Loi AGEC : modifier nos modes de production et de consommation durablement
Jimmy Pahun, député du Morbihan et Membre de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, prend la parole sur la loi "anti-gaspillage pour une économie circulaire" (AGEC) et sur sa mesure en faveur de l'écologie industrielle. Explications.
Quels sont les objectifs de la loi “anti-gaspillage pour une économie circulaire” AGEC ?
La loi vise à accélérer le développement de l’économie circulaire en modifiant profondément nos modes de production et de consommation. Cette loi se décline en 4 orientations :
- Stopper le gaspillage pour préserver nos ressources
- Mobiliser les industriels pour transformer nos modes de production
- Informer pour mieux consommer
- Améliorer la collecte des déchets pour lutter contre les dépôts sauvages
Quelles sont les mesures qui vous ont le plus marquées ?
Ce n’est pas une mesure mais la loi dans sa globalité qui est une véritable avancée avec des objectifs clairs et durables : moins consommer, savoir réparer, avoir un recyclage 100% réutilisable qui doit bénéficier aux entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS).
Dans ce sens, j’ai d’ailleurs fait une proposition qui a été adoptée sur la pollution des mégots. Ainsi, les communes seront aidées financièrement par les producteurs pour nettoyer les mégots, sachant que cela représente environ 2€ par habitant.
Il y aussi des symboles de fond avec par exemple la fin des emballages de fruits à usage unique ou encore la fin des “facturettes”, des tickets de caisse, sachant qu’une caisse de supermarché représente 800 km², aussi long qu’un Paris-Montpellier.
Vous avez également fait adopter une mesure en faveur de l’écologie industrielle. De quoi s’agit-il et en quoi cette loi est-elle bénéfique pour l’environnement et pour les finances des entreprises ?
L’écologie industrielle repose sur une connaissance fine des flux de matières et d’énergie parcourant un territoire. Cette connaissance permet d’établir des synergies inter-entreprises (le déchet devient la ressource de l’autre) et donc une meilleure consommation des ressources à l’échelle d’un territoire. Il s’agit donc d’appliquer les principes de l’économie circulaire à l’industrie. Concrètement, une entreprise peut se chauffer avec la chaleur ultime créée par l’entreprise voisine, une entreprise peut récupérer les matériaux normalement jetés par une autre pour les réutiliser, etc.
Grâce à cela, il est confié aux régions un rôle de coordination des différentes démarches qui fleurissent sur leurs territoires. C’est important de confier cela à une personne publique pour généraliser ces initiatives et mieux les accompagner pour en assurer le succès. La Région est la mieux placée compte tenu de sa compétence en matière de planification économique.
Quels dangers représente le plastique à usage unique pour les océans ?
En 2050, l’Océan comptera davantage de plastiques que de poissons. Notre œil ne perçoit qu’une infime partie de ce gigantesque fléau : les déchets que la mer charrie à sa surface et que les courants déposent sur nos plages. Les nano et micro plastiques constituent l’autre versant de cette pollution. Ces derniers, inférieurs à 5 mm, infestent nos mers à l’échelle du globe sur toute la profondeur de la colonne d’eau. Ils sont soit issus de l’utilisation de certains produits cosmétiques, de peintures ou d’engrais, soit de la dégradation de macroplastiques rejetés dans l’environnement.
Le plastique détruit des écosystèmes, forme des « radeaux » pour les bactéries, et finalement dégrade la capacité de l’Océan à réguler le climat.
Nettoyer l'océan de ses plastiques est illusoire. Les solutions à notre portée sont, elles, à terre. Elles consistent principalement en la réduction de la production et de la consommation de plastiques.
Comment les entreprises vont-elles être mises à contribution pour recycler et réutiliser leurs invendus non-alimentaires ?
C’est une des dispositions phares de la loi. Elle vise à réemployer, réutiliser ou recycler les produits non-alimentaires invendus comme les produits électroniques, les vêtements, les meubles, etc. Ils devront faire l'objet, en priorité, d'un don à des associations caritatives. On voit ici le lien fort entre l’économie circulaire et l’économie sociale et solidaire. Si ces dispositions ne sont pas respectées, la loi prévoit une amende pouvant aller jusqu'à 15 000 € par manquement.
L’effet dissuasif/monétaire est-il le seul levier pour faire agir les entreprises polluantes ?
La réglementation doit être stricte quand nécessaire et s’accompagner de sanctions pour en garantir l’effectivité. Il ne faut pas avoir peur de prononcer des interdictions quand aucune entreprise n’est prête à faire le premier pas en raison du contexte très concurrentiel dans lequel elles évoluent.
Je pense par exemple à l’usage du polystyrène dans les emballages ménagers alimentaires. On sait que ce plastique est toxique et ne recycle pas mais encore trop d’industriels refusent de s’en séparer.
Les entreprises vertueuses doivent aussi être récompensées quand on sait la difficulté parfois de changer son modèle de production.
Les habitudes des consommateurs évoluent également et forcent le changement. Ces évolutions sont plus lentes mais réellement profondes. Il revient au législateur de les entendre et d’y répondre.
Quelles doivent être à présent les prochaines étapes pour améliorer encore l’économie circulaire ?
La plus grande étape sera d’essayer de mettre fin au plastique que l’on ne sait pas recycler comme le polystyrène. Il faut être vigilant et parvenir à trouver des solutions pour avoir des plastiques recyclables.
L’une des autres priorités consiste à éviter les contournements de la législation, que les producteurs modifient leurs produits pour rentrer dans les clous avec des matériaux qui ne sont pas meilleurs. Le législateur doit veiller à faire attention pour en garantir l’effectivité.
À ce sujet, Philippe Bolo avait d’ailleurs remis une proposition de loi visant à lutter contre la pollution plastique.