"Ce qui est certain c'est que face à la misère, face à la précarité d'une partie de la population, d'où qu'elle vienne, la réponse de notre pays doit être la protection."

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Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la Jeunesse et de l'Engagement, était l'invitée du "Petit déjeuner politique" animé par Cécile de Ménibus et Patrick Roger sur Sud Radio ce matin. Interview. 

Cécile de Ménibus : « C'est le petit déjeuner politique » de Sarah El Haïry qui est secrétaire d'Etat chargée et de la Jeunesse et de l'Engagement.

Patrick Roger : Bonjour Sarah El Haïry.

Sarah El Haïry : Bonjour.

Patrick Roger : Avant de parler du confinement, votre réaction sur l'intervention hier soir des forces de l'ordre pour déloger des migrants qui voulaient s'installer Place de la République à Paris. Il y a des images assez fortes, est-ce que vous êtes choquée ?

Sarah El Haïry : Vous savez, nous sommes dans un pays où c'est un Etat de droit, et évidemment je comprends la décision de l'évacuation, et en même temps je suis tout-à-fait dans la suite logique des propos de Gérald Darmanin, il faut une mise en lumière et le ministre de l'Intérieur a évidemment diligenté une enquête pour comprendre et je crois que les informations nous arriveront au plus tard à midi, pour comprendre, pour illustrer, parce que les images, effectivement, elles sont bousculantes.

Patrick Roger : Oui, elles sont choquantes, bousculantes comme vous dites.

Sarah El Haïry : Alors il faut comprendre simplement, par contre l'Etat de droit, ça protège tout le monde, ça protège ceux qui font l'action et également finalement ceux qui doivent la respecter tout simplement.

Patrick Roger : Et sur l'action, vous estimez qu'il y a eu de la provocation avec cette installation de camps de migrants Place de la République ?

Sarah El Haïry : Je crois que dans le moment où on est ce matin, il est inutile de rajouter du flou au flou. On va avoir suffisamment d'informations d'ici midi. Ce qui est certain, c'est qu’il y a la décision de l'évacuation, et son exécution, et on aura toutes les informations nécessaires dans les heures qui arrivent.

Patrick Roger : Oui, quoi qu'il en soit c'est un vrai sujet de préoccupation, les camps de migrants notamment au Nord de la capitale, un peu partout en France et beaucoup au Nord de Paris.

Sarah El Haïry : Bien sûr, c'est une préoccupation, mais pour deux raisons, la première c'est évidemment comment on accompagne des personnes qui sont en grande précarité et comment on les met à l'abri. Nous sommes, on est à la veille de l'hiver et évidemment il faut accompagner l'ensemble des personnes qui en ont besoin, nous sommes la France et c'est notre tradition et c'est notre devoir, et en même temps il y a des règles, il y a un Etat de droit, et ces règles elles sont faites pour être respectées.

Patrick Roger : Vous voulez dire que certains instrumentalisent un petit peu ça ? Certains partis politiques, certaines associations ?

Sarah El Haïry : Ce qui est certain c'est que face à la misère, face à la précarité d'une partie de la population, d'où qu'elle vienne, la réponse de notre pays doit être la protection. Ensuite, chacun a sa conscience pour lui.

Patrick Roger : Sarah El Haïry, Emmanuel Macron s'enferme ce matin avec son Conseil de défense pour trancher avant les annonces de ce soir. Quelle est la tendance ? On se dirige donc vers un assouplissement progressif des mesures sanitaires, c'est ça ?

Sarah El Haïry : En fait, le cap n'a pas changé, ça c'est certain, c'est : on teste, on trace, on isole, ça c'est le cap. Le cap reste le même. Maintenant, on l'a dit depuis le début, on pilote d'une certaine manière avec des paliers, avec l'évolution de la courbe, avec l'évolution de la circulation du virus. Aujourd'hui, ce qui nous arrive potentiellement, c'est trois temps. Trois temps, un temps d'allégement et puis une adaptation, avec… surtout en fait c'est en parallèle de cette courbe, c'est vraiment ça, c'est le pilotage ? Ce qui est certain, c'est que, oui, nous continuerons à vivre avec le virus, tant que nous n'avons pas de vaccin. Et oui, il faut adapter nos règles, et une règle est faite certes pour être acceptée, ce n'est pas toujours facile, ce n'est jamais pour embêter, mais il faut le faire.

