📻 Réécouter François Bayrou, invité de France Inter ce dimanche
François Bayrou, président du Mouvement Démocrate, était l'invité de l'émission "Questions politiques", diffusée sur France Inter et en partenariat avec Le Monde, ce dimanche 17 mai à 12h.
📻 Pour réécouter l'intégralité de l'émission :
▶️ https://www.franceinter.fr/emissions/questions-politiques/questions-politiques-17-mai-2020
🔁🎙 Retrouvez ci-dessous quelques extraits :
📝 Voici la retranscription de l'émission :
Bonjour François Bayrou.
Bonjour.
Vous êtes resté silencieux ces dernières semaines et, pourtant, vous êtes en première ligne pour évoquer la question du déconfinement notamment sur le plan local, sur le plan national. On va en parler.
Petit bilan d'étape, au bout d'une semaine, diriez-vous que le déconfinement se passe bien en France ?
Oui, ce qui me frappe, c'est qu’en effet, alors qu’il y avait les prévisions les plus catastrophistes ; pour l'instant, on peut avoir le jugement que cela se passe bien.
Je suis frappé de voir, - en tous cas, c'est le cas dans notre ville - à quel point les personnes, au fond, respectent bien les distances de sécurité, portent bien le masque, à quel point elles sont attentives et soucieuses de préserver les contacts, de préserver leur santé et celle des autres.
Je trouve qu'il y a une ambiance de mobilisation, de respect, très encourageante.
On vous sent surpris de cette discipline collective ?
Non, pas du tout, car le fond de ma nature, en général, est d'être plutôt optimiste, alors que la plupart des personnes sont plutôt sur des prédictions catastrophistes.
Non, je ne suis pas surpris. Je trouve que c'est un peuple qui a du ressort. C'est un peuple, au fond, qui est capable de réagir, d'agir, de s'organiser beaucoup plus spontanément et, à mon avis, beaucoup plus efficacement que si c'était simplement en obéissant à des consignes.
On va y venir.
Il y a, dans le fond de notre peuple, un extraordinaire potentiel pour faire face au défi et celui-ci est, naturellement, l'un des plus importants que l'on ait eu à rencontrer.
On a vu ces scènes d'indiscipline dans la capitale, avec beaucoup de personnes qui s'étaient réunies près du Canal Saint-Martin, sur les berges de la Seine. Est-ce aussi le cas sur les bords du Gave de Pau ?
Non pas du tout. Il faut faire attention à ne pas avoir de jugement péjoratif et à ne pas jeter la pierre.
Ce n'est pas la même chose d'être confiné dans une ville comme Pau, qui est la ville de France qui a le plus d'espaces verts par habitant, d'être confiné dans une maison avec un jardin, d'être confiné dans un immeuble avec autour, de l'espace, ou de l'être dans une toute petite surface, avec un nombre de résidents plus important et dans une ville qui n'offre pas beaucoup d'espaces de cet ordre.
Et, donc, je trouve que, oui, bien sûr, des scènes peuvent apparaître choquantes. Il faut que tout le monde soit appelé à la discipline et au respect des choses, mais il faut peut-être qu'on les aide aussi.
Je vous surprendrais peut-être, mais je trouve que l'on devrait ouvrir les parcs et jardins. Si l'on veut bien regarder ce qu'a été l'épidémie, la contagion, alors on s'aperçoit que cette dernière est beaucoup plus forte lorsque vous êtes dans des espaces fermés que si vous êtes en plein air.
Le Président de la République me disait l'autre jour qu'il avait été frappé par le fait que c'est à bord du Charles de Gaulle, donc dans un espace clos, avec circulation de l'air intérieure, qu'il y a eu l'une des contagions les plus frappantes puisque 30 % des marins ou un peu plus, ont été atteints.
L'idée que je voudrais défendre, c'est que l'on considère les espaces verts et ouverts comme des espaces qui sont plus en sécurité. On peut s'y promener. On peut marcher et même courir. L'essentiel est d'éviter les contacts.
De ce point de vue, il me semble qu'il serait bien de faire un pas vers l'ouverture de ces espaces et, au fond, vers l'idée qu'être en plein air, c'est, d'une certaine manière, préserver les chances et faire reculer l'épidémie.
Même si on ne vote pas dans un espace vert, vous qui vous étiez opposé à ce que l'on maintienne le premier tour, considérez-vous, comme les 36 maires qui signent un texte dans Le Journal du Dimanche, qu'il faut voter fin juin et ainsi ce sera réglé ?
Si on peut, sanitairement, s'il n'y a pas de rebond de l'épidémie, si on n'est pas devant une contrainte extrêmement forte qui soit celle de la contagion, alors je pense que la raison, c'est de voter fin juin.
Comme vous savez, vous venez de le rappeler, je m'étais opposé au premier tour. Il y avait une contradiction absolue entre le fait que l'on ferme les bars et les restaurants, que l'on interdise les rencontres et, en même temps, on demandait aux gens de rester chez eux, surtout lorsqu'ils étaient dans la tranche d'âge supérieure et, en même temps, on les invitait à aller voter. Il y avait là une contradiction absolue. On connaît cette histoire et ce qu'il s’est passé.
Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Aujourd'hui, on est en situation d'inviter les Français à reprendre, autant que possible, une vie ouverte, simplement, il faut prendre des précautions. Il faut que les attentes, dans les bureaux de vote, aient lieu à l'extérieur, ce que je viens de dire pour le grand air. Il faut qu'il y ait du gel hydroalcoolique, des masques obligatoires, que l'on aide à les fournir et, à ce moment-là, on votera et cette séquence se clôturera, et il en ait le plus grand besoin.
Pourquoi ? On a besoin que les collectivités locales soient parties prenantes de la relance ou du nouveau départ du pays.
Il était prévu, éventuellement, un débat à l'Assemblée et, manifestement, entre Gérard Larcher et tous les Républicains, tout le monde a considéré que ce n'était pas utile.
Qu'en pensez-vous ?
Je pense que c'est une responsabilité de l'Exécutif.
Je comprends très bien ce que le Premier ministre avait à l'esprit, en demandant un débat, car le nombre de gens qui ont dit blanc jusqu'au premier tour et qui ont dit noir après le premier tour, en s'indignant, en apparence, des décisions prises, c'était une manière de demander à chacun de prendre ses responsabilités.
J'ai l'impression que l'on n'est pas dans un pays où les oppositions prennent facilement leurs responsabilités lorsqu'il s'agit de partager, d'être co-responsable des décisions.
Ce qui me trouble un peu, c'est l'optimisme de votre ton et celui aussi du gouvernement qui, après nous avoir strictement confinés et nous avoir dit : "attention, les risques liés au déconfinement sont très importants", là, on envisage l'ouverture des parcs et jardins, vacances d'été…
Non, c'est moi qui plaide.
Vous ne craignez pas une deuxième vague d'épidémie en juin ?
C'est tout à fait possible et c'est à craindre, mais regardons les choses en face, on ne peut pas maintenir un pays sous cloche, on ne peut pas maintenir un pays entièrement bloqué et fermé et, en même temps, assumer 100 % de la vie du pays, les indemnités du chômage partiel, de l'aide que l'on doit apporter aux gens. Tout cela, c'est impossible.
Il y a un moment où, naturellement, après avoir ralenti l'épidémie et, pour ainsi dire, être arrivé au seuil de non-contagion que l'on voulait atteindre ‑ je ne dis pas que ce soit définitif, je n'en sais rien et, d'ailleurs, les épidémiologistes eux-mêmes n'en savent rien ‑ c'est frappant de voir, à quel point, on entend des messages dans tous les sens contradictoires entre eux.
Donc, il faut observer, être prudent et avoir une orientation, une détermination. C'est que si quelque chose ne va pas, on le changera.
Ce n'est pas parce qu'on prend une décision d'ouverture que cette décision ne sera jamais remise en question. On est devant un problème inédit. Ce n'est pas la première fois dans l'histoire de l'humanité qu'il y a une épidémie provoquée par un virus, mais, vous voyez bien, on doit être en situation d'observation et de prudence.
C'est ce qui doit être l'attitude des gouvernants, et quand je dis "gouvernants", je ne parle pas uniquement du gouvernement du Président de la République, mais je parle de tous ceux qui ont une responsabilité dans la société, c'est-à-dire à peu près chacun des citoyens.
Bien sûr et, notamment, évidemment les élus locaux.
Finalement, cette crise, ce qu'elle nous a montré, c'est que l'État ne peut pas tout, et ce que l'on observe depuis plusieurs semaines, c'est que les vraies solutions se tricotent mieux, en général, au niveau local, au niveau des maires, comme vous, au niveau des régions également.
Vous qui êtes le maire de Pau, que dites-vous ? Faut-il donner plus de pouvoirs aux collectivités ? Est-ce qu'il faudra oser y aller ? Est-ce que l'État français doit se transformer pour devenir un pays moins décentralisé ?
Vous m'ouvrez une porte que j'aime bien voir ouverte et que je plaide depuis très longtemps. Je vais dire pour vous ce que je crois le plus profondément. Je pense que l'organisation administrative et politique de la société française est infiniment trop centralisée, infiniment trop bureaucratique, infiniment trop engoncée et qu'elle ne fait pas suffisamment de place à l'initiative locale ou des entreprises ou associations.
Je pense que notre mode d'organisation vient de montrer spécialement dans ces problèmes de santé, et quand vous comparez avec des pays voisins, j'ai l'Allemagne à l'esprit, mais ce n'est pas le seul, alors vous vous apercevez que cette organisation-là, en réalité, nous empêche de déployer le potentiel qui est celui du peuple français, de notre pays.
Cela évite aussi des inégalités de traitement entre les citoyens de différentes villes. Certains maires voulaient rendre le masque obligatoire dans tous les espaces publics et dans les rues. Cela n'a pas été possible ou, en tout cas, cela a été refusé.
Faut-il aller jusque-là ?
Vous venez de prononcer une phrase très intéressante. Vous dites que cela évite les inégalités de traitement. Je crois exactement le contraire.
Il y a, ce matin, une tribune dans Le Journal du Dimanche, des responsables de santé, des médecins de Seine-Saint-Denis. Je ne crois pas qu'il y ait égalité de traitement entre la Seine-Saint-Denis et d'autres agglomérations de notre pays, d'autres grandes villes de notre pays. On a un immense besoin de retravailler la question de l'équilibre entre les territoires et, précisément, d'une certaine égalité des chances ou égalité des traitements.
