Philippe Bolo : rapporteur de l’OPECST sur les impacts des ondes électromagnétiques sur les animaux d’élevage
Le député du Maine-et-Loire, Philippe Bolo, est rapporteur de l’Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur les impacts des ondes électromagnétiques sur les animaux d’élevage. Interview.
En tant que rapporteur de l’Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur les impacts des ondes électromagnétiques sur les animaux d’élevage, quelles conclusions principales avez-vous tirées ?
À mon sens, il y a plusieurs phénomènes qui démontrent qu’il existe des inconnues scientifiques à ce jour :
Tout d’abord, il y a une grande diversité d’émetteurs de champs électromagnétiques : lignes à haute tension, antennes de téléphonie et champs éoliens.
Ensuite, il convient de regarder la construction des bâtiments d’élevage, toujours plus métalliques et la mise à la terre des installations. Il me paraît également important de s’intéresser au sous-sol et la géologie en se renseignant davantage sur la circulation du courant dans les sols.
Enfin, il faut distinguer les effets directs, pas forcément démontrés, des effets indirects qui sont, eux, à l’origine de nombreux problèmes.
De quel type d’ondes s’agit-il ? Par quelles sources sont-elles émises ?
En fonction de leurs sources d’émission, les champs électromagnétiques ont des fréquences variables. Les antennes relais de télécommunications génèrent des champs électromagnétiques hautes fréquences quand les lignes haute tension induisent des champs électromagnétiques basses fréquences. Les interactions des champs électromagnétiques avec l’environnement varient considérablement en fonction de leur fréquence.
Il convient également de distinguer entre les effets directs des champs électromagnétiques et leurs effets indirects.
Les effets directs des champs hautes fréquences sont des effets thermiques, alors que ceux des champs basses fréquences sont des phénomènes d’induction qui peuvent créer des courants parasites, qui se propagent dans les structures métalliques lorsque la mise à la terre n’est pas optimale.
Les dangers pour la santé des animaux d’élevage sont-ils avérés ?
L’observation sur le terrain a montré qu’il existait de probables dangers pour les animaux à cause des ondes parasites. Il y a donc un besoin vital de recherches et d’adapter les seuils actuels à la sensibilité des animaux. En effet, les normes actuelles font référence à l’être humain alors que de nombreux scientifiques attestent que les animaux seraient plus « électrosensibles » que nous. Ainsi, lors de l’installation de nouvelles infrastructures, ce périmètre de différences à la fois psychologiques et biologiques entre nos espèces n’est pas pris en compte. Il faut remédier à cela.
Les effets indirects des ondes sont les plus dangereux car ils entraînent une dégradation de la santé des animaux. Et cela se traduit concrètement car j’ai moi-même été interpellé par des agriculteurs et éleveurs qui témoignaient d’altération de la qualité du lait de leurs animaux et de mortalités bovines en hausse. Ils sont en souffrance et nous devons leur apporter des solutions concrètes.
Vous avez également reçu des chercheurs, dont l’Anses. Est-ce que le lien entre les effets et les ondes est bien démontré par la communauté scientifique ?
À ce jour, aucune étude scientifique n’a établi un lien de causalité direct entre les champs électromagnétiques et la santé des animaux. En outre, toutes les tentatives visant à relier les champs électromagnétiques à des dysfonctionnements du système immunitaire ou au stress physiologique restent infructueuses. En ce qui concerne les effets indirects, des études sur les modifications comportementales des animaux en réponse à des courants électriques induits concluent à des réponses de stress, modérées à sévères, qui varient selon les espèces.
Comment répondre aux attentes des éleveurs qui critiquent une réaction tardive ? Quelles solutions pourraient être apportées pour pallier ce problème ?
Il y a une vraie nécessité à bien cerner le nombre exact d’agriculteurs concernés. Une minorité d’entre eux est concernée par des problèmes aux conséquences irrémédiables qu’il est compliqué de traiter maintenant. Mais une majorité peut être concernée par des problèmes similaires dans un futur plus ou moins proche.
Il faut donc avoir un état des lieux précis de la situation, aussi bien qualitatif que quantitatif. Et il convient également d’agir plus vite pour éviter l’effet cumulatif de ces conséquences pouvant être dramatiques.
Comment protéger les animaux concernés ? Faut-il éventuellement faire évoluer les types de constructions, ou changer les pratiques en matière d’émetteurs d’ondes ?
La complexité des situations, conjuguée à un manque de connaissances sur la sensibilité des animaux et la circulation des courants induits dans les sols ne permet pas encore d’identifier la solution universelle. Au terme de ce travail, je formule 3 séries de recommandations qui, à terme, permettront de protéger les animaux et les éleveurs : une meilleure connaissance des phénomènes et de leurs origines, une prévention systématique des difficultés et une gestion plus efficace des problèmes rencontrés.
Les craintes liées aux ondes électromagnétiques ne sont pas nouvelles et divisent l’opinion publique. Pourquoi ce sujet est-il si complexe ?
C’est un sujet complexe car les problèmes sur les animaux n’ont pas encore été bien identifiés. De plus, certains agriculteurs et éleveurs rencontrent des problèmes quand d’autres pas alors que tous sont exposés aux dangers des ondes électromagnétiques dans leurs exploitations.
C’est un phénomène complexe avec des effets directs pas encore démontrés et surtout des effets indirects aux conséquences néfastes. Il y a donc un problème de visibilité et un besoin de recherche pour en apprendre davantage, aussi bien d’un point de vue qualitatif que quantitatif.