"J'attends de François Hollande, ce soir, qu'il soit le chef de l'État"

François Bayrou appelle le chef de l'État "à trancher, dire dans quelle direction nous allons et rassembler les forces" dans son interview jeudi soir sur France 2.

Roland Sicard - Avant de parler de votre livre qui s’appelle De la vérité en politique, nous allons revenir sur l’intervention de François Hollande ce soir sur France 2. Qu’est-ce que vous en attendez ?

François Bayrou - J’attends qu’il soit le chef de l’Etat.

Il ne l’est pas ?

Il l’est, mais il y a des moments où un pays a davantage encore besoin de celui qui doit, en son nom, trancher, orienter, entrainer. 

Et là, vous sentez qu’il ne tranche pas ? Qu’il n'entraine pas ?

Vous voyez bien qu’il y a depuis des mois une incertitude dans l’esprit de tous les Français, dans l’esprit des responsables politiques, sur la direction que suit la politique du pays. Vous avez vu l’accumulation des chiffres du chômage. Hier, on a confirmé, parce que tous les Français le savent, que leur pouvoir d’achat, leur faculté à arriver à la fin du mois, baisse.

C’est la première fois depuis trente ans. 

Je pense qu’il y a eu plusieurs épisodes précédents, mais ça ne fait rien. Vous êtes dans un pays qui est à 0% de croissance, et où le nombre des foyers augmente de 1 ou 1,5% par an. Alors vous voyez bien que zéro divisé par un plus grand nombre, cela veut dire que le pouvoir d’achat réel des familles baisse. Et hier nous en avons eu la confirmation officielle avec les chiffres de l’INSEE, ce dont tout le monde se doutait. Quand vous êtes dans un pays de cet ordre, alors vous vous posez la question. Et évidemment vous vous apercevez que chômage et pouvoir d’achat, c’est la même chose. Un pays qui ne crée plus des ressources, qui ne crée plus de richesses, qui ne crée plus d’emplois, ce pays est devant un problème terrible pour son avenir. C’est à cette question-là que François Hollande doit répondre.

Cela, c’est la responsabilité de François Hollande ou de la crise mondiale ?

La crise mondiale n’explique pas les problèmes de la France. Tournez-vous vers un grand nombre des pays qui nous entourent, vers l’Allemagne, vers l’Autriche, vers la Suisse, qui sont des pays comme nous… 

Il y a aussi l’Espagne et l’Italie. 

Oui, mais l’Espagne et l’Italie, même eux, réussissent mieux, en tout cas dans cette question très importante du commerce extérieur. C’est-à-dire la question de savoir si l’on est auto-suffisant ou pas. Même l’Espagne et l’Italie font mieux que nous sur ce point. Ils ont d’autres faiblesses très graves évidemment, ils ne viennent pas du même endroit. Nous, nous étions le pays qui était en tête en Europe. Il y a quinze ans, à cette heure-ci, au début des années 2000, nous étions en tête. Comment cela se fait qu’aujourd’hui nous en soyons là ? Donc, arrêtons de nous abriter derrière la responsabilité de l’extérieur. Les problèmes de la France ne viennent pas du monde, de l’Europe, de l’Euro, etc. Puisque d’autres, dans de mêmes circonstances, s’en tirent très bien. Les problèmes de la France viennent de chez nous, de l’organisation de notre pays, de ses faiblesses, de ses insuffisances, et c’est là que nous devons porter notre attention. 

Alors qu’est-ce que François Hollande doit changer ?

Il doit trancher, dire dans quelle direction nous allons, organiser et rassembler toutes les forces du pays. 

Qu’est-ce que cela veut dire, « direction » ? 

Vous voyez bien que la politique qu’il est nécessaire de suivre c’est à peu près le contraire de ce que la campagne électorale avait promis aux Français. En matière de facilités, de subventions, d’allocations, de créations de postes… Toutes les facilités que les promesses illusoires multiplient au moment des campagnes électorales.

Mais là, nous sommes plutôt dans l’effort, non ? Ce n’est pas la bonne direction non plus ? 

