Affaire Tapie : "L'État a le devoir de faire un recours pour obtenir réparation"

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Face aux dernières révélations dans l'affaire Tapie, François Bayrou a appelé l'État à "remettre en cause la décision arbitrale" pour que les contribuables français "obtiennent réparation", jeudi au micro de France Info.

France Info – Pierre Estoup a été mis en examen hier soir pour escroquerie en bande organisée, ça a son importance. C’est la preuve pour vous qu’il y a bel et bien magouille dans ce fameux dossier Tapie-Crédit Lyonnais ?

François Bayrou – Nous ne sommes pas encore au stade des preuves absolues, ce sont seulement les jugements qui les révèleront. Mais vous voyez bien que les enquêtes qui convergent, et maintenant les mises en examen, montrent qu’il y a un très fort soupçon – c’est le moins que l’on puisse dire – d’une manœuvre qui a été organisée au sein de l’Etat, qui est normalement là pour défendre les contribuables. Une manœuvre au sein même de l’Etat, concertée, réfléchie, voulue, approuvée, pour que l’on détourne une somme colossale de plus de 400 millions d’euros pour l’apporter aux fins que vous savez.

Vous le disiez déjà dès le début de l’affaire. Vous l’aviez redit, j’ai écouté ce matin, il y a trois mois sur France Info, c’était le 28 février. Je vous avais posé une question : pourquoi aider Bernard Tapie ? Pourquoi lui donner cet argent ? Et qui est derrière tout ça ?

Je ne suis pas capable de vous le dire, nous pouvons seulement avoir des intuitions ou des soupçons mais ce ne sont pas avec des intuitions ou des soupçons que l’on fait avancer les choses. Il y a une certitude, c’est que c’est une affaire préparée et voulue de très longue main et que cette affaire ne pouvait pas se réaliser sans qu’il y ait approbation, et même inspiration, par le sommet de l’Etat. Puisque vous savez, d’une certaine manière hélas, tout remonte au sommet de l’Etat en France, même les plus petites choses. Alors vous imaginez pour 400 millions d’euros, c’est énorme. Tout ceci est une injustice.

C’est déjà ce que vous nous disiez il y a trois mois. Pensez-vous que Nicolas Sarkozy, clairement, est derrière tout ça ? Ça n’a pas pu se faire sans qu’il y ait son implication ?

Si cette affaire est prouvée, il faut toujours avoir la prudence de le dire mais vous voyez bien que ça avance contre tous les avis. Il y a quelques mois ou quelques années, personne n’accordait crédit à la poignée de responsables politiques et de journalistes qui se battaient pour dire "attention, vous êtes devant une énorme injustice, une énorme affaire", personne. Aujourd’hui nous voyons bien que tous les éléments se rassemblent. Mais, si cette affaire est prouvée, il n’y a personne en France connaissant l’Etat qui puisse soutenir que ça n’a pas été approuvé au plus haut sommet de l’Etat. Que le plus haut sommet de l’Etat, l’Elysée, le cercle autour du Président de la République, le Président de la République lui même, ait donné son approbation, son feu vert, à cette affaire. C’est une certitude que, je crois, personne ne peut remettre en cause. C’est une affaire d’une telle importance que, au plus haut de l’Etat, il y a dû y avoir approbation.

Pour quelles raisons y aurait-il eu approbation à verser 403 millions d’euros à Bernard Tapie ?

C’est la question à 403 millions d’euros. Qu’est-ce qu’il s’est passé exactement ? Quelle est la raison mystérieuse qui a fait que tout à coup l’Etat s’est départi de son devoir ? Parce que c’est son devoir de défendre les contribuables et une certaine idée des principes de droit. Pourquoi l’Etat s’est-il départi de son devoir ? Je ne sais pas, il y a eu quelque chose que, à ma connaissance, on n’a pas vraiment identifié. Moi j’ai avancé des hypothèses : est-ce qu’il y avait des moyens de pression ? Est-ce que ces moyens de pression étaient politiques ? Nous ne savons pas. Mais il s’est passé quelque chose d’extrêmement grave qui fait que je pense que cette affaire sera l’affaire la plus grave de la Vème République.