Patrick Roger : Parfois ça peut sembler incohérent, ça, vous le comprenez, les petits commerces notamment mais aussi d'autres professions qui ne peuvent plus travailler, qui se disent : « on est en train de nous tuer ».

Sarah El Haïry : La première des cohérences, le premier des objectifs, c'est la protection sanitaire. La guerre, elle est d'abord sanitaire. Et donc ce n'est jamais agréable de dire à quelqu'un : tu ouvres ou tu n’ouvres pas. Mais une règle, de fait, elle exclut une partie. Et la priorité, mais vraiment de toute l'équipe gouvernementale, c'est de protéger la santé des Français, et surtout d'accepter de s'adapter, c'est ce que nous faisons au quotidien, en fonction de l'évolution de cette courbe, je veux dire, du nombre de contaminations, de la situation dans nos hôpitaux, et ça c'est toute une équipe gouvernementale qui est au travail.

Patrick Roger : Oui. Sarah El Haïry, vous avez évoqué le dépistage. Est-ce qu'il ne faudrait pas aller plus loin justement aussi dans les tests, avoir une grande politique de dépistage ? Parce qu’on a l'impression que c'est un peu chaotique avant les fêtes de fin d'année.

Sarah El Haïry : Je vous assure, il y a la perception et la préparation, et aujourd'hui plus que jamais les tests sont diffusés, ils sont accessibles, nous avons les évolutions, en plus les nouvelles générations de tests qui sont beaucoup plus rapides, on a des tests au sein des établissements scolaires, nous avons des tests aujourd'hui très largement diffusés. La priorité, et je crois vraiment pour sortir de cette période de crise qui nous bouscule tous, enfin, franchement, c'est le quotidien, il faut que chacun aide à sortir de cette crise sanitaire, et pour y aider on peut tous être acteurs. C'est évidemment les gestes barrières, c'est évidemment la distanciation sociale, c'est évidemment la protection qu'on fait pour soi et pour les autres. Et si on s'y met tous, comme nous le faisons, oui c'est long et oui ça demande énormément d'efforts, alors on s'en sortira.

Patrick Roger : Sarah El Haïry, vous vous occupez de la Jeunesse et de l'Engagement, secrétaire d'Etat, il y a bien une catégorie de la population qui est aussi un peu « victime » de cette crise sanitaire, indépendamment de la maladie, ce sont les jeunes. Ils ont besoin de perspectives aujourd'hui, parce qu'il n’y a plus de cours à l'université, il n’y a plus de soirée en fait entre amis, ça vous le comprenez, qu'est-ce qu'on peut leur répondre justement à ces jeunes ?

Sarah El Haïry : Moi, ces jeunes, je leur tire mon chapeau. En fait, moi je suis hyper fière de notre jeunesse, parce que, en fait je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites « ils sont victimes ». Notre pays entier, quel que soit l'âge, est bousculé, ça nous demande des évolutions, des efforts. Par contre, pour nos jeunes, eh bien eux ils se mobilisent en fait face à cette crise. Moi je les ai vus à Rouen, je les ai vus à Guéret, je les ai vus, enfin je les ai vus trouver des solutions à cette crise. C'est cette génération, c'est une génération solidaire, c'est une génération en fait qui ne courbe pas l’échine…

Patrick Roger : Trouver des solutions comment, alors ?

Sarah El Haïry : Ah, mais trouver des solutions en s'appuyant sur ce que nous faisons. Plus que jamais le gouvernement est au rendez-vous de notre jeunesse. C'est 6,5 milliards, c'est plus de 6,5 milliards, en fait c'est 6,7 milliards, avec le Plan un jeune une solution, mais ce n'est pas que ça. Fondamentalement, oui c'est dur, parce que c'est un âge où on a envie de faire beaucoup de choses, où c'est un âge où on a plein d’énergie…

Patrick Roger : On a envie de sortir, on a envie en fait de lancer des projets…

Sarah El Haïry : Mais évidemment ! …

Patrick Roger : … Et là on est confiné, on ne peut pas sortir ou moins en tout cas.