Je vous assure que, quand vous êtes très éloigné de Paris, 850 kilomètres pour nous, à Pau, et je vous assure, cependant, que c'est en France et que l'on est civilisé ou à peu près, en tout cas, que cela y ressemble !
On en est convaincus !
Vous vous apercevez que vous restez à l'écart. On vous laisse volontiers à l'écart.
Par exemple, on vient d'apprendre qu'Air France proposait à Pau, quand les vols reprendraient à partir du 15 juin ‑ écoutez bien, accrochez-vous ! ‑ deux vols par semaine, à destination de Paris.
À mon avis, il y a au moins 80 ans que l'aéroport de Pau a été relié à Paris par plusieurs vols par jour. D'après les derniers chiffres, on avait 12 liaisons par jour avec Paris. Cela se comprend très bien parce qu’en train, cela dure 4h15.
Sans lever un sourcil, sans qu'il y ait de l'émotion parmi ceux qui soumettent des propositions de cet ordre, on vous dit : "Mesdames et Messieurs, vous, vous aurez deux vols par semaine, un le lundi matin et un le vendredi matin".
Merci mon prince… Merci mon seigneur… Franchement, vous êtes trop généreux !
Et, donc, il y a toute une partie de notre pays, de ce que l'on appelle, avec condescendance, "la province" qui n'est pas plus province que les autres, qui se trouve, en effet, largement abandonnée.
Ne croyez pas que ce soit uniquement ceux qui sont éloignés de plusieurs centaines de kilomètres de Paris, mais c'est la vérité dans la ceinture autour de Paris, et c'est probablement d'ailleurs vrai aussi dans un certain nombre d'arrondissements périphériques à Paris.
Cette organisation qui concentre tous les pouvoirs, tous les centres de décisions sur quelques hectares, en fait, sur les rives de la Seine, c'est une faiblesse pour la France, car cela empêche que puissent s'affirmer les volontés agissantes et qui pourraient être puissantes.
Expliquez-nous ce qu'il s'est passé. Emmanuel Macron, quand il arrive au pouvoir en mai 2017, est favorable à plus de décentralisation. Il était pour ce pacte girondin qu'il avait présenté à l'été 2017 et, finalement, en ce moment, quand on l'entend parler, il est plus dans un registre de se rétracter, dans une recentralisation que dans une décentralisation.
Que vous dit-il et vous, qu'essayez-vous de lui dire ?
Je ne crois pas du tout que votre diagnostic soit vrai. Je pense exactement le contraire.
Pardonnez-moi, je vais le dire de manière brute, pour ne pas dire brutale, le Président de la République a été élu sur une immense demande de changement de l'organisation des pouvoirs en France. Et, il a constamment eu à l'esprit, cette attente-là. La preuve, c'est qu'il a lancé, après les gilets jaunes, une démarche pour que la Haute administration, la sélection des "élites" puisse se faire de manière différente, mais il se trouve que la résistance de ces organisations est très grande et que, pour l'instant, en effet, il n'a pas pu assumer ou il n'a pas pu imposer cette vision-là.
La plupart des Français disent : "mais, il est Président de la République, donc, il peut". Cela ne se passe pas comme cela. Le Président de la République, c'est tout à fait nécessaire, car toutes les communautés humaines ont besoin de quelqu'un qui les entraîne, sans exception.
Cette mission qui est la sienne, elle a besoin d'être soutenue, elle a besoin d'être portée, elle a besoin d'être encouragée et, pour l'instant, étant donné l'organisation de ces pouvoirs, eh bien, il a rencontré plus de résistance que l'on aurait dû s'y attendre.
Tout a été raison de blocage, mais je puis attester, en tout cas, dans les conversations que j'ai avec lui, quotidiennement, c'est une préoccupation pour lui, quotidiennement, j'allais dire c'est un espoir pour lui, mais, aujourd'hui, il n'a pas trouvé les moyens, nous n'avons pas trouvé les moyens, de porter ce grand changement dont la France a le plus grand besoin.
Si j'avais à dire, au fond, ce que sont les deux grands besoins de la France, le premier, on vient de l'évoquer longuement, c'est le besoin de trouver une organisation différente qui fasse que le centre du pouvoir ait davantage confiance dans le terrain.
On dit toujours qu'il faut donner des pouvoirs supplémentaires. Je ne le crois pas du tout. On en a des pouvoirs, en tout cas, le maire d'une ville importante que je suis, et capitale de province, sait qu'il a des pouvoirs.
On demande une chose, c'est que l'on puisse les exercer, qu'il n'y ait pas constamment cette emprise, trop souvent bureaucratique, qui fait qu'il y a des limitations à ces pouvoirs, mais en disant cela, je parle aussi de l'hôpital, par exemple. Le fait que beaucoup de soignants aient le sentiment qu'ils sont ensevelis sous des tâches administratives qui ne sont pas autre chose que des tâches de contrôle, que l'organisation appelle toujours à faire remonter la décision et jamais à la rapprocher du terrain, pour moi, c'est une grande faiblesse du pays.
Il y a une deuxième grande faiblesse du pays.
Laquelle ?
