"Cette réforme vise à développer un système plus juste entre les hommes et les femmes, pour les carrières hachées, entre les secteurs d’activité"

Marc Fesneau était l'invité de Frédéric Rivière ce jeudi 12 décembre, dans l'émission Invité du matin sur RFI. Extraits. 

FREDERIC RIVIÈRE - RFI

Le premier ministre a donc présenté hier midi la réforme des retraites qu’il entend mettre en œuvre, le moins qu’on puisse dire c’est qu’il n’a pas apaisé les tensions, puisque désormais même la CFDT est clairement hostile au projet.

MARC FESNEAU

Ecoutez, je pense que le Premier ministre a fait une œuvre de pédagogie à la fois dans les médias et, hier midi, au CESE pour expliquer ce qu’étaient les tenants et les aboutissants de la réforme. On est au rendez-vous des promesses qui avaient été faites, au fond, pas seulement des promesses présidentielles, mais des promesses présidentielles dans ce qu’elles avaient de contenu. Le premier, c’est qu’on est bien sur un système universel, deux, on vise bien une réforme qui soit plus juste, il y a un certain nombre de mesures qui le prouvent, et trois, qu’il y a une nécessité de responsabilité, parce que les Français sont tout à fait en droit de demander comment tout ça s’équilibre et comment tout ça se finance. Après, il y a des réactions syndicales. Moi je regrette, sans chercher des noms là-dessus d’ailleurs, ou des syndicats, qu’un certain nombre de syndicats ne voient pas les avancées réelles qu’il y a sur un certain nombre de sujets et qui montrent que cette réforme, elle vise bien un grand mouvement redistributif et il y a plus de justice. On va laisser se faire le débat. Moi je crois que les citoyens et les Français se saisiront de la question, et j’ai le sentiment qu’ils verront les avancées réelles, pour un certain nombre de catégories qui étaient plutôt les grands perdants de ce système de réforme, de la réforme actuelle, des retraites, des systèmes, pardon, de retraite actuels, parce qu’il y avait des grandes injustices entre les hommes et les femmes, de grandes injustices pour ceux qui avaient des carrières hachées, de grandes injustices entre secteurs d’activité, et je pense que c’est un système qui vise à être plus juste.

FREDERIC RIVIÈRE

Alors, Laurent BERGER, le secrétaire général de la CFDT, a toujours dit qu’il était favorable à une retraite universelle par points, mais qu’il ne voulait pas, selon le terme technique et désormais consacré, de mesures paramétriques, c’est-à-dire qu’on touche soit au taux de cotisation, soit à l’âge, etc. Or, en l’occurrence, c’est le fameux âge d’équilibre, ce n’est plus l’âge pivot, désormais c’est l’âge d’équilibre à 64 ans qui est la ligne rouge, c’est l’expression qu’a employée Laurent BERGER, donc le président de la République et le Premier ministre le savaient pertinemment, qu’en prenant cette décision ça déplairait fortement à Laurent BERGER, donc c’est un choix de confrontation qui a été fait.

MARC FESNEAU

Ce n’est absolument pas un choix de confrontation. D’ailleurs, sans vouloir trahir la pensée de Laurent BERGER, il me semble qu’il a toujours dit qu’il savait qu’il y avait des mesures d’équilibre qui seraient nécessaires, il ne voulait pas en parler dans cette séquence-là, ce n’est pas tout à fait la même chose.

FREDERIC RIVIÈRE

Oui, il ne fallait pas tout mélanger selon lui.

MARC FESNEAU

Sauf que, poser un système aussi profond de réforme des retraites et ne pas poser la question de son financement, c’est poser la question de la crédibilité de ces retraites. Qu’est-ce que je vous dirais ce matin si nous avions un certain nombre de mesures, telles qu’elles ont été présentées, et qu’en même temps à la question de comment est-ce que vous allez le financer, je vous répondais je ne sais pas, on verra ça plus tard ? Par ailleurs, le Premier ministre a dit une chose simple, il a dit « voilà la borne que je fixe, à partir de 2027 », date limite si je peux dire, de mise en œuvre de mesures d’équilibre, et par ailleurs « si les organisations syndicales trouvent une autre méthode, d’autres moyens d’arriver à cet équilibre, nous serons ouverts à la discussion et nous les prendrons. » On ne peut pas dire qu’on ait mis au pied du mur qui que ce soit. On dit: il y a un besoin d’équilibre, et je pense que ça crédibilise le système, si vous dites aux gens aujourd’hui que vous ne savez pas comment s'équilibre le système, vous êtes dans la situation d’aujourd’hui, c’est-à-dire de gens qui ne savent pas, quand ils sont en activité, si leurs pensions de retraite existeront ou si elles seront à des taux décents. Et donc, c’était nécessaire de dire il y a besoin d’équilibrer l’ensemble, et deux, de donner la capacité aux organisations syndicales, parce que c’est bien d’elles dont on a besoin aussi pour équilibre un tel système, de pouvoir elles-mêmes se saisir de la question, et si elles ne saisissent pas de la question, que nous puissions prendre des mesures d’équilibre. Par ailleurs, âge pivot, âge d’équilibre, peu importe la terminologie, aujourd’hui la moyenne de départ à la retraite c’est 63,6 années, l’âge légal est bien 62, mais en moyenne les Français ils partent à 63,6, parce qu’il y a une question de trimestres qui fait qu’un certain nombre de Français ne partent pas avant.

FREDERIC RIVIÈRE

Alors là on parle beaucoup de Laurent BERGER, de la CFDT, qui donc a exprimé hier son désappointement en quelque sorte, mais enfin il y a tous les autres syndicats qui eux étaient déjà radicalement hostiles, notamment la CGT. Pour l’instant les perturbations liées aux grèves sont extrêmement importantes, en particulier dans les transports, on peut redouter que ça se durcisse encore un peu, compte tenu de la position de la CFDT. Combien de temps ça peut tenir ça, et comment envisagez-vous la sortie de crise dans ce contexte ?

