peut pas souligner les difficultés d’emploi des seniors, tout en laissant deux tiers d’entre eux sur le bord de la route ! Quel gâchis humain !
Cette absence de transmission du savoir aux jeunes, quel dommage ! C’est dramatique de laisser faire cela. Que n’avez-vous agi lorsque vous étiez au pouvoir ! Il fallait y aller avec courage et détermination, cher Jérôme Guedj, il fallait le faire !
Chers collègues, j’ai un regret. Nous avons mené des débats de qualité en commission, jusqu’à l’article 3, mais vous avez créé vous-mêmes les conditions qui nous empêchent de les poursuivre.
Vous avez déposé plus de 20 000 amendements, en sachant pertinemment – disons-le aux Français – qu’ils ne seraient pas étudiés. Vous prenez en otage l’Assemblée nationale, car nous n’irons pas au bout de l’examen du texte !
C’est vous qui l’avez voulu, c’est votre responsabilité ! Vous devrez rendre des comptes devant les Français. Je terminerai en vous demandant d’arrêter de nous parler du départ à 64 ans : nous n’arriverons pas jusqu’à cet article, à cause de vous !