C'est la capacité, dans laquelle nous sommes depuis longtemps, d'avoir recherché une prévision efficace sur l'avenir et une mise en batterie, si nous rencontrons des problèmes prévisibles.
Un vieux proverbe français dit : "gouverner, c'est prévoir". Je crois exactement cela.
Devant cette épidémie, mais pas seulement, devant tous les problèmes que nous rencontrons, il y a des décennies que nous avons abandonné cette volonté de trouver, de discerner les problèmes que nous pouvons rencontrer et d'avoir un plan ou une stratégie pour y répondre.
On l'a très bien vu avec les masques.
Nous reparlerons des masques.
Puisque vous parlez des perspectives d'avenir, nous allons vous interroger sur ce sujet, puisqu'il faut d'ores et déjà se projeter dans l'avenir et essayer d'imaginer quelque chose, comme un après.
La grande question, c'est qu'au fond, nous avons constaté une énorme défiance à l'égard des gouvernants, et notamment d'Emmanuel Macron au moment où, vous-même, vous diagnostiquez le fait que le principal blocage, c'est la bureaucratie, c'est le mauvais fonctionnement de l'État.
Pensez-vous qu'il y a une chance, d'ici la fin du quinquennat, de faire voler ces blocages, car nous sommes dans une situation inédite et à quelles conditions cela peut-il se produire ?
Ce n'est pas en termes de chance qu'il faut analyser cette question, mais en termes d'obligation. Si nous ne changeons pas notre mode d'organisation, si la France n'est pas saisie par une volonté de renouveau profond, s'appuyant sur le potentiel de son peuple, sur ses attentes, ses aptitudes, sa capacité à inventer et à répondre, si nous ne saisissons pas cette chance, alors nous aurons de très graves difficultés, vraiment très graves.
Ce que je vois venir, et hélas cela paraît à peu près certain, c'est une immense crise économique, qui va entraîner une immense crise sociale, pouvant entraîner une immense crise démocratique.
Nous avons donc absolument besoin, c'est une urgence, une nécessité, une obligation, de remettre à plat l'organisation de notre pays et l'organisation des pouvoirs en son sein, les étages différent dans lesquels se perd le fleuve de la volonté du pays. Nous avons absolument besoin de simplifier, de raccourcir les chaînes de décision, de faire confiance au terrain, comme nous avons vu que c'était obligatoire dans les crises.
Que venons-nous de vivre ? C'est une immense crise mondiale, une pandémie mondiale en face de laquelle l'État s'aperçoit qu'il est bien obligé de faire confiance aux maires, qui sont l'autorité légitime choisie par les citoyens sur le terrain, et ceci est incroyablement significatif de ce que nous avons à faire.
Comment faire, s'il faut renouveler, rebooster ? D'abord, il n'y a pas beaucoup de temps.
Comment Emmanuel Macron, qui n'a jamais été élu local et à qui les Français font très peu confiance, peut-il le faire et comment cela se passe-t-il concrètement ? On remanie, on fait un gouvernement d'union nationale on change Édouard Philippe, on associe, on organise 150 Grenelle ? Concrètement, que se passe-t-il à partir de demain ?
Il ne vous aura pas échappé que je ne suis pas Président de la République.
Vous avez essayé. Vous auriez pu.
Il se trouve que ce n'est pas ma responsabilité.
Je sais deux choses, dont la première est qu'il faut que le Président de la République, car c'est à lui que cela revient, présente aux Français un nouveau modèle d'organisation de la société française et des pouvoirs dans la société française.
Il faut qu'il dise de la manière la plus explicite, la plus claire et la plus simple, car c'est une question simple, comme toutes les grandes questions historiques, il faut qu'il dise aux Français ou avec les Français ce qu'il croit nécessaire pour cette nouvelle aire dans laquelle nous sommes.
Est-ce institutionnel ?
C'est tout. C'est l'organisation des pouvoirs, c'est la manière dont cela fonctionne et la confiance que l'on doit retrouver en laissant les gens agir.
En organisant un référendum ?
Je n'ai pas dit cela et je ne veux pas le dire, car c'est beaucoup trop tôt.
Deuxième chose : il faut que la France mettre en place une capacité de se doter d'objectifs sur les crises prévisibles et sur les changements que nous sommes en train de vivre.
En réalité, depuis des décennies, nous sommes uniquement dans le constat des orientations prises pour simplifier par le marché, par les initiatives individuelles et d'entreprise, ce qui est très bien, mais pas suffisant.
Je pense qu'il faut aussi qu'un grand pays se dote d'objectifs.
Comment imaginer l'avenir quand on doit supporter une dette qui n'a jamais été aussi élevée, non seulement en valeur absolue, mais également en proportion du PIB et de la richesse française ? Comment imaginer l'avenir et comment inventer des lendemains plus heureux, quand on n'en a tout simplement pas les moyens ?
Vous savez à quel point je me suis battu sur ces questions de déficit et de dette. Je me bats depuis 15 ans, avec une certitude, c'est que, si nous voulions, le moment venu, dans une situation grave, avoir des capacités d'intervention, alors il fallait les préparer. Cela n'a pas été fait. Tous les gouvernements successifs confondus en ont été incapables et nous nous trouvons devant une situation difficile.
