Rendez-vous culture: Les Contes d'Hoffmann, adaptés au cinéma par Michaël Powell (1951)
En 1951, Michael Powell (Les Chaussons rouges, Le Voyeur) livre avec Les Contes d’Hoffmann (en co-réalisation avec Emeric Pressburger) un film-opéra total, presque monstrueux : la musique, le chant, la danse, les images aux couleurs saturées se répondent dans une harmonie parfaite, et toujours brisée. Magnifiquement restauré, le film est un enchantement.
Michael Powell aime les amours tristes, détraquées. Adapter l’opéra de Jacques Offenbach (1881) correspondait bien à ce penchant. Hoffmann, subjugué par une belle ballerine, profite de l’entracte pour se confier à quelques acolytes de passage, dans une taverne. Il a aimé trois fois, trois contes de fées : à chaque fois, l’enchantement s’est rompu. Un personnage maléfique, aux identités multiples, figure le destin contraire, qui met un terme à l’éblouissement amoureux.
Le film explore les facettes de l’amour déçu, montrant les chausse-trappes, les panneaux peints, les escaliers tortueux. Illusions perdues, retrouvées, disparues, au fil de la musique, majestueuse et envoûtante. La première jeune fille aimée d’Hoffmann est, en réalité, une poupée mécanique (Moira Shearer), qui se disloque tristement. Dans la seconde histoire, peut-être la plus belle, la courtisane Giulietta (superbe Ludmila Tcherina) retourne vers l’homme qui la domine. Et, dans le troisième acte, c’est une chanteuse lyrique qui fait souffrir Hoffmann. Si le temps de la rencontre paraît simple, évident, les amours se terminent sans appel. Le motif de la répétition n’entame pas la fraîcheur de chacun des contes : les trois histoires possèdent, chacune, un éclat propre. Hoffmann, sans cesse déçu et quitté, retrouve toujours le goût du romanesque, l’emballement du désir. Dans le vin et les confidences à des inconnus, ses passions tristes revivent en boucle. Fascinantes, douloureuses, les trois histoires se suivent sans se redoubler tout à fait.
Un spectacle total, somptueux.
Les Contes d’Hoffmann, de Michael Powell et Emeric Pressburger, Grande-Bretagne, 1951, musique de Jacques Offenbach, avec Moira Shearer, Ludmila Txherina, Nigel Patrick, Anne Ayarsn Robert Rounsvillen Robert Helpmann. Sorti en version restaurée le 1er avril 2015.