Jean-Noël Barrot : « Aujourd'hui, le seul obstacle à la paix, c'est Vladimir Poutine »
Le 17 mars 2025, Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères et vice-président du MoDem, était l’invité de Radio J. Dans cet entretien détaillé, il a abordé une série de thèmes internationaux cruciaux, allant de la guerre en Ukraine aux relations transatlantiques, en passant par des problématiques géopolitiques de grande envergure, notamment au Proche-Orient, en Arménie et en République Démocratique du Congo.
Ukraine : « L'Ukraine a fait une concession très importante en acceptant le principe d'un cessez-le-feu »
Jean-Noël Barrot a commencé l'entretien en abordant le sujet central de la guerre en Ukraine. Après plus de 3 ans de conflit, le ministre a réaffirmé la position de la France et de l’Union européenne, selon laquelle la Russie, par son agression injustifiée, est responsable du maintien du conflit.
Aujourd'hui, le seul obstacle à la paix, c'est Vladimir Poutine qui, effectivement, semble réfléchir avant de consentir au principe d'un cessez-le-feu à des conditions qui seraient très certainement inacceptables pour l'Ukraine et pour l'Europe.
Notre ministre a également salué le travail de négociation de Donald Trump, qui a « décidé d'accélérer la fin de cette guerre d'agression » tout en rappelant le soutien européen depuis le début du conflit : « le soutien militaire, le soutien économique, le soutien humanitaire, mais aussi les sanctions ». Sanctions d'ailleurs renforcées dernièrement par l'Union européenne qui a adopté un 16e paquet de sanction et maintenu l'immobilisation d'avoirs publics et privés russes « qui asphyxie l'économie russe et qui se fait au détriment de son propre peuple ».
Dans cette optique, notre vice-président a abordé les menaces de sanctions économiques supplémentaires imposées à la Russie par les États-Unis en cas de refus du cessez-le-feu.
Il faut s'attendre effectivement à ce que, si Vladimir Poutine n'allait pas dans le sens d'une paix juste et durable, qui commence par un cessez-le-feu, alors il s'expose à ce que les États-Unis d'Amérique et Donald Trump prennent à son encontre des sanctions particulièrement lourdes.
Face a cette menace russe sur le continent européen et au changement d'ordre mondial, la France, et plus largement l'Europe, doit « relever significativement notre effort de défense ».
Dans ce moment de désengagement annoncé des États-Unis, il ne faut pas se lamenter, au contraire, il faut voir ça comme une opportunité pour que l'Europe réinvestisse cette alliance [de l’OTAN], qu'elle en prenne le leadership, qu'elle y développe sa vision, ses capacités, pour profiter de toutes les solidarités qui sont rendues possibles par cette alliance au service de la sécurité européenne.
Condamnant toute déstabilisation, menace ou agressivité envers ses voisins, notre ministre de l'Europe et des Affaires étrangères affirme au micro de Radio J qu' « il ne s'agit pas de créer de la peur, [mais] de créer de la lucidité sur l'environnement dans lequel nous sommes, un environnement dans lequel les menaces sont plus nombreuses qu'elles l'étaient auparavant, et notamment les menaces de sécurité ». Il prône ainsi des « choix collectifs », en responsabilité, tout en saluant les initiatives d'analyse des menaces comme l'a fait le Premier ministre et le ministre des Armées avec les groupes parlementaires. Pour sa part, il a « décidé d'engager une tournée des régions pour aller au plus près des Français et pour leur mettre les cartes en main ».
Parce que les affaires étrangères, ce qui se passe au-delà de nos frontières, c'est l'affaire de tous.
Outre-Atlantique : « Les États-Unis restent notre allié principal dans ce combat contre la Russie »
Dans la suite de l’entretien, le ministre a été invité à s’exprimer sur les relations franco-canadiennes, après son déplacement dans le pays pour le G7 la semaine dernière. Il a ainsi affirmé que « le Canada souhaite entretenir des liens de coopération toujours plus étroits avec la France et avec les pays européens en matière de défense comme dans d'autres domaines », en évoquant notamment le sous-marin nucléaire d'attaque français, le Tourville, qui a fait une démonstration lorsqu'il était en escale à Halifax.
Le sous-marin nucléaire d'attaque le Tourville, qui n'est pas encore admis au service actif dans la Marine nationale, qui est en phase de test, est un témoin de l'excellence industrielle de la France.
Une attirance pour l'Union européenne que salue Jean-Noël Barrot, pour qui l'UE « est perçue comme un allié solide et un allié fiable pour le Canada ».
Que l'on regarde sur le flanc Est, que l'on regarde cette fois-ci outre-Atlantique [Canada], on voit à quel point l'Union européenne, qui est un projet de démocratie, de liberté et d'état de droit, est attractive.