Je pense qu'il faut, là encore, un plan, un projet et ce dernier est, pour moi, très simple. Il s'agit de considérer que la dette due à cette épidémie n'est pas une dette ordinaire. Aucun des pays atteints, pas même la Chine, n'est responsable de la naissance de cette épidémie en dehors des complotismes.
C'est une mutation de virus comme il s'en produit dans l'histoire de l'humanité et probablement dans l'histoire biologique de la terre depuis très, très longtemps, une mutation dont personne n'est responsable. Tout le monde a eu à faire face à un tsunami et ce dernier nous a placés dans une situation de très grave crise et de très grave mise en cause de tout ce qui constituait les cadres de notre vie et notamment de notre vie économique.
Personne n'est responsable.
Il faut donc effacer la dette ?
Nous allons avoir besoin de très importants investissements pour nous en sortir. Ces investissements, ce sera de l'emprunt, ce sera de la dette.
Je propose que nous analysions très précisément, à l'euro près si possible, ce que cette crise nous impose d'emprunter, quel est le montant de la dette que nous allons devoir mettre en œuvre pour redresser nos pays, car je ne parle pas seulement de la France bien sûr, et que cette dette soit cantonnée.
Il s'agit de pouvoir réaliser cet emprunt avec un différé d'amortissement de 10 ans, que nous puissions dire : "Voilà, nous allons devoir dépenser, nous n'annulons en rien la dette antérieure, car c'est comme cela que nous pouvons faire face à notre responsabilité…
C'est surtout une condition pour pouvoir emprunter !
… Mais cette dette due au Covid-19 sera cantonnée, puis remboursée avec un différé d'amortissement de 10 ans".
Les organisations internationales - je pense à la BCE, mais nous pourrions penser à la Commission européenne - sont là pour permettre aux pays d'assurer les conditions de leur redressement.
Premièrement, la dette n'est la faute de personne, car la situation n'est la faute de personne. Deuxièmement, nous avons besoin d'emprunter. Troisièmement, nous devons pouvoir emprunter en ayant 10 ans devant nous pour commencer à rembourser cette dette.
C'est votre proposition, mais cela suppose que tous les pays concernés soient d'accord.
Dans le cas où les pays de l'Europe ne se mettraient pas d'accord, craignez-vous une reprise de la crise des dettes souveraines telle que nous avons pu la connaître en 2011 avec l'attaque contre les pays faibles, avec la France qui s'était trouvée dégradée et le fossé entre la France et l'Allemagne se creuser ?
Par rapport à la situation européenne actuelle, avez-vous cette crainte ou pensez-vous que nous pouvons nous en sortir collectivement ?
Pour moi, cette crainte est immense ou la menace est immense et ce n'est pas une menace à écarter du revers de la main.
Je crois que c'est la première fois dans mon engagement politique, qui date de quelques années, que j'ai, en effet, cette crainte de l'éclatement et notamment de l'éclatement de la zone euro. Heureusement, j'ai le sentiment que les conversations entre le Président de la République française et la Chancelière allemande font un peu bouger les choses.
Je pense que certains éléments permettent de penser qu'Angela Merkel est moins prisonnière de la situation dogmatique qu'un certain nombre d'organisations ou de tribunaux en Allemagne voudraient faire naître. Je pense qu'elle a le sentiment justifié que, si l'euro se cassait, ce ne serait pas seulement une menace pour la France, l'Italie, l'Espagne, la Belgique et d'autres pays, si l'euro se rompait, ce serait une menace considérable pour l'Allemagne, car, ce dans cas, la monnaie allemande exploserait à la hausse et les capacités allemandes d'exportation seraient profondément atteintes.
C'est une menace pour tout le monde. J'espère que nous la conjurerons.
Toutefois, quand vous dites que, sur le projet que je viens d'exposer devant vous, il faut l'accord des autres. Non. Ce n'est pas le cas si nous obtenons ce différé d'amortissement, que je pense nécessaire pour redresser le pays, 10 ans pour remettre les choses en place et commencer à rembourser ce que nous aurons emprunté et qui sera très important, sachant que je vois les chiffres plus importants que ce que tout le monde dit.
Quels sont vos chiffres ?
Au bout du compte, je pense que cette situation imposera un investissement de l'ordre de plusieurs centaines de milliards, entre 400 Md€ et un peu plus de 600 Md€, c'est-à-dire à peu près entre 20 % et 25 % du PIB du pays, immobilisé sur plusieurs années, ce qui est considérable, mais également vital.
À propos d'Europe, comment imaginer une politique européenne quand on voit qu'aujourd'hui, face à la crise du Covid-19, les réponses des Européens ont été différentes entre les divers pays et qu'aujourd'hui encore, on voit, par exemple, qu'en Italie, la décision a été prise de permettre aux Européens de venir en Italie pour y passer des vacances pour relancer le tourisme et que ce sera possible dès le 3 juin, ce dont l'Espagne ne veut pas. La Suisse veut rouvrir ses frontières avec la France le 15 juin, mais la France n'y est pas encore prête ou en tout cas n'a pas de discours clair.
Comment imaginer un avenir commun - je parle uniquement de la zone Schengen - entre des États qui ne voient pas le même intérêt, les uns avec les autres ?
