Mohamed Laqhila : quelle mise en œuvre de la  loi pour un État au service de la confiance ?

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(© Baptiste Hamousin)

Le député des Bouches-du-Rhône a mené une mission de suivi de la mise en œuvre des nouveaux dispositifs mis en place par le Gouvernement pour simplifier les rapports entre les entreprises et l’administration fiscale. 

Pour rappel, la loi pour un État au service de la confiance (ESSOC), votée en 2018, a été renforcée par 7 dispositifs dès mars 2019 avec :

  • Un accompagnement fiscal personnalisé pour les petites et moyennes entreprises ;
  • Un partenariat fiscal pour les entreprises de taille intermédiaire et les grandes entreprises ; 
  • Un guichet de régularisation ;
  • La possibilité d’obtenir un certificat de conformité fiscale d’un tiers de confiance ; 
  • L’amélioration du dialogue et des recours en cas de contrôle fiscal ; 
  • Un appui pour le règlement de la procédure de délivrance des rescrits, qui permettent aux entreprises de disposer d’une décision de l’administration opposable à l’ensemble de ses services ; 
  • Un appui pour le règlement des difficultés fiscales rencontrées par les entreprises dans leur développement international.  

Mohamed Laqhila, vous avez expertisé l’efficacité de ces dispositifs 7 mois après leur mise en place. Les entreprises se sont-elles véritablement appropriées ces simplifications ? 

Mohamed Laqhila - Mon rapport décrit le contenu des sept dispositifs que vous venez de citer. Il donne des indications globales sur leur état d’avancement.

Mais j’ai été particulièrement attentif à l’accompagnement fiscal personnalisé des PME et j’ai souhaité concentrer mes enquêtes sur ce sujet.

Au regard de cette mobilisation, les résultats peuvent paraître modestes : au dernier décompte (au 30 septembre 2019 pour le Service partenaire des entreprises et au 6 octobre 2019 pour l’accompagnement fiscal personnalisé des PME) : 27 partenariats avaient été conclus – couvrant tout de même plus de 2 300 grandes entreprises ou de taille intermédiaire et environ 630 000 emplois et 311 Mds € de chiffre d’affaires – et l’accompagnement fiscal personnalisé concernait une cinquantaine de PME. 

Ces résultats s’ils peuvent apparaître modestes de prime abord, doivent toutefois s’apprécier à l’aune du caractère récent et novateur de ces dispositifs.

Pour qui et pourquoi l’accompagnement fiscal a-t-il été créé ? Comment améliorer son déploiement ?

Ces nouveaux dispositifs étaient essentiellement adressés aux PME (au sens des critères européens introduits par la loi PACTE), aux ETI et aux grandes sociétés. Cela peut s’expliquer aisément tant les enjeux financiers, de concurrence et de déploiement à l’international sont plus importants que les PME classiques. Mais il n’en demeure pas moins que les PME classiques qui composent la grande majorité du paysage économique français, auraient tout aussi intérêt à s’en emparer.

Bien évidement les petites entreprises ne sont pas exclues des dispositifs, mais l’on peut regretter néanmoins que la grande partie de la communication ait été orientée vers les grandes PME, ETI et grands groupes de sociétés. Ces derniers disposent souvent en leur sein de spécialistes des questions fiscales et juridiques, elles n’ont généralement pas de difficultés à dialoguer avec les administrations fiscales puisqu’elles sont accompagnées par des professionnels.

Je pense que ce sont les autres qui doivent faire l’objet d’une attention accrue. Car se sont elles qui courent le plus le risque d’erreurs, elles qui souvent « profanes », ont le plus besoin du droit à l’erreur.

Mais au vu de leur nombre important, j’ai bien conscience que cela demandera plus de moyens et de ressources au sein des administrations. 

Est-ce les entreprises qui ne sont pas encore suffisamment informées sur l’existence de ses dispositifs ou est-ce l’administration fiscale qui n’est pas totalement mobilisée ? 

Dans l’ensemble je constate que la machine est lancée du côté de la DGFiP et des DRFiP. Même si les moyens employés et les retours sont inégaux d’une région à l’autre, toutes ont bien accueilli la réforme. Toutes semblent avoir intégré le principe général de ces dispositifs et la grande majorité a mis en place des équipes dédiées en interne. Mais leur formation et leur spécialisation paraissent insuffisantes compte tenu des ambitions affichées. Les équipes dédiées à l’accompagnement des PME doivent en particulier davantage travailler en réseau et être formées à la « relation client ». Les outils applicatifs doivent également être adaptés.

Aussi, comme j’ai souvent eu l’occasion de le dire, la confiance ne se fait pas d’un claquement de doigts, elle se construit au long cours et demande du temps. Cette réforme ambitieuse appelle à un véritable changement de culture de part et d’autre. Aujourd’hui il faut reconnaître que les entreprises voient l’administration fiscale comme un organisme de sanctions. Et les agents eux-mêmes n’avaient pas d’autres habitudes que de contrôler et sanctionner. 

