Marc Fesneau : "On a besoin d’une transition écologique qui sert la souveraineté alimentaire"
Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, a répondu aux questions du Grand Jury sur RTL France, le dimanche 21 janvier 2024, sur la colère du monde agricole qui grogne depuis quelques jours.
Monde agricole : « Personne n’a intérêt à ce que cette crise se cristallise »
Les agriculteurs français grondent depuis quelques jours, à l’image de leurs collègues européens comme en Allemagne, en Roumanie ou encore en Pologne. Marc Fesneau pointe une crise multifactorielle : d’abord, le ministre confie que « les agriculteurs n’ont plus la foi. Ils ont le sentiment qu’on leur demande de produire plus et de bonne qualité mais sans juste rémunération ». Il poursuit en expliquant « qu’il y a aussi une crise de la norme, européenne et nationale ».
C’est la sédimentation de plusieurs sujets qui provoquent l’exaspération.
Assurant « essayer d’apporter des réponses concrètes », le 1er Vice-président du Mouvement Démocrate s’est aussi employé à dénoncer les discours produisant une forme de déclassement de certains agriculteurs.
Il affirme : « quand la grande distribution n’expose plus les produits bio alors qu’on demande aux agriculteurs de faire des produits bio, c’est un sentiment de déclassement et d’incohérence collective », avant d’ajouter « quand vous décrivez une activité agricole qui n’est pas la réalité, et que vous leur dite « vous n’avez qu’à faire ça, c’est très simple ! », pour faire la transition, il y a un sentiment de déclassement ! »
Accompagnement : « Le budget de l’Agriculture augmente de 1 milliard d'€ et ce pour plusieurs années »
C'est en ce moment que se déroulent les négociations commerciales pour le secteur agricole et à ce sujet, Marc Fesneau appelle « la grande distribution et les transformateurs à prendre leur part de l’effort collectif, comme sur la filière lait par exemple ».
Je les invite [grande distribution et transformateurs] à penser leur système sur le long terme pour s’assurer que les producteurs soient bien rémunérés, sinon à la fin ils disparaissent.
Le ministre de l’Agriculture précise également que « nous avons besoin de l’Europe ». Il lance : « demandez aux agriculteurs anglais ce que ça a fait le Brexit pour eux ! »
Toutefois, il concède la nécessité d’interroger certaines dispositions européennes comme le Green deal de 2018/2019, notamment « sur sa capacité à assurer la souveraineté alimentaire ».
Par ailleurs, Marc Fesneau plébiscite le travail essentiel réalisé au niveau européen, que ce soit par le Parlement ou les états-membres, sur la réduction de l’usage des produits phytosanitaires : « on travaille sur de nouvelles techniques génomiques pour les remplacer ».
L’accompagnement des agriculteurs doit aussi relever le défi de l’inflation. Marc Fesneau souhaite que « l’inflation soit comprise dans le prix des matières premières ». De plus, la compétitivité de notre modèle agricole est aussi un levier supplémentaire pour lutter contre l’inflation.
Quand je vais sur l’autre rive de la Méditerranée pour ouvrir de nouveaux marchés, en l’occurrence sur l’exportation des céréales, c’est pour être plus compétitifs !
Ce thème s’est soldé par une question d’un agriculteur relative aux préoccupations urgentes du moment pour plusieurs filières. Marc Fesneau y a répondu sans détour sur l’indemnisation des vaches malades, la question du gasoil et de l’irrigation.
« Sur la maladie des vaches, 80% de prise en charge des frais vétérinaires et/ou de la perte d’un animal, en plus de l'ouverture fin janvier d'un guichet », a-t-il annoncé. Il poursuit, « pour le gasoil, on réduit l’avantage fiscal », préférant au demeurant un ciblage par région. Le ministre achève sa réponse en rassurant les agriculteurs sur « l’annonce prochaine de moyens supplémentaires en termes de fonds hydrauliques ».
Union européenne : « L’Ukraine devra s’adjoindre des mêmes normes pour adhérer »
La validation du processus d’adhésion de l’Ukraine au sein de l’Union européenne marque un tournant dans la construction d’un modèle agricole européen viable et souverain.
L’Ukraine est une puissance agricole majeure. Qu’elle soit dans ou en dehors de l’Europe, on a intérêt à s’en faire un allié pour mener la bataille alimentaire à l’extérieur de nos frontières.
Pour le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, l’enjeu primordial est « d’aider l’Ukraine à exporter ailleurs qu’en Europe », ce qui est très difficile au regard des routes commerciales maritimes bousculées par la guerre l’opposant à la Russie. Il indique que l'on va « devoir trouver des solutions au niveau européen pour entrevoir une voie à cette déstabilisation », comme sur la volaille en France.
Enfin, à quelques mois des élections européennes, Marc Fesneau a décidé de mettre en lumière la démagogie des représentants de l’extrême-droite, mobilisés ces derniers jours sur le sujet agricole, à contrario de leur engagement au cours de leur mandat européen.
À juste titre, le ministre de l'Agriculture, dont le parcours a toujours été lié à ce thème, n'a pas hésité à dénoncer l'opportunisme de ses adversaires : "Je suis content que Jordan Bardella découvre ce que sont des bottes, mais j'aurai aimé qu'il découvre l'agriculture avant".
Le Rassemblement national nous dit qu’il défend le patriotisme, etc. mais qui est le parti de l’étranger ? qui défend les russes ? qui est financé par Poutine ? Ce sont eux !
L’entretien a pris fin sur la rectification nécessaire de la croyance d’une agriculture plus heureuse dans un pays aux frontières fermées. Accusé de l’empreinte écologique des accords de libre-échange entre la France et divers pays du monde, Marc Fesneau rétablit la réalité sur l’interdépendance commerciale obligée de l’ensemble des sociétés :
Combien de milliers de kilomètres pour exporter nos vins, nos spiritueux et notre blé qui va nourrir le monde ? Arrêtons d’accréditer la thèse que nous pourrions vivre en régime autarcique.