"Il faut un référendum sur la création de la Métropole du Grand Paris"
Dans une interview au journal Le Monde, Marielle de Sarnez estime "vital que la future Métropole du Grand Paris exerce des compétences de logements, de transports et de développement économique".
Le Monde - Anne Hidalgo affirme que la métropole du Grand Paris est « une chance » pour « les Parisiens » car elle va permettre de « produire plus de logements à la bonne échelle ». Difficile de ne pas être d'accord ?
Marielle de Sarnez - On ne doit pas faire le Grand Paris pour se débarrasser d'un problème ! Paris a de gros efforts à faire en matière de construction de logements. Il faut s'y mettre ! Il y a dix ans, on construisait 5 000 logements par an, l'année dernière à peine 2 000. Cette baisse continue et considérable, voilà la crise du logement à Paris ! Il faut donc mobiliser tous les acteurs et trouver des solutions innovantes, je pense par exemple aux baux emphytéotiques qui permettent de distinguer le prix du foncier du bâti.
Nous proposons, avec Nathalie Kosciusko-Morizet, un « plan Marshall » pour le logement à Paris, pour inverser vraiment la tendance, et construire du logement intermédiaire à un prix raisonnable. Il y a du foncier disponible à Paris. Il faut le mobiliser. Et conquérir de nouveaux espaces, par exemple en couvrant les grands faisceaux de voies ferrées. Je vous rappelle que l'Etat a d'ailleurs toute possibilité aujourd'hui de préempter des terrains pour les aménager dans le cadre d'« opérations d'intérêt national » en optimisant les règles d'urbanisme pour produire du foncier à un prix abordable, pour les organismes HLM, comme pour les promoteurs de logement intermédiaire.
L'ambition de Claude Bartolone, président PS de l'assemblée nationale et patron de la Seine-Saint-Denis, de présider la métropole du Grand Paris vous paraît-elle fondée ?
Se répartir entre élus des postes essentiels dont les électeurs ne savent même pas qu'ils existent, c'est vraiment le contraire de ce qu'il faut. Ce qui compte d'abord pour moi, c'est de penser un projet qui soit juste et pertinent. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. C'est pourquoi, le gouvernement devrait se remettre à l'ouvrage. La Métropole du Grand Paris, il faut la concevoir, l'imaginer, la dessiner, pour les générations qui viennent, non pour les élections d'après-demain. Voilà le défi. Il implique de se comporter comme des bâtisseurs.
Quelles sont vos propositions pour le Grand Paris?
Pour que ça marche, il y a des conditions impératives à remplir qui ne le sont pas aujourd'hui. La première tient aux compétences. Contrairement à ce qui est prévu, il est vital que notre future Métropole exerce des compétences à la fois en matière de logements, de transports et de développement économique. Là réside la clef du succès. Et c'est comme cela que l'on pourra conduire une politique cohérente d'aménagement, créer de la croissance et de la cohésion. C'est d'ailleurs ce qui se fait aujourd'hui avec le Grand Londres.
Il y a une deuxième condition, c'est que l'on choisisse le bon périmètre, ce qui n'est pas le cas. Si nous voulons mettre notre future Métropole au niveau des grandes métropoles mondiales qui dépassent toutes les 10 millions d'habitants, alors la bonne échelle est régionale. Quitte à ce qu'on parvienne à ce périmètre par étapes successives d'ici à dix ans. Mais ce qui compte, c'est l'architecture finale.
Enfin, la troisième condition du succès, c'est la démocratie. Il n'est pas prévu que le futur président de la Métropole soit élu au suffrage universel direct. Or, c'est indispensable pour respecter les principes de notre démocratie locale. La future Métropole du Grand Paris sera forte si elle est légitimée par ses habitants. Et le meilleur moyen pour que ses habitants se l'approprient, sera sans doute de les consulter par référendum sur sa création. Si l'on veut que la Métropole du Grand Paris ait une chance de succès, il faut donc en reprendre les fondations.
Le gouvernement a ouvert le chantier de la suppression des départements de la petite couronne en Ile-de-France. Est-ce une bonne idée selon vous ?
Le centre a toujours défendu l'idée qu'il fallait faire évoluer l'organisation territoriale de la France pour la rendre plus lisible, et plus efficace. Cela ne date pas d'hier ! En 1995, François Bayrou proposait déjà de fusionner les départements et les régions. La création d'une Métropole du Grand Paris, à l'image de Londres ou de Berlin, va dans le sens de l'histoire, pour autant que certaines conditions soient respectées.
Mais, le jour où l'on créera un niveau supplémentaire de décision, notre architecture locale devra évidemment évoluer. Il faudra fusionner les départements avec la Métropole, transférer leurs compétences d'aménagement à l'échelon métropolitain, et leurs compétences de proximité à l'échelon communal, tout en garantissant une égalité de traitement. Ainsi aurons-nous réussi à simplifier la gouvernance en ne gardant que deux échelons. C'est la démocratie qui y gagnera.
Faut-il aussi supprimer le département de Paris ?
Du fait de l'histoire, la capitale est à la fois ville et département. Les séances du conseil sont rythmées chaque mois par une petite cloche qui indique aux élus qu'ils examinent les dossiers départementaux après les affaires municipales ! Cette exception n'a plus lieu d'être.
Créer une seule collectivité parisienne rendra un meilleur service aux Parisiens. Ainsi dans le domaine social, on évitera les doublons, on mutualisera les compétences, et on permettra donc une meilleure prise en charge globale. Autre domaine, dans lequel il faudra un changement, celui de la sécurité. Paris est la seule ville de France où le maire n'a pas de pouvoir de police. Ceci doit changer. Paris doit avoir la liberté et la capacité de se doter d'une police municipale de proximité qui agira aux côtés de la police nationale.
Il faudra aussi de nouveaux transferts de compétences vers les arrondissements, je pense par exemple à la propreté. Là aussi, le service rendu aux habitants sera meilleur. Enfin, je veux ajouter que, si la capitale renonce à son statut de département, les conseillers de Paris cesseront d'être aussi des conseillers généraux. Il sera alors légitime que l'on supprime leur double indemnité, et que l'on en diminue le nombre.