Toutefois, notre vice-président a également mis en lumière certaines divergences sur des questions commerciales, notamment avec les États-Unis qui menacent de taxer certains produits français, le vin et le champagne, de 200% de droits de douane. Il a donc rappelé « que personne n'a intérêt à entrer en guerre commerciale contre l'Union européenne », forte de son épargne, de son marché économique, de ses consommateurs ou encore de ses chercheurs.
Notre ministre a également rappelé que l'UE s'est dotée « d'instruments anti-coercition qui permettent à l'Europe, qui a la responsabilité des négociations commerciales, d'activer beaucoup plus de leviers pour défendre ces intérêts ».
International : « Il n’y a pas d’avenir pour Gaza avec le Hamas »
L’une des parties les plus importantes de l’entretien a été la discussion sur le Proche-Orient, et en particulier la situation à Gaza. Jean-Noël Barrot a exprimé son inquiétude face à l’escalade de violence entre Israël et le Hamas, tout en réaffirmant l’engagement de la France en faveur d’une solution à deux États. « Il n’y a pas d’avenir pour Gaza sous le régime du Hamas », a-t-il déclaré fermement, tout en appelant au respect du cessez-le-feu rompu depuis 2 mois.
Aujourd'hui, le Hamas ne libère pas les prisonniers. Aujourd'hui, le gouvernement israélien a interrompu l'aide humanitaire, y compris la fourniture d'électricité à la bande de Gaza. Ce qui est essentiel, c'est que les termes qui ont été agréés, grâce notamment à la pression américaine, soient tenus.
Sur la question de l'Iran, notre ministre a rappelé que la France ne tolérerait jamais qu’un Iran nucléaire menace la sécurité mondiale, et tout particulièrement la France et l'Europe. « Une telle situation serait inacceptable », a-t-il insisté, appelant la communauté internationale à intensifier ses efforts diplomatiques pour « un retour en arrière très significatif et très tangible de l'Iran sur son programme nucléaire et sur son programme balistique ». Il a également mentionné l'opération européenne, appuyée par des partenaires dans la région, pour « faire échec aux agressions répétées des Houthis sur les navires de commerce ».
Les Houthis, groupe islamiste radical soutenu par l'Iran, perturbe gravement la circulation maritime dans la mer Rouge, à proximité du canal de Suez, qui est un carrefour maritime majeur, mais qui pose aussi des menaces pour Israël et pour les pays du Golfe, puisque ce sont des missiles et de très nombreuses roquettes qui ont été tirées par les Houthis sur Israël.
Concernant la Syrie, Jean-Noël Barrot a souligné que « la sécurité des Françaises et des Français » se jouait dans ce pays, en rappelant qu' « il y a dix ans, c'est depuis la Syrie que les attentats de Daesh ont été fomentés ».
Si nous détournons le regard, si nous mettons la tête dans le sable, nous manquons à notre premier devoir devant les Français, c'est celui de lutter sans relâche contre le terrorisme où qu'il se situe, en allant le déraciner.
Sur l'Arménie, notre ministre a salué l’accord de paix signé entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, même si des défis demeurent. Il a réaffirmé l’engagement de la France dans la préservation de la paix et de la stabilité dans la région du Caucase.
La France se tient aux côtés de l'Arménie dans tous les domaines, économiques, coopération en matière de sécurité également, et nous allons continuer à le faire.
Enfin, Jean-Noël Barrot a évoqué la situation en République Démocratique du Congo. Il a commenté les tensions dans l’est du pays, notamment les violences commises par le groupes rebelle M23, tout en rappelant que la crise humanitaire qui frappe le pays est « l'une des plus graves aujourd'hui dans le monde avec 7 millions de personnes déplacées, dont 1 million depuis le début de cette année, des milliers de personnes civiles et innocentes qui ont perdu la vie ».
Le groupe rebelle M23 doit cesser son offensive qui menace d'embraser la région tout entière. Et l'armée rwandaise doit se replier et cesser de violer l'intégrité territoriale et la souveraineté du Congo.
LFI : « Cette affiche est une faute morale et politique »
Sur un sujet plus national, notre vice-président a été interrogé sur l'affiche polémique de La France Insoumise, qui a défiguré des personnalités politiques à travers des deepfakes. Jean-Noël Barrot n’a pas caché son indignation face à cet incident, le qualifiant de « faute morale et juridique ». Il a insisté sur le fait que la diffusion de telles images truquées n’est pas seulement une « instrumentalisation des codes antisémites les plus nauséabonds » à des fins politiques, mais c'est aussi « dégradant et cela appauvrit notre débat politique ».
LFI est par construction le parti de l'alliance bolivarienne et se trouve systématiquement du mauvais côté de l'histoire.