L'Union européenne, l'organisation des États européen, cela ne signifie pas que nous sommes tous du même avis, mais cela signifie un point précis : devant l'immensité des menaces, il convient de décider d'agir ensemble, pas tous de la même manière, car il ne sera pas possible d'avoir un seul type de décision, quels que soient les pays et quelles que soient les circonstances.
Comme je plaide pour la confiance au terrain en France, je plaide pour la confiance au terrain aussi dans l'ensemble européen, mais les instruments ou les armes dont nous avons à nous doter pour faire face à l'ampleur des menaces, nous devons, oui, les définir ensemble.
Pour répondre précisément à la question que vous avez posée, oui, je crois qu'il existe une menace énorme sur l'Union européenne. C'est même la première fois de ma vie - je vous le disais -, que j'ai une crainte. Je trouve que, si des pays ou des groupes de pays décident de ne jouer que leur intérêt à courte vue, mal compris selon moi, rien ne sera possible.
Encore une fois, entre les pays exportateurs et les pays importateurs, il existe une communauté d'intérêts, car, s'il n'y a plus personne pour vous acheter les produits que vous produisez, alors vous ne les produirez plus.
Cette manière de regarder les choses à courte vue est absurde.
Que mettez-vous clairement en cause ? Vous évoquez certains pays. Desquels s'agit-il ?
Vous venez de voir une décision de la justice allemande, de la Cour de Karlsruhe, comme on a l'habitude de dire, qui a, au fond, enjoint à la BCE de ne pas prêter comme elle le faisait libéralement aux pays.
Quels sont les maillons faibles gouvernementaux ? Quels sont les pays qu'il faut convaincre et entraîner ?
Vous avez été très élogieux vis-à-vis d'Angela Merkel qui est dans une situation politique très compliquée. Quels pays faut-il entraîner avec nous ?
Mon ton n'est pas celui de l'éloge.
Ce que je vois, c'est que, contre une partie de son opinion publique et contre une partie des décideurs allemands, Angela Merkel semble prendre la direction de résister aux pressions. De ce point de vue, c'est une observation poussant en effet à l'optimisme.
Il en existe une deuxième : parmi les chefs d'État et de Gouvernements européens, le plus déterminé sur ce sujet, même s'il n'a pas toujours réussi, c'est le Président de la République française. Nous avons une parole en Europe - je ne dis pas qu'elle est suivie par tout le monde, très loin de là - qui compte et qui montre une direction.
De ce point de vue, je trouve que c'est plutôt encourageant, mais nous sommes devant un immense combat politique, lequel ne se ne gagnera pas si nous n'y associons pas les citoyens.
Pour l'instant, ce qui est frappant, c'est que nous sommes dans un jeu diplomatique. De quoi s'agit-il ? Des débats, des questions agitées, des rapports de forces, mais à l'abri de l'opinion publique, car personne n'en est saisi et personne n'a entendu de déclaration très importante sur ce sujet.
Personnellement, je suis partisan d'associer l'opinion publique et d'associer les citoyens à ces grandes questions.
Comment les associer, excepté via les enquêtes d'opinion où l'on voit que les citoyens ne font pas confiance à l'exécutif pour gérer cette crise ?
Je ne crois pas du tout cela. Je n'ai pas ce sentiment. Je trouve même les chiffres assez hauts et, encore ce matin, il y a une progression de cinq points.
4/10 !
Ce n'est pas loin de la majorité dans un pays comme la France qui est assez naturellement "bougon", assez naturellement prompt à rouspéter ou à être en désaccord avec ses dirigeants, quels qu'ils soient et quelles que soient les couches successives de dirigeants que nous ayons eues.
Ce n'est pas en France que vous trouverez l'adhésion maximale lors de la prise de décisions, notamment des décisions difficiles. C'est classique.
Toutefois, sur le fond, je suis absolument persuadé que les Français, comme d'autres, et, d'ailleurs, les chiffres ont, de ce point de vue, évolué positivement, savent que nous ne nous en sortirons pas seuls et que, si nous sommes seuls, alors nous serons abandonnés à la loi des autres.
Cela fait des années et des années que je suis profondément blessé par le fait que l'on accepte, par exemple, que les États-Unis décident pour le reste du monde.
Le jour où les États-Unis décident qu'il convient, par exemple, d'imposer des sanctions à l'Iran, cela s'applique à toutes les entreprises du monde, même celles qui sont le plus en désaccord avec cela, car ils ont monté un système dans lequel leur monnaie - le dollar - joue un rôle si important que les échanges passent forcément par le dollar.
Ils ont voté une loi selon laquelle "toute personne ou toute entreprise qui passe par le dollar relève des lois américaines et, si elle ne les applique pas, on peut l'envoyer en prison ou lui infliger des milliards de dollars d'amende".
Personne ne s'en émeut. On n'en parle pas. On fait comme s'il n'était pas possible de procéder autrement.
Quand il m'est arrivé d'en parler avec des dirigeants de très grandes entreprises françaises frappées par cet oukase, ils me répondaient : "Oui, mais on ne peut pas faire autrement".
Revenons en France.
