Audition de Jérôme Cahuzac: "Une grande mise en scène, qui en était gênante"

François Bayrou, président du MoDem, s'est dit "gêné" par l'audition la veille de l'ex-ministre ex-PS Jérôme Cahuzac à l'Assemblée, y voyant la confirmation qu'il ne faut "pas d'enquête parlementaire en même temps qu'une information judiciaire".

Jean-Michel Aphatie - Qu’avez-vous retenu de la déposition de Jérôme Cahuzac hier devant la commission d’enquête de l’Assemblée Nationale ?

François Bayrou - Pour tout vous dire, j’ai eu un sentiment de gêne. Il y avait une très grande mise en scène et au bout du compte il n’y a pas eu de révélations et il ne pouvait pas y en avoir parce que la règle c’est que ce sont les juges qui doivent poser les questions de cet ordre. Et on s’est aperçu hier, en tout cas c’est le sentiment que j’ai eu, qu’il était judicieux de respecter la règle qui fait qu’il ne doit pas y avoir de commission d’enquête parlementaire en même qu’il y a une information judiciaire conduite par les juges.

C’est un exorcisme ?

Oui, c’est quelque chose de cet ordre. C’est le sentiment qu’ont eu un certain nombre de parlementaires qu’on allait découvrir des choses fantastiques. Moi, je n’ai jamais cru qu’il y en avait. Je pense qu’il y avait des soupçons à partir du moment où Mediapart a lancé cette affaire et révélé l’existence de cet enregistrement où lui-même avouait un compte en Suisse, mais que le gouvernement a attendu d’avoir des preuves. Peut-être que je me trompe, peut-être y a-t-il des choses plus complexes, mais je ne le crois pas.

Bernard Tapie est toujours en garde à vue ce matin. Il dénonce dans un livre qui paraît aujourd’hui chez Plon un acharnement contre lui. "Dans ce litige avec le Crédit Lyonnais, je rappelle que c’est moi qui ai été trompé, abusé et déshonoré." A-t-il totalement tort ?

Cela ne vous surprendra pas, je crois que toute cette affirmation est fausse. Le coup de génie, la formidable entreprise de communication de Bernard Tapie, a réussi sur un point. Il a fait croire cela, et peut-être se l’est-il fait croire à lui-même, il ne faut jamais écarter l’idée que les gens finissent par se persuader de la thèse qu’ils défendent, c’est même comme ça qu’ils sont efficaces en la défendant.

On croit souvent à ce qu’on dit, effectivement.

Voilà. Bernard Tapie n’a pas été trompé par le Crédit Lyonnais, le Crédit Lyonnais a sauvé Bernard Tapie d’une faillite qui aurait été déshonorante. Je rappelle qu’il était au gouvernement à cette époque. Je dis sans aucune crainte de me tromper qu’il n’a pas pu être trompé pour une raison évidente, c’est que c’est lui qui a fixé le prix.

Le prix de la vente ?

Oui. C’est lui qui a dit au Crédit Lyonnais à l’époque, sur injonction de François Mitterrand probablement, en tout cas des milieux de pouvoirs auxquels il participait puisqu’il était ministre du gouvernement, de vendre pour ce prix-là, et le plus vite possible, parce qu’il ne pouvait pas rembourser la dette qui était la sienne. Donc, sans vouloir accabler quelqu’un qui est en ce moment en garde à vue, je suis absolument certain, et beaucoup d’autres maintenant deviennent certains, qu’il n’y a pas eu de tromperie, qu’il n’a pas été victime.

Il dit dans son livre "Parfois, j’ai pensé au suicide".

Il faut toujours faire attention quand on est dans des affaires de cet ordre parce que, pour ma part en tout cas, je n’ai jamais renoncé à m’attaquer aux puissants, mais je n’aime pas accabler les gens quand ils sont en situation de difficulté personnelle et de faiblesse, même s’ils ont commis des erreurs et des fautes. J’y pense à l’endroit de plusieurs personnes, Claude Guéant est beaucoup ciblé en ce moment, Bernard Tapie aussi, et quelques autres. Bien entendu que les êtres humains sont fragiles.

Il faut faire attention.

Pour autant, quand vous êtes serviteur de quelque chose qui est, au fond, l’éducation civique, vous ne pouvez pas renoncer à dénoncer une injustice quand vous la voyez, quand elle crève les yeux. Alors votre devoir d’homme, je ne veux même pas dire de citoyen, tel que je comprends la responsabilité d’un homme, c’est de monter au créneau même quand vous êtes seul contre tous, comme vous le savez ça m’est arrivé assez souvent. Après, grâce à la démocratie il y a des juges, et quand ils sont libres ils font avancer la vérité.

Autre affaire, Ziad Takieddine, intermédiaire toujours mystérieux dans certaines affaires, a avoué devant ses juges d’instruction avoir participé à un financement illégal de la campagne de Édouard Balladur en versant des commissions issues d’un marché d’armes au Pakistan. Vous souteniez Édouard Balladur en 1995, qu'en pensez-vous ?

Je soutenais Édouard Balladur mais je ne soutenais pas le financement de la campagne dont je ne savais rien.

Mais quand vous entendez ces aveux de Ziad Takieddine ? 

C’est un élément extrêmement troublant. Depuis longtemps, on tourne autour de cette affaire. L’introduction, dans les ventes de sous-marin ou d’armements, d’intermédiaires qui sont là uniquement pour toucher une partie du marché et la reverser à ceux qui sont les donneurs d’ordre, c’est une des plus graves anomalies, un des plus graves vices du système.

Vous en avez parlé avec Édouard Balladur, depuis des années que cela perdure ?

Non, nous n’en avons pas parlé.

Ça a été une déception pour vous de découvrir que la campagne de Édouard Balladur a pu être financée comme ça ?

Nous allons attendre que les preuves soient faites pour répondre à cette question. Mais, je vais vous dire, c’est simple, je soutenais Balladur parce que je pensais qu’il rompait avec un certain nombre des travers des systèmes antérieurs.

Et vous le dites avec un petit sourire.

Je le croyais de bonne foi. Je n’étais d’ailleurs pas le seul à le croire, nous étions nombreux à penser qu’un certain nombre des dérives des forces politiques antérieures, Édouard Balladur les combattrait. C’était la principale raison de mon soutien et j’espère que je ne me suis pas trompé. 

 

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