Retour sur la réunion-débat du MoDem 50 sur le Vivre Ensemble
Le mouvement territorial de la Manche a organisé une réunion-débat sur le thème du Vivre Ensemble, avec Driss Ettazaoui comme expert et invité d’honneur.
Vivre Ensemble est un résultat, pas une injonction. Il interroge sur les conditions du bien vivre (revenus, cadre de vie...) et sur les critères susceptibles de relier les personnes.
Ce questionnement suit une accumulation inédite de crises : émeutes récurrentes en banlieue, gilets jaunes, réforme des retraites ; crise sanitaire liée au Covid, créant défiances et dégâts psychologiques ; crise politique enkystée débouchant sur une crise institutionnelle. Cette accumulation a eu un effet amplificateur sur l’abandon – parfois le déclassement - vécu par de nombreux citoyens, touchant les territoires ruraux comme les quartiers dits sensibles. Exacerbant le repli sur soi, à l’échelle du voisinage ou d’une communauté et nourrissant l’exploitation clientéliste de formations politiques aux discours toujours plus radicaux.
Avec le puissant effet-loupe des réseaux sociaux et de médias partisans.
L’échelle communale, et son maire en particulier, se trouvent placés en première ligne. Sans que le rôle de la politique nationale, des règles à établir et des compromis à proposer soient questionnés avec la clarté et la cohérence nécessaires.
Malgré tout – à l'exception du narcotrafic qui se répand et doit être combattu avec fermeté - la désagrégation « du vivre ensemble » est en partie entretenue de manière artificielle et ne semble pas irréversible. À condition de poser les bons diagnostics et de mobiliser les bons outils.
Au cœur de cette équation se trouve la nécessité de casser le noyau toxique qui se forme entre une population spécifique et sa paupérisation ou son sentiment d’abandon.
Dans un territoire rural - dont la Manche est l'archétype par son étendue et son nombre de petites communes - le problème et sa résolution potentielle se trouvent surtout dans le maintien de services publics de proximité, une offre de logements abordable et des mobilités effectives. Sur des terroirs très agricoles, vieillissants où l’agriculture vit difficilement et peine à recruter, où les soins, se désertifient, la carte du vote RN se superpose pratiquement à ces difficultés. S’il existe certes plusieurs outils, à l’exemple de « Villages d'avenir », la taille des communes constitue un sérieux obstacle, en termes de moyens de gestion et de capacité d'investissement, structurellement insuffisante pour enrayer cette dévitalisation, sans que les EPCI aient pris le relais.
En milieu urbain, la « Politique de la Ville », ses programmes, l'intervention d’opérateurs qualifiés comme l’ANRU a pu donner des résultats satisfaisants pour restaurer la qualité de vie dans les quartiers populaires, concentrant souvent une forte population issue de l'immigration. À l'instar d'Évreux et son agglomération de 110 000 habitants.
Résorber ce que certains qualifient de « ghettos » exige de bien en comprendre leur formation. Le taux de renouvellement annuel de ce parc immobilier est d'environ 20%. Il est comblé en partie par grégarité – une tendance naturelle à se rapprocher de qui vous ressemble, comme on le voit aussi dans la ruralité - très différente du communautarisme nourri, lui, par une ghettoïsation et une paupérisation subies. Il faut souligner la nécessité de s'imposer vis-à-vis de bailleurs sociaux qui négligent la mixité sociale, par souci de mieux remplir leurs cases vides.
Les opérations réussies ont reposé sur la possibilité offerte aux habitants de se réapproprier leur quartier. En détruisant quelques architectures concentrationnaires mais surtout en réinvestissant dans l'accueil d'équipements et de services publics de proximité et de mobilités réelles. En redonnant aussi une fierté d’appartenance (un peu de beauté ou de verdure ne sont pas un luxe ! ) et en s'appuyant sur un tissu associatif vigoureux. L’ensemble permettant de réintroduire mixité sociale ou intergénérationnelle indispensable. Rien n'est donc perdu mais rien n'est acquis non plus. Une politique urbaine ou de l’habitat ne se résume pas à de grandes opérations « one shot ». Elle doit être régulièrement réactualisée au fil de l'évolution des habitants et de leurs attentes.
En zone rurale, tissu urbain ou périphérie de métropoles, le maillage des services accessibles aux habitants constitue un élément-clé de la paix sociale et du mieux vivre pour les citoyens. Enrayer la dévitalisation de ces services ou, mieux, les reconstituer là où ils disparaissent, est clairement impossible sans moyens.
Un fait à prendre en compte dans le contexte actuel de restrictions budgétaires, quitte à comparer divers types de coûts.
Driss Ettazaoui, Président du MoDem de l’Eure, Vice-président de l’Agglomération d’Evreux – Portes de Normandie, Président de l’Association des Elus de France
Carole Boisnel, Présidente du MoDem de la Manche