Oui, mais je veux simplement mentionner que ce déséquilibre, qui fait que notre souveraineté est abandonnée à la décision de la puissance américaine est, pour moi, comme citoyen, comme individu, absolument insupportable, absolument à rejeter et, tant que nous n'aurons pas posé ce genre de question qui est celle de la souveraineté - celui qui en parle, franchement, actuellement, c'est le président de la République -, cela n'avancera pas. C'est de notre destin qu'il s'agit, c'est à nous de décider de notre destin et pas à d'autres de décider à notre place.
Cela passe donc évidemment par la construction, l'édification d'une Europe qui décide d'être maîtresse de son avenir.
Quand il faudra rouvrir les frontières françaises ? C'est une décision souveraine ? Quand faudra-t-il la prendre ? Faudra-t-il le faire rapidement comme les Italiens ou ne pas l'envisager comme les Espagnols ?
C'est une décision sanitaire, pas une décision politique. C'est une décision qui doit s'appuyer sur les risques et les faits de cette épidémie et, après, si on peut le faire en sécurité, plutôt on le fera et mieux ce sera.
Donc les Italiens sont allés trop vite d'après vous ?
Les Italiens sont pris à la gorge. Le confinement en Italie a été beaucoup plus dur qu'en France et toute l'économie du pays, l'économie industrielle, en particulier dans le Nord, a été la première frappée car c'est dans le nord de l'Italie que s'est déclenchée l'épidémie pour des raisons sanitaires alors que le nord de l’Italie a un équipement hospitalier très important, au plus haut niveau.
Le reste de l'économie italienne, le tourisme, joue évidemment un rôle très important.
13 %.
Vous vous trouvez devant un pays qui est étranglé, qui est soumis au risque d'asphyxie. Il faut nécessairement ouvrir. Encore n'ont-ils pas les sécurités que nous avons en France, ceux qui se plaignent régulièrement de la société française et des problèmes sociaux, il n'y a pas un pays qui ait déployé un filet de sécurité par le chômage partiel aussi important que celui qu'a fait la France.
Les États-Unis viennent de passer à 15 % de chômage sans sécurité et, les soins aux États-Unis, si vous n'avez pas la carte bleue à la place de la carte Vitale, vous ne pouvez pas obtenir les soins nécessaires pour rester en vie.
En même temps, on sent bien que tout n'est pas rose malgré tout sur la question sociale en ce moment en France.
On sent même de plus en plus de tension. Je voudrais revenir sur la visite d’Emmanuel Macron à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière vendredi ; on a vu ces tensions vraiment entre le personnel soignant et le Président et, plus globalement, on a vu qu'il n'y avait plus du tout de retenue de la part des Français vis-à-vis de leurs responsables politiques.
Qu'est-ce vous dites François Bayrou ? Que tout pourrait maintenant très très vite déraper et surtout est-ce que vous avez des solutions pour faire baisser cette pression, cette tension que l'on sent inlassablement monter ?
D'abord j'espère que votre vision est peut-être moins pessimiste que ce que vous avez exprimé.
Le Président de la République est en première ligne. Vous dites qu’il y a moins de retenue. Franchement, il y a 10 ans, il y a 15 ans que la retenue que vous évoquez n'existe plus.
Souvenez-vous des manifestations innombrables de la manière dont les Français s'adressaient à Nicolas Sarkozy, s'adressaient à François Hollande.
Bon… Le Président de la République, en raison de nos institutions, et des besoins du temps, est en première ligne. C'est lui qui incarne l'orientation du pays, c'est lui qui la porte et il a décidé qu'il ne se cacherait pas, qu'il ne s'échapperait pas. Il a multiplié les voyages, les rencontres, les occasions de discussion avec le pays, il l’a fait pendant toute la crise des gilets jaunes et il le fait là. Je pense qu'il n'y a pas d'autres solutions possibles car, s'il se cachait, s'il se planquait comme on dirait entre guillemets, alors les Français seraient en droit de le lui reprocher.
C'est lui qui a choisi la date du 11 mai et, à mon avis, il a bien fait car je ne vois pas que l'on pouvait maintenir le pays enfermé pendant plus longtemps donc il prend des risques.
Est-ce qu’il n'a pas tout essayé déjà, Emmanuel Macron ? Il a tenté la démocratie participative avec le Grand débat, il a tenté la démocratie démocratique, je veux dire représentatives parce qu'on a voté, là, il y a eu de la concertation sociale, il y a eu du dialogue social avec les syndicats au moment des retraites. On a l'impression qu'il a utilisé tout ce qui existait pour garder le lien avec les Français mais que ce lien - j’ai peut-être des propos plus pessimistes que les vôtres - est vraiment en train de s'effilocher sacrément et sérieusement.
Est-ce que vous avez des solutions car c'était cela ma question ? Comment fait-on pour recréer ce lin dans le contexte dans lequel on est aujourd'hui ?
J'ai connu à peu près tous les derniers Président de la République et ils ont tous eu le sentiment que ce truc c'était le rocher de Sisyphe. Sisyphe monte le rocher jusqu'au sommet de la montagne et il le pose et à ce moment-là le rocher dévale la montagne et il faut recommencer.
Mais c'est parce que les sociétés dans lesquelles nous vivons en sont là et c'est parce que la France n'a pas construit le réseau de responsabilité qui fait que tout ne repose pas sur les épaules d'un seul homme.