Pardon de poser la question comme ça, mais puisque Pierre Estoup est mis en examen, est-ce que ça a pu se faire sans que les deux autres juges arbitres qui ont été désignés dans ce dossier soient au courant ?

Je ne sais pas. Vous savez, il est possible que, dans des groupes de personnes qui se connaissent bien et qui sans doute ont des sentiments confraternels de juristes, l’un fasse la dynamique des trois, emporte l’avis des trois, et que l’un, par exemple, prépare la rédaction. Je ne sais pas, je n’y étais pas. Ce que je sais avec certitude et qu’on ne dit pas, c’est que la Cour des Comptes, sous sa responsabilité, a écrit que dans cette affaire il y avait un faux.

Mais là on n’est plus au faux, on est au cran au-dessus déjà, à l’escroquerie en bande organisée.

Oui, en tout cas à l’organisation de tout ça. Ce que dit "escroquerie", c’est qu’on a détourné de l’argent, une somme colossale que personne ne peut se représenter. Et ce que dit d’autre la mise en examen, c’est "bande organisée", c’est-à-dire que M. Estoup n’est évidemment pas seul.

Qu’un seul maillon de la chaîne ?

Il y a plusieurs maillons à la chaîne qui ont dû donner leur approbation. Mais, qu’on s’intéresse au faux, c’est une chose très importante. Il y a une chose que nous pouvons dire, si vous me le permettez, avant peut-être de passer aux autres sujets, c’est que désormais l’Etat a le devoir de remettre en cause la sentence arbitrale, de faire un recours pour éventuellement obtenir réparation.

Dernière question et puis nous parlerons de Bruxelles si vous le voulez bien. Il y avait quand même neuf procédures qui étaient en cours. Alors, je sais bien ce que vous pensez sur ce dossier, que les 403 millions n’avaient pas à être versés à Bernard Tapie. Mais si le dossier avait trainé encore des années, c’est légitime qu’on se pose cette question, est-ce que finalement ça n’aurait pas coûté aussi très cher au contribuable ?

C’est une blague ! Tout le monde dit ça mais, évidemment, c’est une habileté de communication, c’est pour faire croire au bon peuple "que". La vérité est très simple, il y a eu un jugement de la plus haute autorité judiciaire française, qui est la Cour de Cassation réunie en formation plénière, c’est-à-dire sa formation la plus solennelle. Ce jugement a dit, en cassant les jugements précédents, qu’il n’y avait pas de base légale aux jugements précédents qui avaient été rendus. Donc, de ce point de vue, l’Etat était sur du solide, et même je crois sur du béton. C’est précisément pour cela que l’on a cherché un arbitrage privé, c’est parce que la justice de notre pays avait dit qu’il n’y avait pas de base légale.

Venons-en à Bruxelles. Vous avez évidemment vu que François Hollande a réagi hier soir aux recommandations émises par la Commission européenne. Il a pris ça comme un avertissement et il l’a plutôt mal pris.

Notons d’abord que, quand la Commission européenne vous dit qu’elle vous donne deux ans de plus, on ne le prend pas mal, on le prend bien.

2,8% en 2015.

Il y a évidemment, selon les avis, un jugement différent. Il y a un point sur lequel François Hollande et l’ensemble des Français devraient se mettre d’accord, c’est que ce n’est pas pour Bruxelles que nous devons faire les efforts.

C’est pour les Français ?

C’est pour nous, parce que la charge et les faiblesses viennent de ce que nous avons depuis des années renoncé à regarder en face les difficultés qui sont les nôtres. Les difficultés nationales, pas européennes, pas mondiales, pas de la globalisation, pas de l’Euro, de la France. Ces difficultés sont telles qu’il faut en effet une politique déterminée. Ce n’est pas pour Bruxelles que nous devons le faire. Je suis un Européen convaincu, mais l’Europe est faite pour réunir nos forces, pas nos faiblesses. La question des faiblesses de la France se pose aux Français, pour les Français. C’est le peuple français qui doit lui-même décider, entrainé par ses dirigeants – ces dernières années et depuis longtemps ils ne l’ont pas fait, ni majorité ni opposition – qu’il doit corriger ses faiblesses, pour lui-même et pour ses enfants. 

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