Sandrine Josso : "La santé environnementale appelle une réorientation de nos politiques afin de mieux déterminer là où nous avons failli et là où nous devons progresser."
Sandrine Josso, députée de la Loire-Atlantique et rapporteure de la commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale, a livré son rapport où elle émet 22 propositions pour doper l'action publique autour de la santé environnementale. Interview.
Qu’est-ce que la notion de santé environnementale ?
Sandrine Josso : La Santé Environnementale correspond à l’impact de l’Homme sur l’environnement, faune et flore, et ses conséquences à la fois sur sa propre santé mais également celle de tous les êtres vivants. C’est le nom que nous donnons à notre conscience croissante des impacts qu’a l’être humain sur son environnement, et, en retour, des conséquences de ces impacts sur la santé humaine.
Ce champ couvre toutes les interactions entre l’homme et l’environnement, à tous les stades. Comment conduire des politiques publiques décloisonnées, interdisciplinaires ?
La santé environnementale appelle une réorientation de nos politiques, qui doivent au préalable être examinées pour leurs carences et pour leurs succès, afin de mieux déterminer là où nous avons failli et là où nous devons progresser. Ces politiques doivent être interrogées autant au regard des objectifs qui leur sont assignés que des moyens dont elles sont dotées.
L’action de l’homme sur l’environnement et les conséquences qu’elle engendre peut-elle être mieux encadrée, mieux accompagnée ?
C’est vers une véritable culture de l’anticipation et de la prévention que cet état d’urgence planétaire nous encourage à nous tourner. Les dettes curatives dont les jeunes générations vont être chargées exigent de nous un changement d’état d’esprit, et de prendre pleinement la mesure des vies sauvées et des coûts épargnés que peut susciter une transition vers un travail sanitaire fondé sur la donnée environnementale. Un tel effort devra voir la santé environnementale devenir une discipline enseignée dans nos écoles et nos universités, qui apprenne à considérer la santé humaine comme partie intégrante de son environnement animal et écologique.
Comment développer une prévention dans le domaine de la santé environnementale ? Comment les territoires et les élus locaux peuvent-ils agir dans cet effort de prévention ?
Nos institutions, nos élus, nos chercheurs, nos associations, nos entreprises, nos agriculteurs, doivent agir ensemble, afin de nourrir une prise de conscience collective de l’importance de ces problématiques et de l’urgence de l’action. Seule une action collective et collégiale, au-delà des clivages politiques, que la commission d’enquête a su mettre de côté dès sa constitution, peut permettre d’affronter les défis qui nous font face. Cette action, qui demande d’être au contact constant de la population, ne peut s’épanouir pleinement qu’à l’échelle territoriale en associant les collectivités.
Concrètement, aujourd’hui, quelles sont les maladies développées en raison de facteurs environnementaux ?
La période actuelle constitue un moment privilégié de prise de conscience de l’impérieuse urgence de ce travail préventif. Car qui n’a pas été affecté, dans sa famille, dans ses amis, par la crise qui nous secoue dans toutes les dimensions de notre vie sociale ? Qui n’a pas perdu un proche atteint par la covid-19, une maladie qui fait son lit des comorbidités d’origine environnementale ? Cancers, obésité, diabète, ont constitué des terreaux favorables à la létalité du virus. Et nous savons d’ores et déjà que ces maladies sont dues, au moins en partie, à des facteurs environnementaux d’origine humaine, comme l’usage des pesticides ou l’ingestion de perturbateurs endocriniens. C’est une raison de plus pour nous de développer la recherche préventive, qui ne représente à ce jour – funeste lacune ! – qu’une faible fraction de l’effort consenti en faveur de la recherche curative.