Elus locaux : quelles actions pour protéger et soutenir les femmes ?
Vendredi 7 mars, veille du 8 mars, le Mouvement Démocrate a invité Ghada Hatem, gynécologue-obstétricienne, fondatrice de la première Maison des femmes, pour une soirée-débat sur les actions à mener au niveau local, animée par les JDems Louise Daniel et Jules Pasquier. Retrouvez la rediffusion de cette soirée exceptionnelle.
Chaque année, le 8 mars est l'occasion de mesurer le chemin parcouru, mais aussi l'ampleur des efforts qu'il nous reste à livrer. Notre secrétaire générale Maud Gatel l'a rappelé avec force, soulignant que les instances du Mouvement Démocrate sont intégralement paritaires. Le 8 mars, ce doit être notre quotidien, chaque jour de l'année.
Ghada Hatem a parlé avec passion de son engagement pour les femmes victimes de violence, une lutte sans fin mais tellement nécessaire. Née au Liban, dans la petite bourgeoisie catholique, elle a pu suivre des études au lycée français puis venir en France faire médecine. Vivre dans un pays déchiré par une guerre absurde, où la mort n'avait aucun sens, ce n'était pas envisageable. Pour avoir un horizon, il lui fallait partir, mais pour livrer d'autres combats. Car la médecine obstétrique a confronté Ghada Hatem à toutes sortes de situations où, sous des dehors très lisses, une violence sourde se révélait.
Femmes battues, humiliées, souvent incapables de s'avouer à elles-mêmes ce qu'elles subissaient. Dans certains milieux bourgeois, la violence est tue, comme s'il fallait en détourner les yeux et tout accepter en silence pour sauver les apparences. Plus on est haut dans les catégories socio-professionnelles, plus l'on a du mal à se confier. Ghada Hatem a découvert que la violence est une maladie. Pour en sortir, il faut d'abord la nommer, la reconnaître, puis être accompagnée. Sans réseau, avec sa détermination et son courage, Ghada Hatem a convaincu des mécènes - François-Henri Pinault l'un des premiers - puis des députés de l'aider à financer la première Maison des femmes à Saint-Denis. Dans ce lieu de vie, les femmes sont à l'abri et suivent un parcours de soin, comprenant plusieurs soutiens, psychologique, physique, juridique, artistique.
Une femme violée ou battue est laminée de l'intérieur, fragilisée au possible, ayant souvent perdu toute estime d'elle-même. Patiemment, la coquille doit se reformer. Alors qu'il existe des parcours de soin pour nombre de maladies, il n'en existait pas pour la violence. Et pourtant, bien des maladies découlent directement de cette violence subie : les cas d'obésité, par exemple, dissimulent souvent d'autres blessures, comme un viol pendant l'enfance. Etre dans le déni des blessures du corps conduit souvent à ne pas prendre soin de soi, ce qui cause ensuite d'autres maladies, en chaîne. Les chiffres donnent le tournis : les viols, les incestes, les coups sont plus répandus qu'on ne le croit et cela concerne tous les milieux.
Aujourd'hui, la 30e Maison des femmes a ouvert, à La Réunion. Pour bâtir une Maison des femmes, il est nécessaire de disposer de toutes les structures adéquates, dont un hôpital. Certaines mesures méconnaissent la gravité des situations : ainsi, Ghada Hatem s'est insurgée devant la volonté d'interdire les faux certificats de virginité, qui ne sont en aucun cas des tests et qui peuvent sauver des vies.
Vivre dans la violence intrafamiliale, c'est comparable à la vie dans un pays en guerre. On est constamment sur le qui-vive, tendue, attentif au moindre bruit, au moindre geste ou mot qui peut tout faire déraper. Souvent, ces femmes aiment leur conjoint violent et ont du mal à le quitter. D'autant plus que les lenteurs de la justice peuvent être responsables d'autres crimes. Un homme violent enfermé en prison y alimente sa haine et, à sa sortie, risque de commettre un féminicide sur son ex-compagne. Car, il faut le dire, la violence est majoritairement portée par les hommes.
