"Un responsable politique français ne peut dépendre d'un pays étranger"
François Bayrou a appelé mercredi Nicolas Sarkozy à "s'interroger" avant d'éventuellement s'engager dans la gestion d'un fonds qatari, estimant, au nom de la "morale d'Etat", qu'un "responsable politique" de son rang et avec ses ambitions, ne peut "dépendre d'un pays étranger".
Selon le Financial Times, l'ancien président français aurait été sollicité par le Qatar pour prendre la tête d'un fonds souverain de 500 millions d'euros destiné à des investissements dans des pays émergents. L'entourage de Nicolas Sarkozy n'a ni confirmé ni démenti cette information expliquant simplement que l'ancien chef de l'Etat "reçoit régulièrement des propositions, mais ne s'est engagé dans aucune".
Patrick Cohen - La page Nicolas Sarkozy est-elle à vos yeux définitivement tournée au moment où une partie de la classe politique et des commentateurs s’agitent autour de l’éventualité de son retour en politique ? Nous apprenons qu’il a été sollicité par le Qatar pour la création d’un fonds d’investissement, qu’est-ce que cela vous inspire ?
François Bayrou - Ce sont deux questions différentes. Je n'ai jamais pensé que Sarkozy avait quitté la politique, parce qu’il a le virus et il a cet engagement. Je sais qu’on ne perd pas si facilement le virus. Deuxièmement, sur cette affaire de prendre la tête d'un fonds souverain de 500 millions d’euros donnés par le Qatar, je m'exprime avec prudence. Mais quelqu'un qui a exercé les responsabilités qui ont été celles de Nicolas Sarkozy et qu’il vise à continuer à exercer encore selon moi, ce n'est pas dans la gestion d’un fonds souverain et dans les questions d’argent qu’il peut s’investir. Surtout quand il devient par ce mécanisme l’obligé d’un pays étranger qui a une stratégie d’Etat, d’implantation en France et peut-être en Europe par la France. Et que d’autre part ce pays est lié à des mouvements fondamentalistes dans le monde. Je pense qu’il faut le dire avec beaucoup de responsabilité. Il y a là une question qui est une question devant laquelle Sarkozy en raison des fonctions qu'il a exercées et de sa place au Conseil Constitutionnel devrait à mon avis s'interroger avec beaucoup de points d'interrogations.
Moralement, serait-ce condamnable à vos yeux ?
Ce n'est pas de morale individuelle qu'il s'agit, c’est de la morale d’Etat. C'est de la responsabilité civique de chacun de ceux qui sont investis dans les affaires publiques. Quand on est un responsable français, on ne peut pas être dépendant d'un pays étranger. Je l'avais dit au moment où M. Schröder est devenu le fondé de pouvoir de Gazprom, la grande industrie du gaz dépendant du gouvernement russe, mais au moins avait-il quitté la politique quand il l’a fait. Je trouve que personne ne le dit et que peu de voix s'expriment sur le sujet. Mais c'est une grande question civique et nationale.