Sylvain Waserman : "La priorité est de répondre au désir d’engagement d’une jeunesse européenne qui façonnera le monde de demain."
Le député du Bas-Rhin et membre de la commission des affaires étrangères, Sylvain Waserman, s'exprime sur sa proposition à M. Clément Beaune, Secrétaire d'État chargé des Affaires européennes, de la nécessité de création d'un Service Civique européen. Interview.
Vous avez lancé un appel pour un Service Civique européen lors de la dernière conférence de préparation de la présidence française ; pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
La présidence française de l’Union Européenne est un moment important. C’est l’occasion unique de lancer des initiatives importantes pour notre avenir. C’est pourquoi je crois que la Présidence française a besoin d’un projet étendard pour la jeunesse. Et la priorité à mon sens est de répondre au désir d’engagement d’une jeunesse européenne qui façonnera le monde de demain. Le lancement à grande échelle d’un Service Civique européen serait une initiative marquante dans la construction européenne.
C’est pour cela que j’ai proposé au Ministre Clément Beaune de faire du Service Civique européen le projet étendard de notre présidence française.
Pourquoi serait-ce à la France de lancer un tel projet ?
D’abord parce que la France est le pays qui a le plus développé le service civique avec près de 150 000 jeunes. Elle est fer de lance en matière d’engagement de la jeunesse, et grâce à l’impulsion du monde associatif nous avons construit un modèle unique en Europe. La France est donc légitime à ce titre pour proposer un tel développement du Service Civique européen. Nous avons aussi l’expérience, avec plus de 20 ans de recul en la matière, mais aussi un éco système de pointe, organisé autour de l’agence du Service Civique et d’un réseau d’associations très engagées en la matière.
La France a donc tout à la fois la légitimité, l’expérience et l’organisation pour proposer des modèles viables pour un Service Civique européen ambitieux.
À quoi ressemblerait un Service Civique européen ?
Il s’agirait d’abord de développer les logiques nationales de Service Civique. Aujourd’hui seuls quatre pays ont véritablement développé le Service Civique (la France, l’Allemagne, l’Italie et le Luxembourg). Un service civique européen doit d’abord s’appuyer sur les services civiques nationaux en place. L’union pourrait organiser des périodes d’engagement d’un an : 6 mois de Service Civique dans votre pays et 6 mois dans un autre pays de l’Union. Chaque pays paierait le socle national du Service civique (l’indemnité du jeune, les coûts d’encadrement), et l’Union assumerait le coût du melting pot (l’hébergement du jeune en dehors de son pays, le déplacement, les cours d’initiation à la langue). Nous lancerions un véritable Erasmus de l’engagement.
Concrètement, il faudrait donc dans un premier temps lancer une coopération renforcée entre tous les pays de l’Union qui ont fait le choix de lancer un Service Civique national. Et, très vite, l’étendre de pays en pays.
Enfin, le service civique européen se déroulerait bien entendu nécessairement en équipe, de plusieurs nationalités, sur des projets d’intérêts sociétal. A la différence d’Erasmus qui se focalise sur les étudiants en étude supérieures, ce Service Civique Européen devra réussir une très forte mixité sociale et intégrer tous les jeunes ; y compris, et peut-être même surtout, des jeunes qui n’ont jamais eu la chance de sortir de leur pays, qui sont décrocheurs ou se pensent sans perspective sociale.
Quel serait le résultat attendu ? Ce projet vaut-il les budgets qu’il faudrait y consacrer ?
Un Service Civique, c’est une chance unique pour un jeune d’être utile à lui-même en étant utile aux autres. S’engager sur des projets au service des autres est une étape marquante dans la vie d’un jeune ; nous avons, en France, développé une richesse unique des missions de Service Civique que nous pouvons partager : sur l’accompagnement des personnes âgées isolées, sur la prévention de la violence ou de l’addiction, sur la préservation de l’environnement ou le développement du sport santé, sur le handicap ou sur la citoyenneté par exemple. Chaque jeune qui a la chance de vivre un Service Civique change profondément son regard sur la société, et sur sa propre place dans la société.
Imaginez-vous maintenant que chacun de ces jeunes puissent vivre cette expérience pour moitié dans son pays et pour moitié dans un autre. Toujours en équipe avec d’autres jeunes européens. Côte à côte avec les mêmes projets, le même engagement, la même volonté de changer un peu le monde qui les entoure. Pour eux, la vision de l’altérité européenne sera à jamais différente. L’Autre, le voisin européen, ne sera plus jamais vraiment un inconnu ; il sera d’abord quelqu’un avec lequel on peut construire un avenir commun.
L’enjeu est donc de fédérer les énergies des jeunes européens autour d’engagements communs. Et, sans aucun doute, de prouver que ces projets menés en commun les aideront à imaginer et à construire l’avenir. Alors oui, cela vaut les budgets que nous y consacrerons.
Comment pensez-vous que la France peut convaincre ses partenaires européens ?
La présidence de l’Union ne permet jamais de mener un projet de bout-en-bout. L’objectif est de construire une vision d’avenir commune, de la faire partager, de tracer un chemin et de convaincre qu’il nous faut prendre ce chemin. Pas à pas, mais avec détermination.
Notre jeunesse européenne a beaucoup souffert de la Covid, dans chacun de nos pays. Il est nécessaire et juste de leur proposer de nouvelles perspectives d’engagement, de vie, d’Europe. La France a une occasion unique de marquer par sa présidence de l’Union avec ce magnifique message d’espoir et de confiance dans toute notre jeunesse