Sarah El Haïry : Oui, mais on fait plein d'autres choses, et on fait plein d’autres choses comment ? On réinvente notre manière d'aider les grands-parents, on invente des manières d'aider le copain de la cité universitaire qui lui effectivement est en galère, on accompagne ceux qui ne savent pas utiliser un ordinateur, alors que c'est le camarade de dessous. Eh bien c'est ça cette génération solidaire, et cette génération qui face à une difficulté, qui les bouscule, comme toutes les générations dans notre pays, eux plus peut-être un tout petit peu, parce que c'est la page où on bouillonne, on bouillonne, eh bien eux ils trouvent des solutions, ils nous challengent et en réalité, moi j’ai envie de vous dire…

Patrick Roger : Vous démentez le fait que ce soit une génération sacrifiée, comme le disent certains.

Sarah El Haïry : Oui, mais totalement, absolument ! Ce n'est pas une génération sacrifiée, parce qu'une génération sacrifiée c'est une génération morte, qui ne fait plus rien, et vous avez 6,5 milliards d'euros injectés rien que pour eux, parce que nous avons confiance en eux, parce qu'ils ont en eux la capacité. En fait, cette génération c'est la génération des solutions, c'est cette génération qui va nous aider à passer ce cap de cette crise sanitaire. Et non, elle n'est pas sacrifiée, au contraire.

Patrick Roger : Alors, Sarah El Haïry, il y a quand même aussi un autre défi, non seulement cette crise sanitaire, mais également les valeurs, en fait, de la République. Vous, vous faites un tour de France, où il y a eu une rencontre qui a fait un petit peu parler à Poitiers le mois dernier, vous étiez justement face à ces jeunes, et certains ne se reconnaissent pas forcément dans les valeurs républicaines et de la laïcité. Quel discours vous pouvez leur faire entendre ? Sachant qu’ils ont du mal quand même à vous écouter parfois.

Sarah El Haïry : Effectivement, notre jeunesse, elle est différente d'un territoire à l'autre, d'un âge à l'autre, et plus que jamais nous avons le devoir de les protéger. Comment on fait ça ? On les protège d'abord en vérifiant, en accompagnant ceux qui les encadrent. Ça c'est la première étape. On les protège également et on leur donne les outils d'être des acteurs de notre République, ça va vous paraître tout simple, mais en posant des mots clairs sur des principes clairs, des principes qui nous régissent, c’est les principes républicains. On réexplique à l'école et en dehors de l'école, et on fait que les maillons de la chaîne de transmission portent le même discours. Ce discours c’est lequel ? Nous sommes dans un pays, nous sommes dans une République qui protège. Les valeurs républicaines, c'est ce qui te permet de vivre ensemble, c'est ce qui te permet en réalité, eh bien, de croire ou de ne pas croire si on parle de la laïcité, de pouvoir pratiquer ta foi avec toute la protection, et en même temps, de protéger celui qui ne croit pas, et c'est ce qui permet à notre pays de vivre en concorde.

Patrick Roger : Oui, mais tous les jeunes de notre pays ne l'entendent pas comme ça. Vous l'avez vu, vous l'avez constaté en fait vous-même, donc est-ce que c'est encore rattrapable ça ?

Sarah El Haïry : Totalement. C'est totalement rattrapable et c'est même notre devoir. C'est notre devoir. Et comment on le fait ? On le fait en renforçant, parce que la première étape c'est l'école, en renforçant l'éducation civique et morale à l'école, en renforçant la formation et le soutien des enseignants sur les questions des valeurs de la République, en levant le tabou, en arrêtant de mettre sous le tapis quand il y a des incompréhensions, en arrêtant le relativisme…

Patrick Roger : Ce qu’on a beaucoup fait ces dernières années, que l’on fait encore visiblement.

Sarah El Haïry : Et c'est pour ça qu'il faut le regarder en face, et le regarder en face c'est avoir finalement confiance en l'avenir, c'est avoir confiance dans notre capacité à renforcer un vivre ensemble, parce que, vous savez, la République et l'école c'est quoi dans le fond ? C'est ce qui te permet de t’émanciper, c'est ce qui te permet de ne pas être condamné à vivre simplement en fonction de la famille dans laquelle tu es né. C’est ça le rêve français, c'est ça la République.

Patrick Roger : Dans le projet de loi confortant les principes républicains, qui sera présenté dans quelques jours, certaines associations vont être visées, parce que certaines sont vraiment noyautées par le communautarisme ?

