Christophe Grudler : « L’UE se prépare à attirer des chercheurs venus des États-Unis »

Christophe Grudler, député européen membre de la commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie, a répondu aux questions de Décideurs Magazine ce lundi 17 mars 2025.
Le second mandat de Donald Trump se caractérise par des attaques inédites contre les scientifiques et le monde universitaire. Êtes-vous surpris ?
J’ai tiqué lorsque Robert Kennedy, antivax notoire, a été nommé secrétaire à la Santé. Mais je n’aurais jamais pu penser que les choses iraient aussi loin dans le dogme : interdiction d’utiliser certains termes académiques sous peine de perdre des subventions fédérales, attaques contre la clean tech, suppression de financement aux universités qui n’acceptent pas les nouvelles normes, coupes inédites dans la Nasa et la recherche publique… La situation est assez étrange.
C’est un mélange de libertarianisme qui voit l’investissement public comme mauvais et de "lyssenkisme", procédé soviétique qui vise à subordonner la science à l’idéologie.
Face à cette situation, l’UE se mobilise et vient de lancer le programme "Choose Europe", dont vous êtes l’une des chevilles ouvrières. En quoi consiste-t-il ?
L’UE se prépare à attirer des chercheurs venus des États-Unis, peu importe leur nationalité, pour qu’ils puissent travailler sereinement dans des universités ou des laboratoires publics. Pour le moment, nous avons débloqué en urgence 22,5 millions d’euros début mars. C’est très peu puisqu’un chercheur "coûte" entre 300 000 et 1 million d’euros. Mais la commissaire européenne à la recherche et l’innovation, Ekaterina Zakharieva, et ses équipes sont à pied d’œuvre pour accélérer.
Comment ?
En abondant les fonds communautaires par des fonds privés, en mettant en place un guichet unique pour répondre aux questions des chercheurs, les orienter vers la structure la plus adaptée pour eux. Fin 2025, ils pourront également bénéficier de procédures simplifiées d’obtention de visa.
Pour être vraiment efficace, il est nécessaire d’avoir de la volonté politique et de l’argent.
(...)
Quid de la volonté politique ? Quelle est la position des gouvernements nationaux et des partis politiques du Parlement européen sur le sujet ?
Reconnaissons un mérite aux attaques de Donald Trump contre la science, elles font l’unanimité… contre elles !
À l’échelle européenne, il y a un vrai consensus, nos initiatives sont soutenues, les institutions communautaires et les gouvernements sont unanimes pour accélérer.
Le principal obstacle étant la difficulté à trouver des compromis, nos mesures pour attirer les scientifiques en Europe peuvent être déployées rapidement et massivement.
Quel serait le principal obstacle ?
Les États-Unis eux-mêmes. Donald Trump est inconstant, peut changer très vite d’avis ou tenir des paroles qui ne sont pas suivies d’actes. Si la politique actuelle se met en place, les Américains prendront du retard dans les innovations de rupture, n’attireront plus les meilleurs cerveaux.
Une partie des républicains pro-entreprise ou scientifiques risquent de tirer la sonnette d’alarme et de passer à l’offensive dès que le trumpisme montrera ses premiers signes de faiblesse.
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