MARC FESNEAU

On verra, moi je crois beaucoup à l’esprit de responsabilité des uns et des autres, y compris des salariés des entreprises concernées. Ce que je regrette, par exemple vous citez la CGT, c’est qu’au fond la CGT elle nous propose le statu quo, la vérité c’est ça.

FREDERIC RIVIÈRE

Elle dit qu’elle est d’accord pour réformer les retraites, mais tout à fait autrement.

MARC FESNEAU

Oui, non mais ça... on est d’accord pour réformer les retraites, ça ne fait pas un projet, reconnaissons-le quand même. Il ne suffit pas de dire on est d’accord et de créer les conditions permanentes du désaccord. Au fond, la CGT, et parfois d’autres, et je le regrette, disent le système fonctionne bien, il faudra l’expliquer aux 80.000 femmes qui sont obligées de travailler jusqu’à 67 ans pour avoir droit... à ne pas avoir la pénalité de la décote. Il faudra le dire à un certain nombre de gens qui ont des carrières hachées et qui ont des pensions qui sont faibles. Il faudra le dire aux agriculteurs, aux artisans, et aux indépendants, qui sont largement en dessous des 1000 euros qui sont proposés aujourd’hui dans la réforme. Je trouve qu’il y a quelque chose, de gênant pour moi, à dire que le système du moment fonctionne bien, le système du moment il est très injuste et il fragilise souvent les plus précaires, et donc ce système il vise à améliorer les choses. Alors après...

FREDERIC RIVIÈRE

Mais au moins le système actuel il a une visibilité, on sait à quoi s’en tenir, on peut savoir combien on touchera à la retraite, et aujourd’hui le système est tellement complexe, il va y avoir un mixte entre l’ancien système, le nouveau système, le régime spécial, plus de régime spécial, ce qui fait que certaines personnes ne peuvent absolument pas avoir la moindre idée de ce qu’elles vont toucher.

MARC FESNEAU

Aujourd’hui les gens qui rentrent dans la vie active, pardonnez-moi de vous dire, et qui ont eu déjà deux ou trois caisses, ce n’est pas forcément très visible pour eux. La vérité c’est que la défiance à l’endroit du régime de retraite elle est liée à ça, c’est, un, on ne sait pas dans quel régime on va se trouver, et deux, on ne sait pas si tout ça tient économiquement, si je peux dire. Donc, la visée de cette réforme c’est de donner une perspective d’équilibre et de donner des perspectives claires, de dire à chaque fois qu’on travaille on cotise à des points, il y a un point qui est fixé – je dis d’ailleurs au passage que le Premier ministre a dit que c’est bien les organisations syndicales qui fixeront le point et son évolution, en le fixant, d’ailleurs, en disant que l’horizon c’est de le fixer sur l’augmentation des salaires, ce qui est une avancée réelle, en fait, et on redonne la main aux syndicats. Et donc, l’idée n’est pas simplement de dire il faut changer pour changer, il faut changer parce que le système est injuste. Alors, il n’est pas lisible aujourd’hui, reconnaissons-le, parce que quand vous avez plusieurs...

FREDERIC RIVIÈRE

Quelles sont les injustices majeures du système, est-ce que ce sont les régimes spéciaux ?

MARC FESNEAU

Non, non... d’abord il y a des régimes qui cohabitent entre eux, alors c’est régimes spéciaux, régime général, salariés du privé, salariés du public, mais ils sont injustes dans les deux sens. Au fond il est injuste pour les enseignants, pourquoi ? Parce que, certes, c’est les six derniers mois, on pourrait penser que c’est un avantage comparatif, mais il est injuste aussi...

FREDERIC RIVIÈRE

Oui, retraite calculée sur les six derniers mois de salaire.

MARC FESNEAU

Les six derniers mois de salaire, mais il est injuste pour les enseignants de même nature parce que leur rémunération n’est pas conforme à ce que devrait être la rémunération des enseignants, d’où la proposition qui est faite par le Premier ministre, et par le gouvernement, de faire en sorte qu’on augmente progressivement les salaires des fonctionnaires pour garantir à la fois leurs pensions de retraite, mais en activité ils auront un salaire qui sera plus important, donc ça c’est une injustice. Il est injuste parce qu’il n’est pas normal que des gens soient obligés de travailler jusqu’à 67 ans, alors qu’on nous dit que l’âge légal est de 62 ans, parce que sinon ils ont une décote, c’est 120.000 personnes, en flux par an, qui sont obligées d’aller jusqu’à 67 ans, souvent dans des métiers pénibles, souvent dans des carrières hachées, parce qu’ils n’ont pas les trimestres qui conviennent, ou le nombre d’années pour faire plus simple, et donc ils ont droit à une décote, si je peux dire, jusqu’à 67 ans, ça c’est injuste. Il est injuste aussi de ne pas se poser la question que, ce qui prévalait, au fond, dans les régimes spéciaux – personne n’est à remettre en cause, et les salariés qui sont rentrés dans des entreprises avec ces statuts, ils n’ont pas à être vilipendés, ce n’est pas le sujet – mais peut-être que ce qui avait prévalu à leur régime spécial n’est plus tout à fait d’actualité 70 ou 75 ans plus tard. On peut peut-être légitimement se poser la question de savoir si c’est juste. Il n’est pas juste qu’un transporteur routier ne puisse pas bénéficier de quelque chose de l’ordre d’une pénibilité, qui est celle assurée par certains régimes spéciaux.

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