Rendez-vous culture : Walden ou la vie dans les bois d'Henry David Thoreau (1854)
Pour de nombreux lecteurs, Walden ou la vie dans les bois a agi comme un rêve tenace : quitter la société et le monde des hommes pour vivre dans la nature, sauvage et belle.
Vivre de pêche, de chasse et de pensées libres, c’est l’expérience que Henry David Thoreau a tentée pour de vrai. Il a tenu deux ans et deux mois, sur les bords du lac de Walden. Pas plus, mais pas moins. Cette durée s’ancre dans le périmètre de la cabane construite par Thoreau. Dans ce petit espace, trois chaises : une pour la solitude, deux pour les amis, trois pour la société :
Mon logis était modeste, je n’y créai guère d’écho ; mais il me semblait plus grand qu’en réalité, car il comptait une seule pièce et il se trouvait très éloigné des voisins les plus proches. Tous les charmes domestiques se concentraient dans cette unique pièce ; c’était à la fois la cuisine, la chambre, le salon et la pièce à vivre.
Thoreau raconte, par le menu, comment il a planté des haricots, pêché des poissons, rafistolé une clôture. Et, pour nous, s’incarne alors ce mode de vie étrange, concentré tout entier dans ses perceptions. Gaston Bachelard, dans ses essais sur l’imagination des éléments, L’eau et les rêves et La Terre, ou la rêverie du repos, cite Thoreau :
Toute pièce d’eau trahit l’esprit qui imprègne l’air. Elle reçoit sans cesse d’en haut une vie nouvelle et un mouvement inédit.
Pourquoi cette vie à Walden ? Pour ne pas avoir à se dire : j’ai vécu quelque chose qui n’était pas la vie. Thoreau recherche le contact avec la réalité et nous rappelle, à chaque page, la beauté de la nature, la grâce du paysage. On sent un élan vital formidable :
Un des attraits de la vie dans les bois, c’était que j’avais tout le loisir et l’occasion d’assister à l’arrivée du printemps. La glace du lac commence enfin à ressembler à un rayon de ruche et en marchant j’y enfonce le talon.
Un lac, c’est ce qu’il y a de plus pur, de plus mystérieux, de plus trouble. Les pensées qui s’y développent possèdent une vraie force d’opposition et de résistance. Mais, au bout de cette expérience de survie et d’isolement, Thoreau est revenu « séjourner dans la civilisation ». La compagnie des hommes lui a manqué ; la solitude lui a aussi permis de mesurer la chance des rencontres :
J’ai eu davantage de visites pendant que je vivais dans les bois qu’à toute autre période de ma vie ; je veux dire que j’en ai eu quelques-unes. J’ai rencontré là plusieurs personnes dans des conditions plus favorables que nulle part ailleurs.
Fascinant, ce livre est aussi pur et attirant que la surface d’un lac.