Bruno Millienne : "On a bien vu avec la crise des gilets jaunes que le fait d’imposer de nouvelles contraintes environnementales sans la pédagogie et la préparation nécessaire pouvaient conduire, dans nos sociétés démocratiques, à de graves conflits."

Bruno_Millienne-BM

Le député des Yvelines et membre de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, Bruno Millienne, a écrit une tribune pour lutter contre la pollution de l’air. Présentation des grands enjeux et problématiques causés par ce phénomène avec le député. 

Quels sont les problèmes posés par la pollution de l’air ? 

Le principal problème posé par la pollution de l’air concerne la santé publique. En effet, selon les études, on considère que celle-ci est responsable de 40 000 à près de 100 000 morts prématurées en France chaque année. Cependant, pour que chacun comprenne bien le sujet de la pollution de l’air, il est important de la dissocier de la lutte contre le réchauffement climatique. En effet, le CO2 ne « pollue » pas l’air. Il n’est pas dangereux pour la santé et n’altère pas directement l’environnement, ce n’est donc pas à proprement parler un « polluant ». Il contribue bien sûr fortement au réchauffement climatique et nous devons à ce titre lutter contre ses émissions mais il faut bien comprendre que si lutte contre le changement climatique et lutte contre la pollution de l’air vont souvent de pair, elles ne s’attaquent pas directement au même fléau.

La pollution de l’air est composée en France de 5 sources principales qui ont chacune des conséquences graves sur notre santé :

  • Les oxydes d’azote émis principalement par les transports routiers et les industries (maladies respiratoires ou cardiovasculaires) ;
  • Les particules fines dont les principaux émetteurs sont là encore les industries et le transport, mais aussi le chauffage au bois ou l’agriculture (développement de cancers, maladies cardiovasculaires et respiratoires, atteinte du développement neurologique de l’enfant, diabète) ;
  • Les composés organiques volatiles issus pour leur majeure partie du chauffage domestique et de l’utilisation de solvants (difficultés respiratoires, cancers, nuisances olfactives) ;
  • Le dioxyde de souffre qui provient essentiellement de l’industrie, notamment chimique (irritations des voies respiratoires) ;
  • Et enfin l’ammoniac issu pour l’essentiel de l’élevage ou de l’utilisation de fertilisants (irritations, voire brûlures oculaires et respiratoires ne forte quantité).

Pourquoi l’écologie punitive ne fonctionne pas, selon vous ? 

La transition écologique ne pourra s’opérer qui si l’on y intègre tout le monde et que chacun, ou du moins l’immense majorité, s’y reconnait et accepte de mener ce combat. Il faut bien prendre conscience que nous sommes tous dans le même bateau, oserais-je dire dans la même galère ? Celle-ci ira toujours plus vite si tout le monde rame dans le même sens à un rythme régulier que si trois rament à toute vitesse devant et que les autres regardent, ou pire, rament en sens inverse. Quant au fouet, très peu pour moi… On a bien vu avec la crise des gilets jaunes que le fait d’imposer de nouvelles contraintes environnementales sans la pédagogie et la préparation nécessaire pouvaient conduire, dans nos sociétés démocratiques, à de graves conflits.

Je prendrais un autre exemple qui a marqué ma région : celui de la fermeture des voies sur berge à Paris. On est ici dans le cas typique d’une bonne mesure qui a raté sa cible du fait du dogmatisme de ceux qui l’ont mise en œuvre. La maire de Paris a en effet décidé seule, en quelques mois, sans véritable enquête publique, de fermer cette voie aux 40 000 usagers qui l’empruntaient chaque jour, pour une grande part banlieusards sans réelle solution alternative. Résultat : aussi bien Airparif que l’Institut des politiques publiques il y a encore quelques jours, ont démontré que cette mesure n’avait eu aucun impact sur la pollution globale puisque celle disparue des quais bas s’était juste reportée sur les quais hauts ou sur les itinéraires de délestage. Madame Hidalgo pensait qu’en punissant les méchants automobilistes, elle les ferait abandonner leurs moyens de locomotion. Faute d’alternative, ceux-ci n’ont finalement eu d’autre choix que d’aller un peu plus engorger des artères déjà bouchées. Il fallait bien sûr rendre les voies sur berge aux Parisiens et aux Franciliens, mais pas comme ça ! Pourquoi avoir voulu mener cette opération en quelques semaines seulement ? Pourquoi l’offre de transport en commun promise sur les quais hauts n’a-t-elle jamais vu le jour ? On est dans le parfait exemple d’une écologie punitive inefficace.

Comment lutter efficacement et conjointement contre ce phénomène ? 

Le premier impératif, c’est de sortir du dogmatisme ! On le voit dans l’exemple précédent, celui-ci n’apporte rien de bon, et particulièrement dans ce combat que l’on doit mener, je le répète, avec tout le monde.