C’est très important de s’arrêter une seconde sur cela. L’effort dont vous parlez, et qui est probablement nécessaire, ce sont les coupes. On coupe dans l’intervention publique de l’Etat, des collectivités locales, et c’est probablement nécessaire de mieux utiliser l’argent public. Mais, si vous n’avez pas la création de ressources pour porter ce modèle, si vous n’avez pas la création d’emplois pour offrir un avenir, toutes les coupes seront insuffisantes. Vous comprenez, l’un précède l’autre. 

Alors comment fait-on ? 

En rassemblant toutes les forces du pays pour soutenir ceux qui sont en première ligne, dans la tranchée, qui se battent pour nous. Si nous devons définir ceux là, ce sont tous ceux qui signent des contrats de travail. Tous ceux, artisans, PME, créateurs, chercheurs, innovateurs, qui sont en première ligne dans la bataille que le pays doit mener contre ses propres faiblesses et contre ses propres lassitudes. Ce sont ceux-là qu’il faut aider.

Là, vous les sentez pénalisés ? 

Vous promenez votre micro, vous sortez du studio, ce n’est pas dur vous le faites assez souvent, et vous les interrogez. Ils ne se sentent pas aidés, ils se sentent freinés, soupçonnés, menacés, alors qu’ils devraient au contraire être soutenus et poussés par l’ensemble du pays. Cela veut dire des règles fiscales qui aillent bien et pas des menaces d’impôts nouveaux tout le temps, une simplification des règles du droit du travail par exemple, un soutien efficace au lieu d’une menace de tous les jours. 

Dans votre livre, De la vérité en politique, on a l’impression que la vérité en politique n’existe pas. 

Sur la vérité en politique, il y a la définition d’une très grande philosophe dans les premières pages du livre, qui dit « Qu’est-ce que c’est la vérité ? C’est ce qu’on ne peut pas changer ». C’est-à-dire que, tout ce qu’on nous a raconté ou laissé entendre – que la dette n’était pas grave et qu’on pourrait ne pas la rembourser, ou bien que la France pourrait se mettre à l’abri derrière des frontières fermées du grand mouvement de mondialisation –, tout cela, ce sont des atteintes à la vérité parce qu’on ne peut pas le changer.

Mais est-ce qu’on peut dire la vérité en politique ? Parce que vous dites la dire, mais vous n’êtes pas élu.

Oui, mais si vous acceptez cela, alors il y a une réponse qu’il faut qu’on vous objecte, il y a quelque chose à vous répondre. Si cette politique que vous dites allait bien, c’est-à-dire, au fond, on vous truande, on se moque de vous, et après on gouverne au contraire ce qu’on vous avait promis, si cela marchait, le pays se porterait très bien. 

Mais est-ce que les Français ont envie d’entendre la vérité ? 

Ce n’est pas cela la question. L’objection majeure, c’est la réalité qui la met devant vous. Vous ne pouvez pas continuer de cette manière. Je le dis en vous regardant dans les yeux, c’est impossible. On est en train de nous amener à un degré de désillusion et de désespoir qui va provoquer en France de graves accidents. Pas des petites choses, mais de graves accidents, parce qu’un pays qui n’y croit plus est menacé. Or, nous avons la capacité de nous en sortir.

Est-ce que François Hollande doit changer d’alliance, créer un rassemblement qui irait jusque vers les centristes, jusqu’à vous ? Et tourner le dos à sa majorité actuelle ? 

Il doit fixer la politique qu’il va suivre. Il doit sortir des incertitudes qui, vous le voyez, sont assez grandes, il suffit d’entendre les réactions au sein de la majorité. Le jour où il aura fixé la politique qu’il va suivre, il aura la mission de chercher une majorité, à mon avis très large. 

Avec vous ? 

Non, ce n’est pas de moi qu’il s’agit ! Vous comprenez que, si c’était de moi qu’il s‘agissait, je ne serais pas sur ce plateau. Imaginez où en sont les millions de familles qui ce matin se lèvent sans aucun espoir de trouver du travail. Vous savez ce que c’est ? Vous avez des enfants qui partent à l’école, qui vous regardent, et vous n’avez pas de boulot. Quand vous êtes des parents, vous avez des enfants dont vous savez dans la journée qu’ils ne trouveront rien à faire pour leur avenir. Si vous ne vous intéressez pas à cela et si vous restez dans les sujets politiciens, c’est le pays qui va être menacé dans son existence. Nous tous, les responsables, nous avons le devoir de proposer quelque chose d’autre pour mobiliser les énergies.

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