"Nous allons au combat pour être au second tour"

François_Bayrou-FB

Dans une interview au journal Le Parisien, le 27 novembre, François Bayrou est revenu sur les raisons de sa candidature et a renvoyé dos à dos Nicolas Sarkozy et François Hollande. Le premier pour ses "échecs et insuffisances", le second pour son "programme lesté de mesures irréalisables".


Vous voilà donc candidat… 

La France a un besoin vital de trouver une démarche politique nouvelle. J’entrerai en campagne par un message aux Français entre le 5 et le 8 décembre à Paris et je tiendrai un meeting festif, chez moi, à Pau le week-end suivant. Autour de moi, des personnalités d’horizons différents se retrouvent, d’autres qui s’étaient éloignées reviennent. Nous allons au combat pour être au second tour et l’emporter, sans manœuvres, ni compromissions.

C’est la troisième fois. Comment vous renouveler ? 

Les choses sont plus claires aujourd’hui. Tout le monde sait que, pour nous, l’indépendance n’est pas un vain mot : le centre existe par lui-même, il peut s’adresser à tous les Français, pas seulement à un camp. Ensuite, la situation du pays montre que j’avais raison en 2007 en avertissant du drame qui se préparait à coups de déficit et de dettes accumulées. Enfin, tout le monde sent qu’il va falloir, pour en sortir, trouver une nouvelle approche politique et accepter, pour gouverner la France en cette période exceptionnelle, un esprit d’union nationale. Je pense être le seul à porter légitimement une telle démarche devant les Français.

Vous visez Hervé Morin, qui déclare aujourd’hui sa candidature ? 

Le président de son groupe à l’Assemblée (NDLR : Yvan Lachaud) a déclaré que son parti avait choisi la réélection de… Nicolas Sarkozy! Tout est dit.

Etre au second tour, n’est-ce pas irréaliste ? 

Les candidats UMP et PS sont favoris, mais correspondent-ils à ce que les Français attendent d’un président? Cela, c’est la campagne qui le dira…

Sarkozy et Hollande sont-ils vos principaux adversaires ? 

Ils ne correspondent, ni l’un ni l’autre, aux exigences de l’heure : Nicolas Sarkozy a fait marche arrière sur toutes ses décisions. C’est donc qu’il s’était trompé sur l’essentiel. Y a-t-il un seul Français qui puisse dire que sur un seul sujet la situation du pays depuis cinq ans s’est améliorée? Même sur les thèmes qu’il avait mis en avant : pouvoir d’achat, croissance, sécurité, immigration, il n’y a eu aucun progrès, au contraire. Il n’a jamais voulu concilier effort et justice. Le climat de confrontation violente qu’il a fait régner est très malsain. De l’autre côté, François Hollande s’est mis deux boulets au pied. D’abord en votant le projet insoutenable du PS : ni les 300000 emplois jeunes, ni l’allocation pour étudiants, ni les 60000 postes dans l’Education, ni le retour à la retraite à 60 ans ne seront possibles. Ensuite, en engageant sur l’avenir du pays une négociation d’appareil avec les Verts, qui, dans sa forme, met à mal la démocratie directe de l’élection présidentielle et qui est sur le fond déraisonnable.

Que voulez-vous dire ? 

Décréter sur un coin de table le nombre de réacteurs nucléaires qu’on va fermer d’ici 2025 est insensé. Car, ou il y a danger majeur et on ferme tout. Ou ce n’est pas le cas, et on prend le temps de réfléchir. Y ajouter, sans le dire à personne, l’engagement de supprimer le droit de veto au Conseil de sécurité des Nations unies, c’est encore plus grave. Car là est le signe que la France est une puissance morale qui par sa seule voix peut empêcher qu’une action injuste soit protégée par le droit international. C’est grâce à ce droit que Chirac a pu s’opposer à ce que la guerre en Irak soit une action de l’ONU qui nous aurait engagés. Nous portons ce veto non seulement pour nos intérêts nationaux, mais en protecteurs de la démocratie dans le monde.

Quel est votre plan antidette ? 

D’abord, s’attaquer aux causes. Pourquoi empruntons-nous pour boucler nos fins de mois? La raison en est que la France ne produit plus sur son sol de quoi satisfaire ses besoins. 75 Mds€ s’en vont chaque année soutenir les économies voisines, affaiblissant ainsi l’emploi et le pouvoir d’achat. Produire de nouveau en France et y consacrer toutes nos énergies, voilà le seul chemin pour en sortir.

Avec la même monnaie, pourquoi les Allemands s’en tirent-ils mieux ? 

Ils continuent à produire haut de gamme. La bataille ne peut être gagnée qu’en retrouvant la force de la marque France.

Perdre le triple A serait-il si grave ? 

Poser la question, c’est la preuve que tout le monde s’habitue à cette issue! La sanction de nos déséquilibres est inéluctable. En 2005, la France et l’Allemagne ont décidé de ne plus respecter le pacte de stabilité. Chirac était alors président et Sarkozy ministre de l’Economie. Le péché originel est là! On en paie le prix aujourd’hui.

Vous en appelez à une nouvelle démarche politique ? Laquelle ? 

Il faut un gouvernement dont l’esprit soit d’union nationale. Les forces politiques qui se sont succédé au pouvoir devront accepter de regarder la situation avec lucidité et prendre, sans renier ce qu’elles sont, leur part de l’effort de redressement.

Un gouvernement d’experts comme en Italie ? 

Je ne crois pas aux gouvernements d’experts. Un gouvernement doit avoir une légitimité confiée par les citoyens.

Les politiques ont-ils baissé les bras face aux marchés ? 

Les marchés ne font que sanctionner l’incurie des politiques. Ce sont les Etats qui ont décidé de dépenser plus qu’ils ne le pouvaient. Leur responsabilité est entière.

Faut-il autoriser la Commission européenne à superviser les budgets des Etats ? 

Les peuples n’accepteront jamais que des personnalités non élues s’instaurent en décideurs depuis Bruxelles. Mais on doit et on peut accepter une coresponsabilité.

Les positions prises à Strasbourg par Merkel et Sarkozy vont-elles dans le bon sens ? 

Refuser de mettre au point un mécanisme de sécurité pour la dette des Etats de la zone euro est une imprudence qui se paiera au prix fort. L’Europe aurait dû apparaître comme une place forte. Là, on attend que le feu ait envahi la maison! Si j’avais été en situation de responsabilité, jamais je n’aurais accepté que le FMI soit appelé en Europe. Et on s’est doublement humilié en appelant la Chine à l’aide et en essuyant son refus.

Faut-il accorder le droit de vote aux étrangers pour les élections locales ? 

J’y suis favorable lorsqu’ils sont là depuis dix ans, en situation régulière, paient leurs impôts. Un citoyen roumain présent en France depuis six mois, sans implantation, peut voter pour le maire, alors qu’un citoyen marocain travaillant chez nous depuis trente ans ne peut pas. Est-ce logique ?

 

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