Le climat de masculinisme ambiant qui se développe actuellement aux Etats-Unis, avec les discours édifiants de Donald Trump ou d'Elon Musk, entretient ce phénomène. Une vague de violence masculine se lève, qui nous laisse sidérés. Ghada Hatem nous raconte avoir tenu une conférence à Polytechnique, où 15% de filles lui ont confié être soumises à une atmosphère délétère et à des agressions permanentes et répétées. Ce n'est pas à elles de s'adapter à cette situation, c'est aux garçons de prendre conscience du problème.
Face à cette montée de violence, les élus locaux ont à cœur de trouver des solutions. Un élu local côtoie ses concitoyens, au plus près, et doit agir pour aider au mieux les plus vulnérables. Nos élus démocrates ont énuméré plusieurs dispositifs efficaces pour lutter contre les violences. Ainsi, Aline Hryhorczuk, à Seilh, en Haute-Garonne, a expérimenté le dispositif Angela pour mettre à l'abri les femmes victimes de harcèlement. Sensibilisés et formés aux gestes à faire et à ne pas faire, des commerçants acceptent de coller une étiquette dans leur magasin, indiquant que l'on peut se réfugier chez eux en cas d'urgence. Une chambre d'hôtel est réservée à l'année dans la commune, pour les femmes forcées de fuir en pleine nuit. Ghada Hatem remarque qu'il est injuste que ce soit à la femme de quitter le domicile dans la précipitation. Pourquoi n'évacue-t-on pas plutôt l'homme ? A fortiori, s'il y a des enfants. La prévention et la sensibilisation doivent avoir lieu dès l'école, où il faut expliquer aux petits garçons qu'une fille et une femme sont leurs égales et doivent être traitées avec respect.
D'autres actions locales consistent à mettre en lumière des femmes inspirantes, les femmes de science à Toulouse, ou en remettant des médailles à des femmes remarquables, comme l'explique notre élue du VIe arrondissement de Paris, Iris Berthomier qui a notamment décoré Marie-France Hirigoyen, auteur d'un livre sur les ressorts de la violence, ou une journaliste qui a couvert le procès Pelicot. Les violentomètres sur les sacs à pain, les lieux-abris, les référents à contacter au sein d'une commune, autant de petits pas efficaces pour rompre la honte et l'isolement des femmes en détresse.
L'élu de Courbevoie Sébastien Beauval expose les dispositifs déployés par son conseil local de lutte contre les violences faites aux femmes, en lien avec les deux commissariats, où se trouvent notamment des kits pour bébés. Michèle Jossier, élue de La Roche-sur-Yon a également expérimenté Angela et va bientôt organiser un grand Forum de sensibilisation.
Frédéric Zgainski, élu de Cestas, en Gironde, rappelle qu'en France, 80% des maires sont des hommes, et 89% des présidents d'intercommunalités. Si la loi comporte une obligation de parité sur les listes pour les villes de plus de 1000 habitants, il reste des angles morts : les communes de moins de 1000 habitants et l'exécutif des conseils intercommunaux. Dans le sien, pour un maire et 9 adjoints, ce sont 6 hommes et 4 femmes.
Pierre-Jean Baty, conseiller régional d'Ile-de-France, s'est penché sérieusement sur les familles monoparentales, découvrant que, par ignorance des chiffres, nous sommes peu conscients de l'engrenage qu'une séparation ou un divorce peuvent entraîner pour une femme, qui devient parfois 7 à 8 fois plus pauvre que son ex conjoint et s'enfonce peu à peu d'année en année.
Louise Daniel, vice-présidente des JDems, nous a livré la primeur de son rapport sur la précarité menstruelle, qui propose de rendre les protections périodiques gratuites et disponibles dans plus d'endroits, en particulier dans les lycées, sur le modèle écossais.
Pour clore cette soirée sur une note d'espoir, Ghada Hatem a insisté sur le fait que chaque action compte. La crainte serait que les gens se lassent du sujet et n'en ressentent plus l'urgence ou que, en temps de crise, certaines entreprises cessent leur politique inclusive. L'engagement, à tous les âges de la vie, est possible et nécessaire pour faire société.
Maud Gatel a vivement remercié Ghada Hatem et tous les intervenants, nous invitant à avoir une pensée pour les femmes afghanes, palestiniennes, israéliennes, iraniennes, ukrainiennes.