Sarah El Haïry : Ah, mais il ne faut pas… L'angélisme, il n’a jamais protégé personne. Donc oui il y a des problèmes aujourd'hui dans notre pays, même si 99 % des associations vont dans le bon sens, et évidemment c'est des solutions, parce que c'est elles qui animent le lien social sur nos territoires, c'est elles qui accompagnent les plus précaires, c’est elles qui font des très belles choses, comme devoirs faits. Elles font partie de ces acteurs qui émancipent. Il y en a d'autres qui effectivement, eh bien, sont dans un relativisme. Et moi, ma responsabilité avec le ministre de l'Intérieur, mais également avec Marlène Schiappa, c'est de travailler à ce que l'on réussisse à finalement encadrer le tout, à peut-être demander plus de…

Patrick Roger : Dissolution de certaines, peut-être, il faut aller jusque-là ?

Sarah El Haïry : Nous avons déjà commencé. Nous avons commencé quand elles dérogent aux règles de la République. Je ne vais pas les re-citer, mais le Conseil des ministres a évidemment commencé à dissoudre, mais avant d'arriver à la dissolution, nous avons besoin d'un arsenal législatif plus fort encore, pour être encore plus dans l'action. Mais être dans l'action, ça s'accompagne dès le début. A l'école, le projet républicain, avec Jean-Michel Blanquer entre autres, nos enseignants et les associations qui interviennent pour encadrer nos enfants, et là il faut que ce soit le même discours. Pour ça, deux éléments : la formation et l'encadrement. Et de l'autre côté, plus largement pour toutes les associations, c'est un contrat d'engagement républicain.

Patrick Roger : Question Sarah El Haïry avec Cécile De Ménibus. Cécile.

Cécile de Ménibus : On le sait, les Français se détournent des urnes, la jeunesse a un taux d'abstention de 60 %. Est-ce qu'il faut rendre le vote obligatoire ?

Sarah El Haïry : A titre personnel, je ne me suis jamais interdit l'idée d'un vote obligatoire, par contre le pendant c’est évidemment la prise en considération du vote blanc. Moi je me souviens, même c'était ici, pendant les grands débats des Gilets jaunes, on se posait cette question de l'abstention. Je pense qu'il ne faut pas se résigner. Tout ce qui permettra de baisser l'abstention, tout ce qui permettra de conforter la confiance dans le vote, dans le fait de s'exprimer dans les urnes et pas ailleurs, eh bien sera bénéfique. Après, quelle méthodologie, quelles règles et contraintes, je crois que ça s'étudie.

Cécile de Ménibus : Est-ce qu’il y a un risque pour la démocratie, si personne ne vote ? Forcément.

Sarah El Haïry : Evidemment. Evidemment. Les démocraties c'est quelque chose de fragile, ça ne tient que par un pacte, et ce pacte, encore une fois, il ne faut pas considérer que c'est un acquis. Oui les démocraties sont bousculées, et elles sont encore plus bousculées dans des périodes où on a une crise sociale, une crise sanitaire, voire une crise économique, parce qu'on remet en question la légitimité même de celui qui a été élu. Et donc comment on fait pour avoir la plus grande des légitimités et finalement embarquer le plus de monde ? C’est d'accepter de travailler plus largement dans le cadre de conventions, de plus de citoyenneté, mais c'est aussi protéger en réalité, comment dire, la démocratie représentative, celle qui te donne, celle qui par le suffrage universel permet, délègue la prise de décision, et pour ça, plus le vote est important, plus nos assemblées sont représentatives de la réalité politique de notre pays, plus ce lien de confiance est important. Donc moi, tout ce qui va dans ce sens, tout ce qui va sur la lutte contre l'abstention par le vote obligatoire, par le fait de comptabiliser le vote blanc, par ce qui va à un moment ou à un autre permettre des grandes consultations, je crois qu’il faut l'étudier, le stimuler, je ne je ne me satisferai jamais de voir qu’entre 18 et 25 ans, on est entre 60 voire des fois même 70 % en fonction des scrutins, d'abstentions. C'est finalement accepté que quelqu'un d'autre décide pour toi, c'est réellement ça ,en fait.

Patrick Roger : Merci Sarah El Haïry, secrétaire d'Etat chargée de la Jeunesse et de l'engagement, d'avoir été l'invitée du « Petit déjeuner », ce matin sur Sud Radio. Mais ce n'est pas fini, vous allez rester avec nous, parce qu'il y a beaucoup de questions à se poser, notamment sur ce que vous venez d'aborder, des questions, en fait, tabous, sans tabou justement, les défis de la jeunesse, exceptionnellement vous serez avec nous tout à l'heure.

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