Je ne suis pas en train de dire qu'il ne faut pas de chef, qu'il ne faut pas de leader, qu'il ne faut pas de responsable. Je pense exactement le contraire. Je dis souvent que le seul point sur lequel j'ai changé d'avis dans toute ma vie en politique, c'est celui-là. Quand j'étais jeune, j'étais autogestionnaire, je pensais qu'il n'y avait pas besoin de chef, que l'on pouvait se débrouiller très bien et la vie m'a montré que l'on a absolument besoin d'un responsable.
Emmanuel Macron rendait hommage aujourd'hui au Général de Gaulle. Finalement, François Bayrou, vous êtes devenu gaulliste ?
Je l'ai toujours été. Si vous m'aviez fait l'amitié de lire les ouvrages que j'ai écrits, vous auriez vu.
Que vous aviez une passion pour Henri IX et François 1er, mais je plaisante.
Et pour le Général de Gaulle, et il y a même des amis à moi qui me l’ont reproché.
Qu'est-ce il y a de marquant dans cette figure contemporaine historique ? Ce qu'il y a de marquant, c'est qu'il a refusé la fatalité et que ceci est une question qui se pose tous les jours à tous les gouvernants et à tous les citoyens.
Est-ce qu’on accepte que le poids des choses soit si lourd qu'il n'y a plus qu'à baisser les bras et essayer de s'en accommoder et, au fond, de collaborer, comme on peut, en sauvant ce que l'on peut sauver de l'affaissement du pays ?
C'est une question qui se pose tous les jours et, en effet, ce qu'apporte la figure du Général de Gaulle, c'est de dire : Nous ne devons pas accepter cette fatalité de l'effacement, de l’effondrement et de la faiblesse.
On peut et on doit porter une autre vision de l'avenir autour de laquelle se mobiliseront les âmes fortes, on va dire, les courages prêts à agir et ceci est le message et il n'y a pas de message plus actuel que celui-là.
Ce n'est pas un message politique, j'allais dire c'est un message de femmes et d'hommes qui choisit son destin, qui va écrire sa propre histoire et sa destinée.
On a compris l'hommage au Général de Gaulle.
Vous parliez tout à l'heure d'une immense crise économique, immense crise sociale et peut-être immense crise démocratique.
Est-ce que vous pensez que les Français en sortie de confinement ont le sentiment que la situation est aussi grave que celle que vous dites ?
Probablement pas parce que l'espèce humaine croit toujours que cela va s'arranger et que l'on va sans difficulté reprendre les choses où on les avait laissées.
Moi je ne le crois pas et, en plus, il y a un paradoxe incroyable dans tout cela.
L'humanité avait construit un réseau inouï d'échanges matériels, financiers, numériques et c'est la plus petite parcelle du vivant, c'est-à-dire un virus qui fait quelques fractions de millièmes de millimètres qui est venu mettre le grain de sable et, à côté d'un virus, le grain de sable est un géant dans cette immense organisation et tous les rouages ont craqué.
Nous avons à les reconstruire. C'est beaucoup plus dur de construire que de poursuivre. C'est un immense défi. Il va falloir du caractère, de l'imagination et une volonté sans faille pour le faire.
Et des sacrifices ?
Des efforts.
À propos de défi et de volonté de faire, il y a quelqu'un dont la cote de popularité est en train de grimper, c'est celle d'Édouard Philippe. Il est plus haut de 9 points dans l’IFOP qu’Emmanuel Macron. Est-ce que cela le rend intouchable pour la suite ou est-ce vous considérez qu'il faut un grand remaniement pour l'acte 3, l’acte 4 et la suite ?
Vous n'allez pas me répondre mais j'ai tenté quand même.
Si, évidemment, les analyses de journalistes, comme de la plupart des gens qui discutent de politique, vont toujours dans le même sens.
J'ai une idée simple. La division est mortelle. Comme vous savez, je l’ai toujours dit dans ma famille politique, je l'ai toujours dit dans la démocratie française, je l'ai toujours dit en critiquant l'affrontement stupide entre guillemets droite contre entre guillemets gauche, j'ai toujours dit qu'il y avait là une impasse et ce n'est pas d'aujourd'hui, car si vous reprenez l'écriture, il y a un texte magnifique qui dit : « Toute demeure divisée contre elle-même périra ». Cela a 2500 ans et c'est la vérité la plus certaine.
Vous voulez dire un grand ramassis d'union nationale en mettant tout le monde ?
Non, pas du tout, car, cela, les ramassis de gens qui sont en désaccord entre eux, je suis persuadé que l'on ne peut rien faire comme cela, mais on ne doit pas aborder les problèmes dans la recherche d'opposition artificielle ou exagérée entre les gens.
Naturellement, il y a assez souvent, dans la vie politique comme dans la vie tout court, comme dans les associations et même dans les familles, des agacements.
C'est la vie, c'est comme cela que cela marche, on en est préservé quand on est à 850 km du lieu du jeu politique, comme j'ai la chance de l'être.
Là, on est un peu plus cool, comme vous diriez.
Cool, c'est une belle conclusion.
La certitude qui est la mienne, c’est que, si on accepte la division ou si on la recherche, à ce moment-là on se condamne à mort. On l'a vu à d'autres époques avec d'autres partis et je recommande qu'on ne l'oublie pas.
Merci.