A titre d’exemple, un de mes clients recevait un courrier du Fisc qui lui annonçait la mise en place de toutes les mesures d’accompagnement. Le seul fait de recevoir ce courrier estampillé « Finances publiques » l’a angoissé et il s’est d’emblée imaginé avoir des ennuis. (rires)

Je pense que les professionnels du conseil et du chiffre, tels que les experts-comptables, qui sont en prise directe avec les chefs d’entreprises, ont un rôle majeur à jouer dans ce dialogue.

Il n’y a évidemment pas de confiance sans contrôle, mais je pense qu’il faut déconstruire les réflexes ici et là. Mais j’ai bon espoir… laissons le temps aux uns et aux autres de s’apprivoiser.

Qu’est-ce que le SPE ? Que doit-il permettre ? 

Le Service Partenaire des Entreprises permet aux grandes entreprises et aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) de nouer avec une équipe d’experts de l’administration une relation au long cours leur permettant de sécuriser le traitement fiscal de leurs opérations à fort enjeux, à mesure qu’elles se présentent. Ce partenariat se concrétise par la signature d’un protocole entre l’administration fiscale et l’entreprise qui instaure une relation durable de travail. L’entreprise peut ainsi exposer les problématiques fiscales qu’elle rencontre, au fil de l’eau, et s’acquitter de ses obligations déclaratives en disposant d’une prise de position opposable de l’administration.

À cette fin, l’administration désigne au sein du SPE un interlocuteur de l’entreprise qui détermine avec elle les points à expertiser. Cette expertise peut conduire à l’émission d’un avis écrit, sous la forme d’un rescrit opposable à l’administration.

Les entreprises que j’ai rencontrées dans le cadre de cette mission ont confirmé tout l’intérêt de ce nouveau service pour sécuriser leurs choix stratégiques

Quelles sont les principales recommandations ? 

La première de toutes, même si elle peut paraître anecdotique, est que le Ministre porte cette réforme sur tout le territoire. Gérald DARMANIN bénéficie auprès des entreprises d’une bonne image. Il a beaucoup œuvré au stade de l’élaboration et durant l’examen de ce texte. A l’image de son investissement pour la mise en place du prélèvement à la source, il faut qu’il rassure les entreprises sur le bienfait de ces dispositifs. J’ai donc conseillé au Ministre que chaque année, au lendemain du vote de la loi de finances par exemple, il fasse un « Road Show » auprès des entreprises de nos territoires nationaux. La clef de la réussite du service repose en effet sur son crédit et son image auprès des sociétés.

Sur un aspect plus technique, j’ai formulé une série de recommandations telles que :

  • S’agissant de l’accompagnement fiscal personnalisé des PME :

- Elargir à toutes les entreprises et non aux seules PME et ETI de croissance; spécialiser des équipes chargées de cette mission et y intégrer des agents contractuels issus du monde de l’entreprise ; mettre en place une formation pour ces équipes, adaptée aux exigences de la « relation client », spécialement à l’égard des entreprises. Ils dépendent eux même du niveau d’expertise fiscale des équipes, de leur agilité et de leur capacité à répondre à une grande variété de questions ; de développer un véritable réseau entre les interlocuteurs des PME nommés au sein des DRFiP, animé par une équipe dédiée de l’administration centrale. Un réseau collaboratif leur permettant d’échanger des informations utiles à l’exercice de leur mission pourrait être mis en place. 

- S’assurer de l’indépendance du service accompagnement fiscal par rapport au service contrôle. 

  • S’agissant du partenariat fiscal des entreprises de taille intermédiaire et des grandes entreprises

- Poursuivre la professionnalisation des équipes, notamment par la mise en œuvre des formations nécessaires et le recrutement de profils d’experts, au besoin avec des partenariats privés, pour permettre une montée en compétences sur cette offre de services ; 

- Renforcer et poursuivre la communication, tant interne qu’externe avec une attention particulière accordée aux entreprises partenaires afin de faire vivre le dispositif et augmenter significativement le nombre de rescrits traités. 

  • S’agissant de la mobilisation pour les rescrits

- Poursuivre les efforts pour respecter le délai de trois mois ; 

- Enrichir la publication des réponses aux demandes de rescrits généraux. 

  • S’agissant de l’accompagnement des entreprises à l’international

- De poursuivre dans cette voie en intensifiant le dialogue avec les entreprises au moyen notamment d’actions de communication permettant de faire connaître plus largement cette offre auprès des acteurs économiques ; 

- d’étendre le recueil des besoins des acteurs économiques afin d’orienter les groupes de travail auxquels l’administration fiscale est partie prenante au sein de l’OCDE.

  • S’agissant du service de mise en conformité

- Communiquer davantage sur les modalités de régularisation en clarifiant, le cas échéant, son articulation avec l’action pénale. S’agissant de l’examen de conformité fiscale par un tiers de confiance : 

- d’encourager le recours à l’« attestation des comptes » par l’Expert-comptable ;

ne pas le limiter aux seuls CAC et élargir à toutes les professions de conseil.

- Et enfin, octroyer un avantage aux entreprises qui font appel à l’ECF (fiscal, étalement de paiement automatique en cas de redressement, etc.)

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