Sur la forme, il faut arrêter les oppositions stériles entre collectivités ou entre les collectivités et l’Etat. Je reprends là encore un exemple francilien mais cela fait 6 ans qu’Anne Hidalgo et Valérie Pécresse se renvoient la balle quant au fait que le bus au niveau de service promis sur les quais hauts rive droite ne voit pas le jour : c’est insupportable pour les citoyens !

Sur le fond, la méthode que nous avons mise en place depuis que nous sommes aux responsabilités, et d’autant plus depuis la crise des gilets jaunes, me semble être la bonne. Qu’il s’agisse de la lutte contre le réchauffement climatique ou de la lutte contre la pollution de l’air, qui sont encore une fois souvent liées, nous mettons un point d’honneur à ne pas imposer de nouvelles contraintes sans proposer un accompagnement afin de ne laisser personne au bord de la route. C’est particulièrement révélateur sur la loi Climat et Résilience qui a été adoptée à l’Assemblée début mai. Lorsque d’un côté nous mettons en place 45 zones à faibles émissions-mobilité (ZFE-m) d’ici 2024 ou encore lorsque nous interdisons la vente des voitures les plus polluantes d’ici 2030, de l’autre nous renforçons le soutien à l’acquisition de véhicules propres (jusqu’à 14 000 € avec les aides de l’État et des collectivités), y compris des vélos électriques, et développons le transport en commun et le covoiturage. Lorsque nous supprimons l’avantage fiscal sur les carburants fossiles des poids-lourds d’ici 2030 et nous interdisons la vente de camion polluants d’ici 2040, de l’autre nous renforçons l’accompagnement à la mise à niveau technologique des véhicules (passage d’un moteur thermique à un moteur propre) et nous élaborons une stratégie de développement du fret ferroviaire. Je pourrais d’ailleurs prendre d’autres exemples…

Quels sont les enjeux environnementaux dans le secteur résidentiel ? 

Ils sont immenses ! Le résidentiel représente 46 % des émissions de composés organiques volatiles, 33 % de celles de particules fines. Même en termes de changement climatique, le secteur résidentiel et tertiaire contribue environ au quart des émissions de gaz à effet de serre en France.

L’enjeu, c’est l’accompagnement des ménages, et notamment les plus modestes, pour la rénovation de leur logement et l’amélioration environnementale de leur source de chauffage. Après un saupoudrage ces dernières années qui a parfois plus bénéficié à des escrocs qu’aux Français, la majorité actuelle a corrigé le tir en réorientant les subventions pour plus d’efficacité, le succès phénoménal de MaPrimRénov’ en est la preuve. Et ce n’est pas fini, la loi Climat et Résilience va permettre de créer un véritable service public d’accompagnement à la rénovation thermique qui permettra notamment d’éviter les arnaques. Nous fixons aussi des objectifs ambitieux afin de rénover les 4,8 millions de passoires thermiques que compte notre pays. Mais là encore, la méthode est la même : pas de contrainte sans aide ! Ainsi, l’interdiction de mise en location des passoires thermiques et l’objectif de diminution de 50% des émissions de particules fines issues du chauffage au bois – premier émetteur en France –  s’accompagnent d’un renforcement des aides pour les ménages, notamment par des prêts garantis par l’État permettant de financer le reste à charge pour les plus modestes d’entre eux. C’est un combat essentiel que je porte depuis longtemps. Nous avons beaucoup progressé, mais je reste convaincu que l’on peut faire encore mieux.

Les actions menées par la France dans le domaine environnemental coïncident-elles avec celles de l’Europe ?

En matière de pollution de l’air, puisque c’est le sujet qui nous intéresse, il est vrai que la France ne remplit pas ses objectifs au regard de la directive européenne sur la qualité de l’air. Elle a d’ailleurs été condamnée pour cela en 2018, avec quelques autres pays européens, par la Cour de Justice de l’Union européenne. Cette condamnation n’est pas une surprise, elle est l’aboutissement de nombreuses mises en demeure (2009, 2010, 2011, 2013, 2015 et 2017) qui n’ont pas été suivies d’effets par les élus alors aux responsabilités.

La majorité dont je fais partie a cette fois-ci pris le problème à bras le corps, notamment grâce à la loi d’orientation sur les mobilités ou à Climat et Résilience. Du fait de l’immobilisme de nos prédécesseurs, il y a aujourd’hui un décalage entre les ambitions européennes et ce que la France a été capable de mettre en œuvre depuis l’entrée en vigueur de la directive sur la qualité de l’air en 2008. L’objectif de notre majorité est de combler ce décalage, en espérant que nous pourrons au plus vite réintégrer le cadre légal européen.

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